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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 14 juin 2016Lecture 8 min

Que faire en cas de détection de FA sur les fonctions mémoires des stimulateurs ou défibrillateurs ?

P. DEFAYE, Unité de rythmologie et stimulation cardiaque, CHU de Grenoble

Tous les stimulateurs cardiaques mais également les défibrillateurs qui ont une sonde atriale permettent de détecter ce qui est appelé en anglais des AHRE (Atrial High Rate Episodes) c’est-à-dire de détecter la fibrillation atriale, la plupart du temps silencieuse.
On sait que la FA est associée de façon générale à une augmentation du risque d’accidents vasculaires cérébraux et autres événements emboliques artériels et que l’anticoagulation par AVK ou AOD réduit ce risque. On sait également que la FA est souvent silencieuse, notamment chez ces porteurs de stimulateurs/défibrillateurs.
Nous allons tenter de répondre aux 2 questions fondamentales : quelle durée d’arythmie atriale détectée par les fonctions mémoires faut-il prendre en compte pour que le pronostic soit modifié ? Faut-il alors anticoaguler ces patients et plus particulièrement lesquels ?

Sensibilité du diagnostic des fonctions mémoires   Il s’agit du suivi exhaustif sur toute la durée de vie d’une prothèse implantable de l’activité atriale. On peut donc penser que la sensibilité diagnostique si la prothèse implantable est bien programmée est proche de 100 % (figure 1). Figure 1. Récidives de fibrillation atriale. Programmation des fonctions mémoires pour un bon diagnostic   Le diagnostic des arythmies atriales est généralement basé sur la survenue d’un repli du stimulateur/DAI en mode ventriculaire (VVIR ou DDIR). Il faut donc que la sonde atriale soit parfaitement posée pour avoir une bonne détection, car la détection d’une arythmie atriale est de très faible voltage. La programmation d’une sensibilité bipolaire élevée est nécessaire (0,4 à 0,6 mV ou sensibilité automatique). La sonde doit être généralement à distance du ventricule pour ne pas risquer de détecter d’activité ventriculaire (cross-talk V-A) qui va entraîner des faux positifs d’arythmie. C’est pour cela qu’il faut toujours valider la détection d’une arythmie par la visualisation d’un EGM mémorisé. Nous sommes cardiologues, rythmologues et nous ne traitons pas des histogrammes mais une confirmation par un tracé endocavitaire indiscutable. Cela permet de savoir s’il s’agit d’une vraie arythmie ou d’un faux positif : surdétection de l’onde T ou du QRS type « crosstalk VA » ou surdétection de myopotentiels en cas de lésion de la sonde (figure 2). Le suivi par télécardiologie de ces prothèses est également très utile afin de faire un diagnostic précoce de ces arythmies silencieuses et de les suivre avec ou sans traitement. Figure 2. Exemple d’arythmies atriales détectées par un DAI, traitées par ablation avec disparition ensuite de toute arythmie au suivi. Prévalence de la FA silencieuse dans les mémoires des stimulateurs/DAI   Celle-ci varie selon les critères de définition de la FA et donc du type de stimulateurs/DAI. En moyenne, cela concerne environ 25 % des patients dans les diverses études randomisées (tableau). Quelles études valident la détection de la FA par les PM/DAI   Nous allons revoir les principales études par ordre chronologique de parution. Elles vont nous permettre de discuter la conduite à tenir. Glotzer(1) en 2003 a étudié, à partir des données de l’étude MOST, le risque embolique ou de décès selon qu’il y a ou non dans les mémoires une détection d’arythmies atriales. Il s’agit d’une sous-étude de MOST qui avait comparé de façon randomisée stimulation DDDR et VVIR dans la dysfonction sinusale. Pour cette sous-étude, les critères de détection ont été programmés à partir de 220 bpm et 10 battements successifs au-dessus de cette fréquence. Il a été retrouvé qu’un passage en arythmie atriale de plus de 5 min pendant le suivi identifiait des patients qui avaient 2 fois plus de risque de décéder ou d’avoir un AVC/AIT. Ces patients avaient également 6 fois plus de risque de développer une FA clinique dans le suivi. Le registre italien de suivi des arythmies atriales grâce à un stimulateur dédié, l’appareil Medtronic AT500, a été publié en 2005(2). Dans cette étude, le suivi est évalué à partir de la détection d’une charge d’arythmie de plus de 24 heures. Le pronostic est alors totalement différent sur le plan du risque embolique (p = 0,03). En allant plus loin et à partir du même registre italien(3), ce risque d’arythmie a été évalué non seulement à partir de la durée mais également en fonction du score de risque thromboembolique (score de CHADS2). Effectivement on peut considérer qu’un patient avec un score à 1 est à risque à partir de 1 h d’arythmie alors qu’en cas de score à 2, son risque apparaît à partir de 5 min. Il faut donc stratifier le risque non seulement à partir de la durée mais également à partir du score de risque thromboembolique et ce qu’on applique actuellement est le score de CHA2DS2-VASc. L’étude TRENDS a été publiée par Glotzer en 2009(4). Elle inclut des patients implantés avec un stimulateur ou défibrillateur ayant au moins un facteur de risque thromboembolique. Au total, 2 486 patients ont été inclus. Le risque thromboembolique a été comparé selon que le plus long épisode d’arythmie était ou non supérieur à 5,5 h. Le risque thromboembolique est retrouvé à 2,4 % par an en cas d’épisode plus long que 5,5 h alors qu’il est de 1,1 % par an en cas de charge basse. En 2012 a été publiée l’étude la plus puissante pour l’instant, l’étude ASSERT(5). Il s’agit d’une étude randomisée de patients après primo-implantation d’un stimulateur ou d’un défibrillateur. Ces patients ont plus de 65 ans, sont hypertendus, n’ont pas d’antécédents de FA et ne sont pas traités par anticoagulants. Dans ASSERT on a retrouvé une augmentation significative du risque à partir d’épisodes de durée supérieure à 6 min. Cela entraîne 2,5 fois plus de risque d’AVC, c’est-à-dire un risque d’AVC de 13 % à la fin du suivi. Le risque thromboembolique a été stratifié également en fonction du score de CHADS2. Le risque relatif est de 2,11 pour un score à 1, et de 3,93 pour un score ≥ 2. Ce risque a été également stratifié en fonction de la durée des épisodes. Comme dit précédemment, une significativité est retrouvée à partir de 6 min mais plus l’épisode est prolongé, plus le risque est important (risque relatif de 1,77 quand ≥ 6 min, 2,01 si ≥ 30 min, 2,99 si ≥ 6 h, et 4,96 si ≥ 24 h [p < 0,001]). Enfin, une dernière étude qui va dans le même sens a été publiée fin 2015(6). C’est une cohorte danoise de 394 patients qui ont été suivis selon la détection d’épisodes atriaux de plus de 6 min. Il s’agit de la première étude avec uniquement des patients implantés avec des systèmes de resynchronisation. Cette étude confirme les données précédentes avec un seuil de 6 min pour que le risque thromboembolique soit modifié. Le risque thromboembolique est de 1,4 % par an en l’absence d’arythmies, il est de 3,1 % si une arythmie est présente. Il est beaucoup plus important si la durée de l’épisode est > 24 h. La seule étude négative est l’étude IMPACT publiée par Martin fin 2015(7). Il s’agit d’une étude puissante puisque 2 718 patients implantés avec des défibrillateurs ont été inclus, suivis en télécardiologie, randomisés en fonction de la survenue ou non d’arythmies atriales dans les mémoires. L’anticoagulation a été démarrée à partir d’une arythmie de plus de 48 h en cas de score de CHADS2 à 1 ou 2, et à partir de 24 h si le score est > 2. L’anticoagulation a été guidée selon le suivi des mémoires en télécardiologie. S’il n’y a plus d’arythmie plus de 30 j consécutifs en cas de CHADS2 à 1 ou 2, le traitement était interrompu, de même si absence d’arythmie pendant plus de 90 j si le score est à 3 ou 4. Cette étude est très décevante avec absence de différence significative entre les 2 groupes avec absence de différence significative entre les 2 groupes (p = 0,777). La stratégie d’initiation précoce et d’interruption des anticoagulants basée sur la télécardiologie ne permet pas de prévenir les événements thromboemboliques. Cela est parfaitement expliqué par plusieurs sous-études de grandes études dont nous avons parlé et qui montrent l’absence de relation temporelle entre la survenue d’un épisode de fibrillation atriale et la survenue d’un AVC(8). En quelque sorte et quelles que soient les études, si l’on examine les fonctions mémoires des 30 jours qui précèdent un événement thromboembolique, on ne retrouve que 30 % des patients avec un épisode de fibrillation atriale. En allant plus loin, dans toutes ces études, 50 % des patients qui ont eu un événement thromboembolique ont eu des arythmies atriales durant le suivi. Cela est problématique et la relation entre FA silencieuse et AVC est plus complexe que l’explication binaire avec survenue d’une FA, stase dans l’auricule et formation d’un caillot. Il est probable que la FA soit plutôt un marqueur du risque que la cause directe de l’événement embolique. La FA silencieuse, elle-même, n’est pas forcément la cause directe des embolies systémiques mais plutôt un marqueur du risque cardio-embolique et l’anticoagulation est nécessaire ici. Certains événements thromboemboliques peuvent être également dus à des mécanismes indépendants de la FA (lacunes dues à l’hypertension, athérothrombose, etc.) et la FA est alors uniquement un marqueur (figure 3). Est-ce que l’anticoagulation est aussi utile ici ? Cela reste à prouver. Figure 3. Dissociation temporelle entre la FA et les événements emboliques dans les diverses études. Concernant les recommandations des sociétés savantes, les relations entre FA silencieuse et diagnostic par un stimulateur/défibrillateur sont abordées dans les recommandations nord-américaines de 2014(9). Elles insistent sur l’intérêt du diagnostic par ces prothèses mais mettent en avant la nécessité de nouvelles études interventionnelles pour clarifier les relations entre épisodes atriaux rapides détectés par ces prothèses, risque embolique et utilité des anticoagulants. De grandes études débutent et vont aider à répondre à cette question. Dans l’étude ARTESIA, il est prévu de randomiser des patients avec un score de risque supérieur à 3 associé à la détection d’arythmies, entre apixaban et aspirine. Au total, 3 917 patients vont être inclus aux États-Unis et en Europe. Une autre étude va également débuter, c’est une étude européenne : l’étude NOAH-AFNET 6 avec randomisation entre edoxaban, aspirine ou rien.     En pratique    L’enregistrement d’arythmies atriales par les fonctions mémoires d’un stimulateur cardiaque/défibrillateur est le meilleur outil diagnostique et de suivi existant. Ces enregistrements sont beaucoup plus performants que les examens Holter conventionnels, voire les enregistreurs de longue durée. Une durée de 6 min est associée avec une augmentation du risque d’AVC dans l’étude ASSERT qui fait référence. Avant d’affirmer qu’il s’agit d’une véritable arythmie atriale, il faut toujours confirmer en visualisant les EGM (électrogrammes mémorisés). Les stimulateurs/DAI doivent être bien programmés au niveau de l’oreillette et la sonde doit être bien positionnée. Il faut éliminer les surdétections qui peuvent mimer l’enregistrement d’une arythmie. L’utilisation de la télécardiologie peut être d’une grande utilité car elle permet un diagnostic précoce de ces arythmies silencieuses et notamment leur suivi. Il est fort probable qu’un traitement anticoagulant par anti-vitamine K ou mieux par AOD prescrit précocement va permettre de prévenir la survenue d’un AVC. On pourrait faire la proposition suivante : - en cas de score CHA2DS2-VASc = 0, il n’est pas nécessaire d’anticoaguler ; - en cas de score CHA2DS2-VASc = 1-2, on anticoagulera à partir d’une durée d’arythmie de 24 à 48 h ; - en cas de score de CHA2DS2-VASc = 3-4, on anticoagulera à partir de 5/6 min ; - si le score CHA2DS2-VASc = 5-6, la question n’est pas résolue, faut-il anticoaguler pour des durées plus précoces ou sans documentation si l’on veut être un peu provocant ? Les études en cours ou à venir permettront de répondre.  

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