Thérapeutique
Publié le 15 nov 2017Lecture 5 min
Optimiser la prise en charge à la sortie d’hospitalisation
Kamila SOLECKI, François ROUBILLE, unité de soins intensifs cardiologiques, CHRU de Montpellier ; Faculté de médecine Montpellier-Nîmes, Université de Montpellier
Journées françaises de l'insuffisance cardiaque
La prise en charge de l'insuffisance cardiaque (IC) représente un problème de santé publique majeur avec des dépenses représentant près de 1,5 milliard d’euros en France dont 65 % sont liées aux hospitalisations, illustrant son pronostic péjoratif puisque 30 % des patients sont réhospitalisés dans le premier mois(1). L'enjeu actuel est d'allier la nécessité de la réduction des durées d’hospitalisation tout en prévenant leur récidive. Pour atteindre ces objectifs, la période de sortie du patient insuffisant cardiaque représente une transition cruciale dans sa prise en charge.
Quels outils pour optimiser la sortie du patient en IC ?
Tout d’abord, il faut prévoir la date de sortie dès l’entrée en hospitalisation et refaire un point à 48 heures de la sortie envisagée initialement. En effet, cette anticipation est nécessaire afin de mettre en route un suivi adapté : bilans biologiques de sortie, fréquence des prochaines consultations médicales, programmes de surveillance et/ou réadaptation.
Ce programme de sortie doit être personnalisé pour chaque patient en estimant plus particulièrement son après la sortie et avec le cardiologue dans la première semaine à 2 mois(11).
Fin 2016, plus de 7 000 patients ont été inclus dans le programme dont plus de 4 000 qui ont adhéré au programme sur 180 établissements. L’âge moyen est de 70 ans, avec un équilibre dans les sexes et une majorité d’IC avec dysfonction systolique (2/3). Les premiers résultats tendent à montrer que les patients adhérant au programme ont un contact médical plus important (avec surtout le cardiologue mais aussi le généraliste) et bien sûr avec les infirmiers.
Concernant la rapidité de l’accès aux soins, les patients bénéficiant de PRADO consultent plus rapidement le médecin généraliste mais moins rapidement le cardiologue. Concernant la prise des principaux médicaments de l’IC, ceux-ci sont plus prescrits chez les patients bénéficiant du programme que ceux juste éligibles n’en bénéficiant pas (43 % vs 30 %). Cependant, l’impact sur les réhospitalisations apparaît paradoxalement inversé. En effet, les patients du programme PRADO sont plus réhospitalisés que les autres. L’une des explications pourrait être qu’il s’agirait d’hospitalisations pour décompensations cardiaques dépistées plus tôt et donc moins graves et engendrant une durée de séjour plus courte. Cette hypothèse reste encore discutée car il n’existe pas encore de bénéfice significatif sur la survie chez ces patients.
Toutes ces données préliminaires restent encore très discutées et doivent être interprétées avec prudence : qualité de l’évaluation, formation potentiellement insuffisante des paramédicaux dans l’IC, représentativité discutée des patients inclus dans PRADO par rapport à la population générale. Un essai randomisé va prochainement débuter pour évaluer l’efficacité du PRADO (NCT…).
La télésurveillance
La télésurveillance reste une méthode intéressante en France (9 régions pilotes). Un texte a été publié au Journal Officiel en décembre 2016 en France fixant l’indication et la tarification du système (rémunération forfaitaire avec possibilité de prime de performance). Il concerne les patients qui ont été hospitalisés dans les 30 derniers jours ou 12 derniers mois et qui gardent des critères de gravité (symptomatiques NYHA2 et peptides natriurétiques élevés). L’accompagnement thérapeutique a pour objectif une éducation thérapeutique sous forme présentielle ou téléphonique de minimum 3 séances dans les 6 mois réalisées par des professionnels de santé avec diplôme d’éducation thérapeutique au travers d’une plateforme gérée par un prestataire.
Prendre en considération l’âge dans le parcours de vie et de soins
Il existe des limites dans ces stratégies de prise en charge liées à l’hétérogénéité des patients (nombreuses comorbidités, problèmes sociaux, problèmes ethniques) rendant difficile d’application du même modèle de suivi à tous les patients. Les populations âgées apparaissent comme un bon exemple de cette complexité et leur prise en charge est d’autant plus importante puisqu’ils représentent par leur seul âge (> 75 ans) un facteur de risque d’IC identifié depuis longtemps (cohorte de Framingham), expliquant qu’ils représentent plus de 15 % des patients IC. Par conséquent, il s’agit d’un facteur pronostique majeur car l’âge est le facteur principal de mortalité à 2 ans après une première hospitalisation pour IC.
Leur principale caractéristique est que ces patients sont moins hospitalisés dans les services de cardiologie au profil des services de médecine interne et/ou gériatrie. Ceci est expliqué par leur mode de présentation atypique : signes généraux, perte d’appétit, syndromes dépressifs, confusion, dénutrition, hyponatrémie et leurs polypathologies.
Environ 15 % des patients âgés en IC sont réhospitalisés à 30 jours pour IC et/ou pour une pathologie infectieuse et/ou une décompensation d’organes et/ou de la iatrogénie (20 %). Les scores pronostiques peuvent jouer un rôle dans l’estimation de ce risque de réhospitalisation mais le nombre de comorbidités très élevé (32 % des patients âgés ont plus de 5 comorbidités) rend leur utilisation et leur interprétation d’autant plus difficiles (pathologies neurodégénératives, diabète, anémie, syndrome dépressif). Certaines de ces comorbidités sont particulièrement importantes chez les > 80 ans comme l’insuffisance rénale.
Dans tous les cas, la prise en charge de l’IC doit être plus globale et s’intéresser à la gestion de l’ensemble des comorbidités comme il est d’ailleurs recommandé dans l’IC à fraction d’éjection préservée (IC-FEP) plus représentée à partir de 70 ans(14) avec une prise en charge de l’hypertension artérielle, de la fibrillation atriale, du diabète, de l’insuffisance rénale, de la carence martiale, de la broncho-pneumopathie chronique obstructive et autres. Concernant l’IC à fraction d’éjection réduite (IC-FER), le traitement doit être optimisé même si plus de difficultés peuvent être rencontrées. Une vigilance accrue sur les anti-aldostérone doit être menée en raison du risque d’hyperkaliémie plus observé chez les populations âgées(15). Le sacubitril-valsartan a été validé chez les populations âgées(16). L’ivabradine peut également être utilisée(17), d’autant plus que son impact sur la tension artérielle est modéré, très intéressant chez ces patients souffrant régulièrement d’hypotension orthostatique.
L’automédication et la polymédication apparaissent comme des problèmes majeurs à connaître chez ces patients polypathologiques qui requièrent des recours réguliers aux spécialistes. La notion de fragilité est importante à repérer. Il ne s’agit pas encore d’un patient en perte d’autonomie mais à fort risque de le devenir si ce signe d’alerte n’est pas pris en considération avec comme conséquence une défaillance d’organe(18). La coordination de proximité grâce à un plan personnel de santé (PPS) et/ou grâce à des parcours spécialisés type PAERPA (parcours santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie) apparaissent comme un dispositif intéressant et prioritaire chez ces patients pour qui le maintien à domicile est essentiel afin d’éviter la dépendance nosocomiale engendrant une perte d’autonomie à la sortie et surtout afin d’améliorer leur qualité de vie.
En pratique
La gestion de la sortie d’hospitalisation représente une réelle priorité dans la prise en charge de l’IC visant à améliorer et établir une coordination multidisciplinaire, systématique et personnalisée de la continuité des soins essentielle en termes de santé publique mais également dans le parcours de vie du patient avec la maladie.
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