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Insuffisance cardiaque

Publié le 01 avr 2017Lecture 8 min

Comment éviter les réhospitalisations et améliorer le pronostic ?

Marie-France SERONDE, Unité Inserm 942, CHU de Besançon

L’insuffisance cardiaque est un problème de santé publique. De fait, alors que globalement la mortalité des patients atteints d’insuffisance cardiaque diminue en Europe(1), les réhospitalisations restent fréquentes, on estime à 20 % le risque de réhospitalisation à 30 jours et 30 % à 3 mois(2). Ces réadmissions sont dans la majorité des cas liées à des récidives de décompensation cardiaque et la plupart d’entre elles pourraient être évitées(3). D’autre part, les réhospitalisations grèvent le pronostic de ces patients et le budget de la santé(4).

Plusieurs études ont déjà évalué les facteurs prédisposant aux réhospitalisations et ont essayé de trouver des pistes qui permettraient de réduire leur nombre(5,6). Ces études sont américaines et réalisées sous l’impulsion des Assurances maladie. La réduction du risque de réhospitalisation passerait par l’amélioration de la prise en charge des patients hospitalisés pour décompensation cardiaque, une meilleure organisation de la sortie et du suivi après la sortie. Pendant l’hospitalisation C’est la gestion de la congestion qui va déterminer le devenir du patient : un patient qui sort avec des signes congestifs sera réhospitalisé rapidement(7,8). La congestion peut être évaluée cliniquement, à l’aide de l’échographie pulmonaire ou du dosage des peptides natriurétiques(9,10). Ainsi D. Logeart et coll. ont montré qu’un taux plasmatique de BNP qui reste élevé à la sortie d’hospitalisation prédit le risque de réhospitalisation(11). La gestion des diurétiques est importante, et une majoration de l’insuffisance rénale pendant cette hospitalisation n’est pas péjorative si le patient n’est plus congestif(8,12). C’est aussi pendant cette phase qu’il faut introduire ou majorer les traitements qui sauvent des vies (inhibiteurs du système rénine angiotensine aldostérone, bêtabloquants) car le traitement après la sortie de l’hôpital est rarement modifié(6,13,14). Par ailleurs, pendant cette hospitalisation, il faut rechercher et traiter les comorbidités : diabète, hypertension artérielle, dysthyroïdie, syndrome d’apnée du sommeil, insuffisance rénale chronique, carence martiale avec ou sans anémie, démence et grand âge, BPCO associée qui grèvent le pronostic et favorise les réhospitalisations. Il faudra s’appliquer à déterminer les facteurs de décompensation cardiaque(15). Ceux qui ne sont pas prévisibles : infection, troubles du rythme supraventriculaire ou ventriculaire, phénomènes ischémiques ; et ceux qui sont prévisibles et qui pourraient être évités comme liés à l’iatrogénie (prescription d’AINS…) ou dépendante du patient (erreur de régime, oubli ou arrêt des traitements à visée cardiaque, etc.). La réduction des réadmissions passe aussi par l’éducation thérapeutique (ETP) de ces patients, et ce dès la première hospitalisation pour insuffisance cardiaque décompensée(16). L’accompagnement thérapeutique est un processus continu, centré sur le patient et inclus dans les soins (définition de l’OMS 1998). La Société européenne de cardiologie recommande une prise en charge en ETP avec une recommandation de type IA en 2016(17). La sortie de l’hôpital C’est à ce moment-là que va s’organiser le parcours de soin du patient insuffisant cardiaque. En effet, la surveillance à domicile de ces patients n’est pas optimale, 30 % ne revoit pas de médecin traitant dans le mois qui suit la décompensation cardiaque selon les données de la CNAM et 30 % seulement ont revu un cardiologue dans les 3 mois dans le registre FUTURE(13,14). Réadapter Une minorité de patients va suivre une réadaptation à l’effort, alors qu’elle permet une amélioration des capacités fonctionnelles et de la qualité de vie. Elle a un effet sur la survie et sur la réduction des réhospitalisations. Elle permet l’instauration et la titration des traitements médicamenteux. Elle assure un accompagnement thérapeutique, un retour au travail pour les plus jeunes. Elle apporte un soutien psychologique et en plus elle est recommandée par la Société européenne de cardiologie(17,18). Le parcours de soins doit être établi à la sortie Il existe une période vulnérable d’un mois après la sortie durant laquelle le risque de réhospitalisation est majeur(19). C’est pendant cette période que réapparaissent les signes congestifs, que l’insuffisance rénale peut s’aggraver. J. Ryan et coll. ont montré dans leur étude que la consultation obligatoire d’un médecin pendant cette période permettait une réduction du risque de réhospitalisation de près de 30 % contemporaine d’une augmentation des thérapeutiques à visée cardiaque(19,20). En France, le projet PRADO est né en 2013, d’abord dans un certain nombre de centres pilotes, maintenant étendu à toutes les régions. L’Assurance maladie met à disposition de ses assurés (régime général) un suivi à domicile. Elle organise le parcours de soins du patient à son retour à domicile, par l’intermédiaire d’une conseillère. Elle assure un accompagnement thérapeutique par une infirmière libérale formée à l’IC (Formation FADO), une fois par semaine. Par ailleurs, elle organise les consultations auprès du médecin référent du patient dans la semaine qui suit l’hospitalisation, et du cardiologue dans le mois suivant. Ce suivi a une durée de 2 mois, renouvelable une fois. Un carnet de suivi accompagne le patient. Pour l’instant, nous n’avons pas d’évaluation pertinente de cette prise en charge. D’autres initiatives existent avec la mise en place de structure d’éducation thérapeutique ambulatoire ou de réseau de prise en charge. Une étude en cours « ECAD-HF » coordonnée par D. Logeart teste une prise en charge intensive (au décours immédiat de la sortie) versus standard chez des patients hospitalisés pour IC décompensée et présentant des facteurs de risque de réhospitalisation (BNP ou NTproBNP > 350 et 2 200 pg/ml, créatininémie ≥ 180 μM (20 mg/l), PA systolique ≤ 110 mmHg, antécédents d’hospitalisation pour ICA dans les 6 mois précédents). Le critère d’évaluation principal est l’évaluation de la mortalité et des réhospitalisations. La check-list Afin d’améliorer la prise en charge de ces patients et de réduire le risque de réhospitalisation pour décompensation cardiaque à la sortie, certains ont testé une checklist de sortie, reprenant tous les items pertinents permettant de réduire les décompensations et leur hospitalisation. G.C. Fonarow et coll. avaient déjà proposé cette liste dans l’étude OPTIMIZEHF centrée sur l’optimisation des traitements, A. Basoor et coll. en proposent une autre qui a démontré son effet sur le taux de réadmission, l’AHA en propose une autre(6,21,22). Nous proposons un exemple de checklist de sortie (tableau).   Le suivi du patient insuffisant cardiaque chronique (ICC) La période posthospitalisation est propice aux réhospitalisations mais le suivi du patient IC chronique au long cours est important car la morbimortalité de ces patients reste importante même si de nombreux traitements ont démontré leur efficacité(23). Le suivi de ces patients a plusieurs objectifs : optimiser les thérapeutiques, la surveillance et détecter précocement les signes de décompensation. D’autre part, il faut améliorer l’organisation des soins pour faire en sorte que ce patient puisse être rapidement pris en charge par un spécialiste. Les réseaux de soin Mis en place dans plusieurs régions, les réseaux de soins doivent permettre un meilleur suivi des patients ICC. Faites d’une coopération « sanitaire » multiprofessionnelle intermédicale ou interprofessionnelle, ces structures ont été fortement promues par les autorités de santé. Elles relèvent d’accréditations et de nombreux textes règlementaires. Les réseaux ont vu leur plein essor dans les années 2000. Plusieurs expériences françaises, Respecticoeur, Cardio saintonge, Resicard, Icalor, ont été depuis abandonnées. La télémédecine La télémédecine, et en particulier le télémonitoring des patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique, permet une surveillance à distance de différents paramètres, qui peuvent être cliniques (poids, TA, pouls, signes fonctionnels) mais aussi biologiques (dosage de marqueurs biologiques plasmatiques), hémodynamiques (surveillance de la pression artérielle pulmonaire) ou rythmiques (défibrillateurs). Son objectif premier est de détecter les prémices d’une décompensation cardiaque et de permettre de réagir vite et éviter les réhospitalisations. L’autre objectif est de permettre au patient d’être détecté et traité sans se déplacer, point important devant la désertification médicale. Ces techniques de télésurveillance sont encore en évaluation, il faut trouver le modèle médicoéconomique mais aussi médical le plus réaliste et le plus efficient. Ces dernières années, plusieurs études sont parues dans la littérature, donnant des résultats mitigés en termes de morbimortalité. Ces études étaient très hétérogènes en termes de méthode de suivi, de critères de surveillance et de population suivie. Les résultats de l’étude CHAMPION étaient très encourageants. Elle consistait à monitorer la pression artérielle pulmonaire (PAp) à l’aide d’un capteur placé dans l’artère pulmonaire. Cette étude a montré que la surveillance de la PAp associée à une adaptation des traitements permettait de réduire de façon significative le critère combiné mortalité ou réhospitalisations pour IC, mais aussi les réhospitalisations à 90 jours chez des patients ICC au stade III(24). Deux autres études, TIMHF (résultats non publiés) et TELEHF trial, se sont avérées négatives(25,26). Une métaanalyse Cochrane publiée en 2014 montrait un effet bénéfique du télémonitoring dans l’ICC en termes de réhospitalisation(27). En France, plusieurs études sont en cours, en particulier l’étude PIMS en Ile-de-France et l’étude OSICAT, évaluant l’effet d’une télésurveillance de patient atteint d’ICC associée à un accompagnement thérapeutique ; elle permettront peutêtre de répondre à la question. Les inclusions sont terminées. Par ailleurs, un arrêté a été publié en décembre 2016, portant sur le cahier des charges des expérimentations relatives à la prise en charge des actes de télésurveillance en France. Place de l’éducation thérapeutique Toute cette prise en charge est centrée sur le patient. Il faut que le patient soit acteur de sa pathologie, il doit adhérer à sa prise en charge car sans le patient, pas de suivi. Ainsi l’éducation thérapeutique ne doit pas être dissociée du reste de sa prise en charge. Il existe une définition de l’ETP publiée par l’OMS en 1998 : « L’éducation thérapeutique du patient devrait permettre aux patients d’acquérir et de conserver les capacités et les compétences qui les aident à vivre de manière optimale leur vie avec leur maladie. Il s’agit par conséquent d’un processus permanent, intégré dans les soins, et centré sur le patient ». L’objectif de l’ETP est d’assister et de soutenir le malade ou son entourage dans la prise en charge de la maladie. Elle est conforme à un cahier des charges national dont les modalités d’élaboration et le contenu sont définis par arrêté du ministre chargé de la Santé. Une métaanalyse publiée par C.O. Philipps et coll. dans le JAMA en 2004 comportant 18 études sur des patients de plus de 55 ans comprenant ETP dès la sortie et à distance sur une période de suivi moyenne de 8 mois, a montré une réduction des hospitalisations, une amélioration de la qualité de vie et une réduction de la mortalité(16). Le programme ODIN, réalisé en France, a visé à analyser « dans la vraie vie » l’impact du programme ICARE sur les patients via une analyse de propension. Dans cette étude, l’éducation réduit la mortalité des patients éduqués à un an(28). En pratique Le nombre de réhospitalisations reste important malgré les progrès thérapeutiques de ces dernières années. Un certain nombre de ces réhospitalisations pourrait être évité, en particulier après une hospitalisation. Pour cela, il faut optimiser la prise en charge des patients décompensés hospitalisés, et mieux organiser la sortie et le suivi à domicile.

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