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Cardiologie générale

Publié le 15 oct 2018Lecture 3 min

Dysfonction sinusale sévère symptomatique chez une patiente avec myasthénie grave traitée par pyridostigmine

Sonia SALMI-BELMIHOUB, Philippe CHEVALIER, service de rythmologie, Hôpital cardiologique Louis Pradel, Lyon

Nous rapportons le cas d’une patiente de 69 ans traitée par anticholinestérasique (pyridostigmine), pour myasthénie grave séropositive (thymus absent) compliquée d’une dysfonction sinusale symptomatique.

Madame C.J. est hospitalisée en urgence pour malaise lipothymique répété sans perte de connaissance. La patiente est suivie pour myasthénie grave depuis 2005, traitée par pyridostigmine 60 mg 5 fois par jour, stable sous traitement médical. À l’examen clinique, il n’y a pas de déficit musculaire des membres, il existe quelques troubles de la déglutition aux solides. La pression artérielle est normale à 122/46 mmHg. L’ECG montre une bradycardie sinusale à 35 bpm, le QT corrigé est à 389 ms, les QRS sont fins. L’échographie cardiaque n’objective pas de dysfonction ventriculaire gauche, la fraction d’éjection ventriculaire gauche est calculée à 65 %, il existe un rétrécissement aortique non serré associé à une insuffisance aortique minime. La pression artérielle pulmonaire systolique est calculée sur le flux d’IT à 35 mmHg. Lors de son hospitalisation, la patiente présente une syncope convulsivante, l’ECG au décours objective une bradycardie sinusale à 30 bpm, traitée par atropine et rivotril puis suivie en télémétrie. Il n’y a pas d’accélération notable de la fréquence cardiaque sous atropine et l’évolution est émaillée de nombreux épisodes de bradycardie sinusale, de rythme jonctionnel lent par paralysie sinusale et de BAV du 2e degré (figures 1 et 2). Figure 1. Échappement jonctionnel. Figure 2. Bradycardie sinusale diurne à 32 bpm. Le test d’effort sur bicyclette ergométrique est réalisé permettant d’atteindre une charge de 60 watts et 50 % de la fréquence maximale théorique avec dyspnée. Excluant toute possibilité d’arrêt de la pyridostigmine nécessaire au traitement de la myasthénie, mais dont l’association à des troubles conductifs et une bradycardie est rapportée, l’indication d’implantation d’un pacemaker double chambre est retenue. La patiente est appareillée sans complication et le suivi de la prothèse montre une stimulation atriale dans 90 % du temps. Il n’y a pas eu de récidive de lipothymies. Discussion La myasthénie grave est une maladie auto-immune neuromusculaire chronique caractérisée par un affaiblissement et un épuisement anormalement rapide des muscles volontaires. Le système immunitaire produit des anticorps dirigés contre les sites récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine réduisant ainsi la capacité du muscle à se contracter normalement. Chez ces patients, les anomalies thymiques sont assez fréquentes et 10 à 15 % des patients sont atteints de thymomes. Le traitement de la myasthénie repose sur les agents anticholinestérasiques ou inhibiteurs du cholinestérase telle que la pyridostigmine (Mestinon®) qui améliore la capacité de rétention des récepteurs de l’acétylcholine. La thymectomie s’est avérée efficace pour freiner l’évolution de la maladie. Les immunosuppresseurs et les plasmaphérèses sont également une arme thérapeutique. L’association myasthénie grave et maladie cardiovasculaire est connue depuis plusieurs années, le cœur peut être une cible auto-immune, notamment chez les patients porteurs de thymomes(1,2). Ont été rapportées des myocardites (37,5 %), arythmie, QT long, dysfonction sinusale, bloc atrio-ventriculaire complet et mort subite(1). Par ailleurs, le traitement par pyridostigmine peut être responsable de bloc atrio-ventriculaire complet(3). Dans ce cas, le traitement par hyoscyamine : isomère lévogyre de l’atropine peut parfois permettre une régression du trouble conductif. Fergusson en 1976 a été le premier à identifier des syncopes de Stockes-Adams chez des patients traités par inhibiteurs de la cholinestérase(4). Un effet muscarinique sur les récepteurs cardiaques de l’acétylcholine est à l’origine de bradycardie et bloc atrio-ventriculaire complet. En pratique clinique, le traitement de ces patients a pu nécessiter l’implantation d’un pacemaker. Said en 2013 a décrit des dysfonctions sinusales chez un patient sous pyridostigmine ayant nécessité l’implantation d’un pacemaker(5). En pratique Le processus auto-immun responsable de la myasthénie grave peut être responsable de troubles conductifs et de dysfonction sinusale aggravés par l’administration de pyridostigmine. Il faut y penser devant des symptômes chez des patients traités par ce médicament. L’implantation d’un stimulateur cardiaque définitif chez ces patients permet la poursuite du traitement par pyridostigmine.

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