Publié le 01 nov 2019Lecture 3 min
Le programme ETAPES dans l’insuffisance cardiaque
Jean-Pierre GUEFFET, Hôpital privé du Confluent, CHU de Nantes
Le programme ETAPES (Expérimentation en télémédecine pour l’amélioration des parcours de santé) a été conduit à l’hôpital privé du Confluent à Nantes. La France est pionnière en télésurveillance de l’insuffisance cardiaque grâce au programme ETAPES dont le financement par la Sécurité sociale (article 36) permet le développement d’expérimentations en vie réelle.
Les forfaits pris en charge par la Sécurité sociale se décomposent ainsi :
– prestataire technique : 300 euros/6 mois ;
– cardiologue télésurveillant : 110 euros/6 mois ;
– accompagnement thérapeutique par IDE : 60 euros/6 mois. (≥ 3 séances/6 mois présentielle ou téléphonique).
Des outils connectés simples d’utilisation
La télésurveillance s’effectue à partir d’outils connectés (via une clé 3G, donc une connexion internet n’est pas indispensable) au domicile du patient insuffisant cardiaque.
Ces outils mesurent au moins le poids, mais peuvent aussi surveiller le pouls, la pression artérielle, la saturation, les symptômes suivant les prestataires techniques (tableau). L’important est que ces outils connectés soient simples d’utilisation pour ne pas rebuter une population âgée peu familière des outils numériques.
Quel objectif ?
Il faut des signes congestifs ou des symptômes pouvant prédire une décompensation cardiaque, suffisamment tôt pour que l’augmentation du traitement diurétique oral permette d’éviter l’hospitalisation.
En pratique, les différents paramètres surveillés sont télétransmis sur un serveur consulté quotidiennement (les jours ouvrés) par une cellule de télésurveillance, composée dans notre centre par 3 infirmières fonctionnant sur l’équivalent d’un temps plein (1/3 temps chacune pour cette activité) et aux compétences complémentaires (DU d’insuffisance cardiaque, DU d’éducation thérapeutique, expertise en télésurveillance rythmique).
En cas d’alerte (par exemple prise de poids rapide ou bien orthopnée), l’IDE contacte par téléphone le patient pour évaluer la nécessité d’une action thérapeutique.
Il s’agit véritablement d’une pratique infirmière avancée qui se fait en concertation avec un cardiologue spécialisé en insuffisance cardiaque.
Les actions peuvent conduire le plus souvent à une majoration du traitement diurétique, une consultation avancée ou encore une prescription biologique. En cas de modification du traitement de fond de l’insuffisance cardiaque (en dehors de la posologie des diurétiques) un courrier est adressé aux médecins du patient (médecin généraliste et cardiologue libéral). On essaie autant que possible d’éviter une hospitalisation ou bien une admission aux urgences.
Dans cette configuration, le patient insuffisant cardiaque devient acteur de sa prise en charge et « notre meilleur collègue » selon les termes du Pr Jourdain. La télésurveillance permet également aux patients insuffisants cardiaques un accès direct (les jours ouvrés) à un professionnel de santé spécialisé dans la prise en charge de sa maladie.
Le programme ETAPES est aussi l’occasion de renforcer nos équipes d’éducation thérapeutique par une rémunération, car il doit y avoir un accompagnement thérapeutique associé à la télésurveillance. En pratique, le premier entretien est présentiel, et s’effectue lors de l’hospitalisation pour décompensation cardiaque. Les deux autres entretiens sont téléphoniques. Certains patients (les plus mobilisables) sont conviés aux séances d’éducation thérapeutique organisées au cours de l’année.
Pour être efficace, la sélection des patients doit être rigoureuse (encadré).
Au bout de 6 mois, la télésurveillance peut être poursuivie 6 mois supplémentaires si les patients sont toujours symptomatiques avec des taux de BNP/proBNP élevés. Après 1 an sans réhospitalisation, la télésurveillance « remboursée » s’interrompt. Pour les patients les moins graves, la télésurveillance n’est sans doute plus nécessaire d’autant que le patient a pu acquérir les compétences pour s’autosurveiller.
Depuis février 2018, début de notre cellule de télésurveillance de l’insuffisance cardiaque, nous avons inclus 149 patients dans le programme ETAPES. Actuellement, la file active comporte 89 patients (sortie de 60 patients, car non réinclusion des patients les moins graves, décès, mise en dialyse et sorties à la demande du patient).
En pratique
La télésurveillance comporte bien sûr des limites et ne permet pas d’éviter toutes les hospitalisations notamment pour les patients les plus graves, mais nous avons vraiment l’impression d’une efficacité.
Ainsi, dans notre expérience, nous enregistrons un taux de réhospitalisation de moins de 25 % dans notre file active.
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