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Coronaires

Publié le 30 avr 2016Lecture 8 min

À qui faut-il implanter un défibrillateur implantable dans les cardiopathies ischémiques ?

J.-M. DARONDEL, J. SEBBAH, P. JORROT, É. SIMÉON, F. SEBAG, Département de rythmologie, Institut Mutualiste Montsouris, Paris

Les pathologies cardiovasculaires seraient responsables de 17 millions de décès par an dans le monde dont environ 25 % par mort subite. Parmi ces pathologies cardiovasculaires, les cardiopathies ischémiques représentent l'étiologie la plus pourvoyeuse de décès subit.
Depuis plus de 20 ans, de nombreuses études ont démontré l'intérêt du défibrillateur implantable (DAI) dans certains sous-groupes de ces cardiopathies ischémiques en démontrant de façon très claire une réduction de la mortalité globale aussi bien en prévention secondaire que primaire. Ainsi les sociétés savantes ont déjà émis des recommandations bien connues quant à l'utilisation du DAI dans les cardiopathies ischémiques.

Quoi qu’il en soit, la stratification du risque rythmique reste un problème complexe et l’intérêt des dernières recommandations de l’ESC a été de distinguer différentes phases dans ces cardiopathies ischémiques en y associant pour chacune une stratification du risque et un niveau de recommandation quant à l’utilisation du DAI. Ainsi quatre phases ont été analysées : la phase aiguë d’un événement coronarien, les cardiopathies ischémiques stables sans dysfonction ventriculaire gauche (VG) et les cardiopathies ischémiques stables avec dysfonction VG et QRS fins ou larges.   Phase aiguë d’un événement coronarien (infarctus ou angor instable)   À la phase aiguë d’un événement coronarien, le risque de trouble du rythme ventriculaire grave est important et favorisé par l’ischémie myocardique. Dans ce contexte le traitement le plus urgent et le plus efficace est bien sûr la revascularisation en urgence pour éviter ce risque rythmique et par ailleurs de limiter l’étendue de la nécrose et le risque d’évolution vers l’insuffisance cardiaque. Il n’en demeure pas moins que même dans nos pays industrialisés où l’accès à l’angioplastie en urgence est une priorité, encore 6 % des patients hospitalisés pour un événement coronarien aigu présentent des troubles du rythme ventriculaire graves. Ces événements rythmiques parfois très impressionnants peuvent engager à court terme le pronostic vital. Ainsi les études s’intéressant au pronostic de ces troubles du rythme retrouvent de façon constante une augmentation de la mortalité hospitalière à 30 jours. En revanche la mortalité à long terme en particulier dans les études les plus récentes (prenant en compte les moyens thérapeutiques actuels, tel que l’angioplastie) ne retrouvent pas d’impact sur la mortalité à long terme. Cela est confirmé par les études qui ont proposé l’implantation précoce d’un DAI chez des patients ayant présenté des troubles du rythme à la phase aiguë d’un infarctus et qui n’ont jamais montré de gain sur la mortalité à long terme. Ainsi dans les recommandations actuelles chez les patients présentant un trouble du rythme ventriculaire dans les 48 premières heures d’un événement coronarien aigu, il n’y a pas d’indication de DAI et ce, quel que soit le retentissement hémodynamique du trouble du rythme. Le traitement et la prévention de ces troubles du rythme passent par la revascularisation en urgence, la mise en place systématique d’un traitement bêtabloquant. En cas de trouble du rythme soutenu et mal supporté, la réduction de celui-ci doit être réalisée par amiodarone intraveineuse ou choc électrique externe. L’ablation par radiofréquence peut être envisagée en urgence dans les rares cas de troubles du rythme incessants mal supportés et non contrôlés après revascularisation et traitement antiarythmique. Après la 48e heure, chez un patient correctement traité, c’est la mauvaise tolérance hémodynamique d’un trouble du rythme ventriculaire qui fera discuter l’indication d’un DAI. Cette période hospitalière autour d’un événement coronarien aigu (compliqué ou non d’un trouble du rythme ventriculaire) doit surtout être l’occasion systématique d’identifier à court ou moyen terme les patients qui seront à risque rythmique dans l’avenir. Cette stratification du risque est basée essentiellement sur l’évaluation de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) en post-infarctus immédiat et sa réévaluation à distance (tableau 1). Habituellement, en post-infarctus, on propose une réévaluation systématique à 3 mois devant comporter au moins un ECG et un écho-Doppler cardiaque pour évaluation de la FEVG. L’ESC propose une réévaluation plus précoce à 6 semaines pour des patients à plus haut risque rythmique, à savoir présentant une dysfonction VG préalable ou ayant bénéficié d’une vascularisation incomplète ou tardive, ou continuant à présenter une hyper-excitabilité ventriculaire au-delà de la 48e heure post-infarctus. Chez les patients les plus à risque, on pourra proposer l’utilisation d’une veste de défibrillation entre la phase aiguë de l’infarctus et la période de réévaluation à 6 semaines. Cette réévaluation précoce devant comprendre ECG, Holter ECG écho-Doppler cardiaque (pour réévaluation de la FEVG) et une éventuelle stimulation ventriculaire programmée (SVP) d’évaluation.   Patient présentant une cardiopathie ischémique stable sans dysfonction VG   Dans cette population, l’évaluation du risque est basée sur les symptômes du patient (palpitations, syncopes) en ayant vérifié au préalable que le patient est non ischémique (revascularisation optimale) et que son traitement comporte un bêtabloquant. Chez ces patients, trois cas de figures principaux peuvent se présenter : - soit le patient est asymptomatique, sans arythmie ventriculaire sur les examens non invasifs : il ne nécessite qu’une surveillance régulière ; - soit le patient est symptomatique : essentiellement syncope ou palpitations mal supportées mais sans arythmie ventriculaire documentée : il faut alors proposer une exploration électrophysiologique avec stimulation ventriculaire programmée. Si celle-ci déclenche un trouble du rythme ventriculaire soutenu, il faudra alors discuter l’indication d’un DAI. À noter que cet examen est probablement sous-utilisé, alors qu’on estime que près de 50 % des syncopes rythmiques chez le coronarien stable seraient liées à un trouble du rythme ventriculaire ; - enfin les patients présentant des troubles du rythme ventriculaires soutenus spontanés et symptomatiques doivent faire discuter l’implantation systématique d’un DAI du fait de la nette amélioration de la mortalité rythmique et globale de ces patients avec un DAI par rapport au traitement médical seul. Chez ces derniers patients, l’ablation de TV peut être proposée en association au DAI en cas de troubles du rythme ventriculaire symptomatiques et récidivants sous traitement. Dans le seul cas particulier des patients présentant une TV purement monomorphe avec bonne tolérance hémodynamique, l’ablation pourrait être proposée en alternative au DAI (quand elle est réalisée dans des centres entraînés).   Patient présentant une cardiopathie ischémique stable avec dysfonction VG (FEVG < 40 %)   Dans cette population, tout patient présentant des arythmies ventriculaires soutenues a une indication de DAI en prévention secondaire sous réserve des critères d’exclusion habituels : l’absence de cause réversible, patient à plus de 48 h d’un IDM, correctement traité et avec une espérance de vie d’au moins un an. De plus, dans le cadre de la prévention primaire (c’est-à-dire chez des patients asymptomatiques sur le plan rythmique et n’ayant jamais présenté de trouble du rythme ventriculaire) il y a une indication de DAI si le FEVG est inférieure à 35 %, en classe II ou III de la NYHA (patient avec traitement optimal depuis 3 mois, à plus de 6 semaines d’un infarctus et avec une espérance de vie de plus d’un an. Les patients en stade IV NYHA sont exclus en dehors des patients éligibles à une transplantation ou une resynchronisation cardiaque (tableau 2). C’est probablement dans cette population que les indications de DAI sont les moins bien respectées en France. En effet notre taux d’implantation de DAI par million d’habitants en 2014 était de 194 et devrait être au moins deux fois plus important si nous respections l’ensemble des indications de DAI. Les causes de ces réticences sont probablement multiples et on peut citer une réticence intellectuelle devant l’absence de paramètres rythmiques dans la stratification du risque. On retiendra aussi les risques de complications liés à l’implantation d’un DAI. En effet dans une étude regroupant 3 000 patients implantés avec un DAI sur une durée cumulée de 12 ans les auteurs ont retrouvé 20 % de chocs inappropriés, 17 % de fractures de sonde et 6 % d’infection. Cette fiabilité du matériel ne cesse toutefois de s’améliorer même si les complications ne seront jamais nulles. Quoi qu’il en soit, dans ces indications de prévention primaire, l’intérêt du DAI reste basé sur des preuves formelles puisque dans les études elles s’accompagnent en moyenne d’une baisse de mortalité globale de 25 à 30 % (11 patients à implanter pour en sauver 1). Ces résultats restant égaux ou supérieurs à n’importe quel traitement médicamenteux de l’insuffisance cardiaque dont nous ne saurions d’ailleurs nous passer. Il faut donc probablement être plus interventionniste chez ces patients tout en leur donnant une information précise sur les avantages et les risques de l’implantation afin qu’ils participent à part entière à la décision (tableau 3). Patient éligible à une resynchronisation (cardiopathie stable avec FEVG ≤ 35 % et QRS large)   Dans cette population, l’intérêt du DAI est double puisqu’il apporte une protection rythmique associée à une amélioration hémodynamique espérée par la resynchronisation. Là encore, elle doit être proposée chez des patients stables (non ischémiques avec un traitement médical optimal depuis au moins 3 mois). Le choix entre DAI et PM pour cette resynchronisation dépend essentiellement de l’espérance de vie du patient, mais dans les recommandations, un DAI peut être envisagé dès que l’espérance de vie est supérieure à 1 an. Les indications de resynchronisation cardiaque ont peu changé depuis les dernières recommandations de 2012 et distinguent toujours les patients selon leur classe NYHA, le rythme sinusal ou la fibrillation atriale (FA) et le type de bloc de branche. Ainsi chez les patients en rythme sinusal, en classe III et IV NYHA, avec FEVG ≤ 35 %, une resynchronisation cardiaque est indiquée en cas de bloc de branche gauche ≥ 120 ms ou de bloc de branche droit > 150 ms (tableau 3). Pour les patients en rythme sinusal, en classe II de la NYHA, avec FEVG ≤ 35 %, la resynchronisation n’est maintenant à proposer uniquement qu’en cas de bloc de branche gauche ≥ 130 ms. Le bloc droit n’est plus retenu comme une indication chez ce type de patient (indication classe II B) (tableau 4). Enfin, pour les patients en FA permanente, en classe III ou IV de la NYHA, pas de changement, la resynchronisation cardiaque doit être proposée dès que le QRS est ≥ 120 ms. Notons que les auteurs insistent en cas de FA pour que le pourcentage de stimulation biventriculaire soit le plus important possible (le plus proche de 100 %) pour permettre une resynchronisation optimale, ce qui impose un parfait ralentissement de la FA par un traitement bradycardisant. Si celui-ci n’est pas suffisant, il y aura alors une indication à proposer une ablation de la jonction atrio-ventriculaire.  En pratique   Les cardiopathies ischémiques sont les principales causes de mort subite et leur pronostic reste encore sévère malgré les importants progrès thérapeutiques dans leur prise en charge. Les indications des DAI se sont élargies il y a quelques années et sont basées sur des preuves formelles de morbi-mortalité. L’intérêt des dernières recommandations de l’ESC a été de distinguer les indications selon différents stades de ces cardiopathies afin de mieux appréhender la stratification du risque. Ainsi elles doivent permettre de mieux identifier les patients à risque et augmenter nos taux d’implantation qui restent encore trop faibles par rapport au niveau des recommandations, en particulier dans les indications de prévention primaire si nous voulons protéger au mieux nos patients.  Figure. Nombre de patients à traiter pour en sauver un. Prévention secondaire, ou primaire avec arythmies graves : Avid, MUSTT et Madit, avec fraction d’éjection basse seulement. De Madit II à Companion, comparés aux médicaments, de Copernicus à Hope.

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