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Insuffisance cardiaque

Publié le 01 sep 2017Lecture 9 min

Pourquoi un test d'effort avec mesure de la VO2 chez l’insuffisant cardiaque ?

Florence BEAUVAIS, Hôpital Lariboisière, Paris

Communément appelé « test d'effort avec mesure de la VO2 » ou « épreuve d’effort cardiorespiratoire », le test d’effort avec mesure des échanges gazeux apporte de nombreuses informations complémentaires à celles obtenues par les explorations effectuées au repos ou lors d’un simple test d’effort. Véritable banc d’essai, cet examen permet non seulement d’évaluer le niveau de performance globale maximale de l’organisme, mais permet également, par l’analyse d’un certain nombre de paramètres spécifiques, une meilleure compréhension des capacités d’adaptation des systèmes cardio-circulatoire, respiratoire et musculaire au cours de l’exercice. Pour le cardiologue, cet examen s’adresse principalement aux patients insuffisants cardiaques chez lesquels plusieurs informations diagnostiques et pronostiques peuvent être obtenues.

Tolérance globale à l’effort ? VO2 max ou pic de VO2   Lors d’un effort, l’énergie nécessaire à la contraction des cellules musculaires provient de l’hydrolyse de l’ATP dont le renouvellement dépend du métabolisme intracellulaire aérobie et anaérobie des substrats (glucides et lipides). Étant plus rentable en ATP que la filière anaérobie, la filière aérobie (mitochondriale) est privilégiée et la consommation en oxygène (VO2) des cellules musculaires augmente au cours de l’effort proportionnellement aux besoins en ATP. La consommation maximale d’oxygène (VO2 max) reflète la quantité maximale d’oxygène que l’organisme peut prélever (poumons), transporter (cœur et vaisseaux) et consommer (muscles) par unité de temps. Les déterminants de la VO2 sont donc nombreux (tableau) : la fraction inspirée en O2, la ventilation, la diffusion alvéolocapillaire, la pression artérielle en O2, le taux d’hémoglobine, le volume d’éjection systolique (VES), la fréquence cardiaque, mais aussi et surtout la répartition vasculaire, la vasomotricité, la masse musculaire et la capacité cellulaire d’extraction en O2. Une des équations définissant la VO2 est l’équation de Fick, dans laquelle la VO2 est le produit du débit cardiaque (Qc) et de la différence artério-veineuse systémique (DAV) en oxygène (contenu artériel en O2 - Contenu veineux mêlé [artère pulmonaire] en O2). La consommation maximale d’oxygène se définit classiquement par un plateau (VO2 max), c’est-à-dire l’absence d’augmentation de la VO2 malgré l’augmentation de la charge ; ce plateau est en fait rarement atteint. On parle alors de pic de VO2, correspondant à la valeur obtenue pour un effort maximal quand il n’y a pas de plateau. La consommation maximale d’oxygène dépend de la masse musculaire mise en jeu et est exprimée en ml/min/kg (les puristes disent le VO2 car il s’agit du débit de consommation d’oxygène). Elle varie en fonction de l’âge (diminue régulièrement avec l’âge) et du sexe (plus élevée chez l’homme que chez la femme) et des valeurs maximales théoriques ont été établies. La mesure de la consommation maximale d’oxygène permet l’évaluation objective de la capacité fonctionnelle d’un individu au cours d’un effort. Pour le cardiologue, cet examen s’adresse principalement aux patients insuffisants cardiaques pour lesquels les paramètres d’évaluation (classification NYHA, questionnaires) ne sont pas toujours le reflet de leur véritable gêne fonctionnelle. Une consommation maximale d’oxygène élevée reflète une bonne adaptation du système intégré « cardio-circulatoire, respiratoire et musculaire ». Inversement, une valeur maximale de VO2 basse traduit une mauvaise adaptation de ce système. Il est à noter que, contrairement à ce que l’on pourrait attendre chez l’insuffisant cardiaque, le pic de VO2 est faiblement corrélé à la fraction d’éjection ventriculaire gauche (deux patients avec une FEVG identique pourront avoir un pic de VO2 très différent), le facteur limitant de ces patients à l’effort dépendant en grande partie du degré d’entraînement physique et faisant intervenir des mécanismes périphériques vasculaires et musculaires. L’interprétation du pic de VO2 se fait en fonction de la valeur absolue de ce pic (en ml/min/kg) et en fonction des valeurs théoriques pour l’âge et le sexe pour un patient donné (en % de la VO2 max théorique). Un pic de VO2 supérieur à 85 % des valeurs maximales théoriques est considéré comme normal. La classification de Weber est utilisée pour apprécier le degré de sévérité de l’insuffisance cardiaque. Différentes valeurs seuils ont été proposées : un pic de VO2 inférieur à 12 ml/kg/min est de mauvais pronostic et incite à mettre rapidement le patient sur liste de transplantation cardiaque. Mais il semble actuellement plus performant d’utiliser l’indexation à la valeur théorique, un pic de VO2 inférieur à 50 % de la valeur théorique étant un indice pronostique péjoratif. La reproductibilité des mesures du pic de VO2 intra- et inter-observateur est excellente et cet examen reste un des meilleurs pour suivre dans le temps l’évolution de la maladie, adapter les thérapeutiques et objectiver le bénéfice d’un entraînement à l’effort.   Niveau d’entraînement physique ? Seuils ventilatoires   Le premier seuil ventilatoire (SV1) témoigne théoriquement de la transition entre un métabolisme énergétique initialement purement aérobie et la participation secondaire d’un métabolisme énergétique anaérobie avec une augmentation du taux sanguin de lactates. La filière anaérobie intervient essentiellement en fin d’effort quand la filière aérobie est insuffisante. La valeur de VO2 au SV1 reflète l’état de « conditionnement périphérique » musculaire et vasculaire et dépend du degré d’entraînement physique. L’augmentation des fibres musculaires aérobies et l’amélioration de la vascularisation périphérique lors d’un entraînement aérobie retarde la participation secondaire du métabolisme anaérobie et de ce fait la survenue du SV1. Plus le sujet est entraîné, plus la valeur de VO2 au SV1 sera élevée. Inversement, plus le patient sera « déconditionné », plus la valeur de VO2 au SV1 sera faible. L’interprétation de la valeur de VO2 au SV1 se fait en fonction de la valeur maximale théorique de VO2 pour l’âge et le sexe pour un patient donné (valeur de VO2 au SV1 en % de la VO2 max théorique). Chez un sujet « standard », la VO2 au SV1 est située autour de 50 % de la VO2 max théorique. Chez un sujet sportif, le SV1 sera plus tardif et la VO2 à ce seuil sera supérieure à 60 % de la VO2 max théorique. Un sujet sera considéré comme « déconditionné » si la VO2 au SV1 est inférieure à 40 % de la VO2 max théorique. Chez ces derniers, l’interprétation de la VO2 au SV1 en fonction du pic de VO2 atteint (et non de la VO2 max théorique) permet d’évaluer si le facteur limitant l’exercice est périphérique (le déconditionnement) ou central (la limitation du débit). Chez l’insuffisant cardiaque, l’inadaptation du système cardio-circulatoire à l’effort est souvent masquée par le déconditionnement périphérique mais pas systématiquement. Le deuxième seuil ventilatoire (SV2) témoigne théoriquement de l’apparition d’une acidose (phase finale de l’exercice). Tant que le sujet est en dessous de ce seuil ventilatoire, il peut maintenir un effort longtemps. Une fois le SV2 franchi, le patient ressent l’effort comme très difficile et l’effort ne pourra pas durer plus de quelques minutes. Ce SV2 n’est pas toujours franchi chez l’insuffisant cardiaque. Les seuils SV1 et SV2 vont permettre de déterminer le niveau du programme d’entraînement et, également par des mesures répétées, d’objectiver le bénéfice obtenu.   Pronostic du patient ? Autres paramètres d’évaluation   Le pic de VO2 reste un des paramètres pronostiques les plus puissants chez le patient insuffisant cardiaque. La pente VE/VCO2 (ventilation/volume expiré de CO2) reflète l’évolution de l’efficience ventilatoire au cours de l’effort. Sa valeur normale est inférieure à 30. Une augmentation de la valeur de cette pente traduit une hyperventilation excessive dont les mécanismes sont variés et complexes. Chez le patient insuffisant cardiaque, l’augmentation de la pente VE/VCO2 reflète souvent une augmentation des pressions de remplissage et/ou une hypertension artérielle pulmonaire lors de l’exercice. Plusieurs études ont validé la valeur pronostique de la pente VE/VCO2 dans l’insuffisance cardiaque ; une valeur supérieure à 35 est anormale, des valeurs supérieures à 45 sont toujours de mauvais pronostic. La puissance circulatoire maximale se définit comme le produit du pic de VO2 (en ml/min/kg) par la pression artérielle systolique (en mmHg) mesurée au maximum de l’effort. Elle a été proposée comme marqueur pronostique, par analogie à la puissance cardiaque générée au cours de l’effort (définie comme le produit du débit cardiaque par la pression artérielle moyenne mesurés par des techniques invasives) qui représente un des facteurs pronostiques les plus puissants dans l’insuffisance cardiaque. Cet indice intégrant l’évolution de la post-charge à l’effort semble avoir une valeur pronostique supérieure à celle du pic de VO2. Une valeur de puissance circulatoire inférieure à 2 000 est associée à un taux de mortalité élevé à un an. La cinétique de décroissance de la VO2 en récupération dépend de la cinétique de resynthèse des réserves énergétiques musculaires (ATP, phosphocréatine) utilisées lors de l’exercice. L’insuffisance cardiaque se caractérise par un temps de resynthèse des réserves énergétiques plus important qui se traduit par un allongement du temps de demi-décroissance de la VO2 (T1/2 VO2). En récupération, la VO2 décroît de 50 % en moins de 80 secondes chez un sujet sain. Une valeur de T1/2 VO2 supérieure à 180 secondes évoque une insuffisance circulatoire sévère. La valeur pronostique de ce paramètre reste inférieure à celle du pic de VO2 mais reste utilisable en présence d’un test d’effort sous-maximal. La présence d’oscillations respiratoires au repos témoigne d’un asynchronisme entre la stimulation des chémorécepteurs aortiques à l’hypocapnie/hypercapnie et la réponse ventilatoire d’origine centrale, liée notamment à un retard circulatoire. La physiopathologie de ces phénomènes est complexe et se rapproche de celle de la dyspnée de Cheynes-Stokes décrite dans l’insuffisance cardiaque sévère. La valeur pronostique indépendante de ce phénomène est indiscutablement péjorative.   Aide au diagnostic ?   L’analyse de l’ECG à la recherche de trouble du rythme et/ou de la repolarisation reste bien sûr indispensable même chez un patient insuffisant cardiaque non coronarien. L’analyse de l’évolution de la fréquence cardiaque durant l’effort peut apporter des informations précieuses. La mise en évidence d’une insuffisance chronotrope caractérisée par une élévation de la fréquence cardiaque inférieure à 20 battements/ minutes au pic de l’effort témoigne souvent d’une insuffisance cardiaque sévère et surtout peut expliquer dans certains cas la franche limitation à l’effort des patients, quel que soit le degré de déconditionnement périphérique sous-jacent. Le pouls d’oxygène correspond au ratio de la VO2 par la fréquence cardiaque. Représentant à chaque instant le produit du volume d’éjection systolique (VES) par la différence artério-veineuse (DAV) en O2, le pouls d’O2 est un reflet indirect de l’évolution du volume d’éjection systolique. Lors d’une épreuve d’effort à charge croissante, la différence artério-veineuse augmente, même en présence d’une insuffisance cardiaque évoluée ; une stagnation, voire une diminution du pouls d’oxygène observée au cours de l’effort traduit une baisse du volume d’éjection systolique. L’analyse du pouls d’oxygène permet ainsi d’évoquer certains diagnostics comme l’apparition d’une ischémie myocardique, la majoration d’une insuffisance mitrale à l’effort.   Indications   Outre l’insuffisance cardiaque à FEVG basse, il existe de nombreuses autres indications à cet examen : insuffisance cardiaque à FEVG préservée, patient sur liste de greffe, patient après greffe cardiaque, après implantation d’un défibrillateur ou d’un stimulateur cardiaque triple chambre.   En pratique   Le test d’effort avec mesure des gaz expirés est un examen non invasif permettant une évaluation fiable et reproductible de la performance globale d’un sujet à l’effort. Il permet d’apprécier objectivement la gêne fonctionnelle d’un patient. Apportant des éléments pronostiques indiscutables, il doit faire partie du bilan de tout patient insuffisant cardiaque afin de mieux préciser le degré de sévérité de la maladie et de son évolution, notamment lorsqu’une transplantation cardiaque est envisagée. Cet examen complet permet également d’aider à la compréhension physiopathologique des paramètres limitant l’effort chez un patient (cœur, poumons ou périphérie). Il permet enfin de déterminer le niveau d’effort d’un programme d’entraînement physique et par des mesures répétées, d’objectiver le bénéfice obtenu. Tout comme l’échocardiographie ne s’envisage plus sans une analyse Doppler associée, toute épreuve d’effort devrait être complétée par une analyse des gaz expirés. Figure. Patient de 26 ans. CMD coronaires saines (myocardite) - FEVG 18 % - stade 3 NYHA.

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