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Diabéto-Cardio

Publié le 19 mar 2019Lecture 8 min

Coronarien diabétique : pontage ou angioplastie ?

Antoine-Pierre VAILLIER, Pierre DEHARO, Thomas CUISSET, CHU La Timone, Marseille

Le diabète reste un réel enjeu de santé publique en 2019. En effet, les patients diabétiques représentent une part importante et en constante augmentation de coronariens candidats à un geste de revascularisation. La morbi-mortalité de ces patients est nettement supérieure à celle des patients non diabétiques aussi bien après un pontage qu’une angioplastie. Cela explique pourquoi le choix de la stratégie de revascularisation représente un enjeu majeur qui devra être adapté aux particularités de ces patients diabétiques.

Quelles sont les spécificités du patient diabétique ? Elles concernent tout d’abord la maladie coronaire en elle-même qui est très souvent complexe (maladie pluritronculaire, occlusions chroniques, lésions calcifiées) avec une atteinte diffuse sur des artères de petit calibre et fréquemment pluritronculaire. Elle est également associée à un haut risque de progression et d’instabilité qui influence le pronostic et la réponse à une revascularisation. La présentation clinique apparaît comme une maladie coronaire pouvant être à la fois stable et instable avec une mortalité importante durant le suivi de ces patients. C’est ce que démontre une métaanalyse(1) de 60 000 patients où le diabète augmente de 70 % le risque de mortalité à un an dans le cas de STEMI et de 20 % pour le NSTEMI. De plus, il existe un haut risque de complications dans cette population fragile : des complications hémorragiques peuvent survenir suite à l’administration d’antiagrégants plaquettaires ; des complications rénales par néphropathie induite à l’iode au cours d’une coronarographie ; et pour finir des complications procédurales après revascularisation avec risque important de resténose intra-stent d’ailleurs fréquemment occlusive et de thrombose. Ainsi, il faut privilégier une prise en charge « agressive » de ces patients à haut risque cardiovasculaire. D’abord sur le traitement médical avec une prise en charge optimale des autres facteurs de risque cardiovasculaire et également sur le traitement antiplaquettaire axé sur le risque thrombotique. Et puis sur la stratégie de revascularisation devant être certes « agressive », mais individualisée à chaque patient coronarien diabétique afin d’être la plus optimale. Comment choisir la meilleure stratégie de revascularisation ? Du fait de la complexité anatomique, du risque d’échec de l’angioplastie coronaire (resténose intra-stent, thrombose) et des résultats des premiers grands essais cliniques, la revascularisation chirurgicale semble manifestement supérieure à la revascularisation percutanée chez le patient diabétique pluritronculaire. Cependant, avec la nette progression des techniques d’angioplastie et le développement des stents actifs, qu’en est-il aujourd’hui ? Évidence Les premières études chez le diabétique pluritronculaire montrent effectivement que le pontage est supérieur à l’angioplastie (mais par « ancienne » technique : angioplastie au ballon seul ou stent nu). L’étude BARI(2) atteste une mortalité cardiaque à 5 ans à hauteur de 20,6 % après angioplastie au ballon seul contre 5,8 % après pontage chez ces patients et également par une métaanalyse(3) de 10 études randomisées incluant 7 812 patients, dont 1 233 patients diabétiques avec une mortalité à 8 ans de 34 %, après angioplastie (ballon seul ou stent nu) contre 22 % après pontage chez les diabétiques pluritronculaires. Les études les plus récentes prouvent que malgré l’avancée des techniques d’angioplastie et des stents actifs (en se limitant aux stents actifs de première génération), le pontage reste supérieur à l’angioplastie chez ces patients. En effet, les taux de nouvelle revascularisation sont 3 fois plus élevés après stent actif que pontage dans les sous-groupes de patients diabétiques de l’étude ARTS 2(4) et de l’étude SYNTAX(5), et 6 fois plus élevées dans l’étude CARDIa(6) (11,8 % après stent actif vs 2 % après pontage). Ce résultat est confirmé par l’étude FREEDOM(7), une étude randomisée incluant 1 900 patients diabétiques pluritronculaires (83 % de patients tritronculaires avec exclusion des patients atteints sur le tronc commun) comparant angioplastie avec stent actif vs pontage. Elle montre que le risque d’événements cardiaques majeurs (mortalité, IDM et AVC) à 5 ans est supérieur en cas d’angioplastie qu’en cas de pontage (26,6 % pour l’angioplastie vs 18,7 % pour le pontage, p = 0,005). La mortalité toutes causes s’avère même être en faveur du pontage sur les résultats à 8 ans (24,3 % pour l’angioplastie vs 18,3 % pour le pontage p = 0,01). Ces résultats sont appuyés par une très récente métaanalyse(8) publiée en 2018 regroupant 11 études randomisées comprenant 11 518 patients qui dévoile une nette supériorité de la mortalité après angioplastie sur le pontage à 5 ans (15,7 % pour l’angioplastie contre 10,7 % pour le pontage, p = 0,0001). C’est pourquoi il faudra peutêtre attendre de nouvelles études randomisées avec les stents actifs de dernière génération pour espérer pouvoir améliorer les résultats en faveur de l’angioplastie. On sait désormais que les stents actifs de dernière génération montrent des résultats encore meilleurs en termes d’événements cardiaques majeurs, de resténose et de thrombose de stent. Guidelines Face aux résultats de l’ensemble de ces études, les dernières recommandations de l’ESC(9) publiées en 2018 reconnaissent la revascularisation par pontage comme le traitement de choix des patients diabétiques pluritronculaires (IA), comme le montre le tableau ci-dessous. Cependant ces recommandations ne concernent qu’une population de patients diabétiques tritronculaires exclusivement de type coronarien stable avec une anatomie favorable (donc avec une bonne qualité des lits d’avals) et à faible risque chirurgical. En pratique, cela s’adresse à une population restreinte de patients diabétiques tritronculaires. De plus l’élément au cœur de la décision dans ces recommandations permettant le choix de la technique de revascularisation est le score SYNTAX qui présente de nombreuses limites. Tout d’abord, les résultats des études concernant le score SYNTAX chez le diabétique sont uniquement tirés d’analyse en sousgroupes, d’autant plus que dans la plus grande étude(7) sur le sujet, le score SYNTAX n’a pas d’impact sur les résultats, ensuite le score SYNTAX n’intégrant pas les données de la FFR, l’angioplastie sera guidée exclusivement par l’angiographie, puis comme dit précédemment, les études prenant en compte le score SYNTAX dans la revascularisation du diabétique tritronculaire restent cantonnées aux stents de première génération. C’est pourquoi il semble réducteur de prendre uniquement en compte le score SYNTAX afin de choisir la stratégie de revascularisation. D’autant plus qu’elle ne concerne qu’une population extrêmement limitée de patient diabétique pluritronculaire (c’est-à-dire stable avec une anatomie favorable à bas risque chirurgical). Un traitement personnalisé La limite intellectuelle de l’ensemble de ces études est qu’elles cherchent à affirmer UNE stratégie à appliquer à TOUS les patients. Alors qu’en pratique notre raisonnement est de trouver la meilleure stratégie pour CHAQUE patient et donc de pratiquer une médecine individualisée. Tout d’abord le premier critère qui guidera la prise en charge face à un coronarien diabétique est la présentation clinique : En cas de SCA La stratégie est similaire au patient non diabétique à la phase aiguë c’est-à-dire de revasculariser par angioplastie l’artère « coupable ». Cependant pour la prise en charge des lésions dites « non coupables », il peut paraître préférable de traiter ces lésions de façon différée soit au cours de la même hospitalisation, soit à distance afin, d’une part, d’éviter le risque de néphropathie à l’iode chez ces patients à risque et, d’autre part, de se laisser le temps de pouvoir discuter en heart team du choix de revascularisation, quand la question se pose. En cas de maladie coronarienne stable – Si le patient présente une atteinte mono- ou bitronculaire il paraît licite de proposer une revascularisation par angioplastie ; – si le patient présente une atteinte tritronculaire, la décision du choix de la technique de revascularisation reposera essentiellement sur 3 critères au cours d’une discussion médico-chirurgicale en heart team (figure 1). Tout d’abord, les critères cliniques évaluant le profil du patient, ce qui inclut l’âge, l’existence de comorbidités, le score de risque chirurgical (STS score), la fonction ventriculaire gauche et pour finir la préférence du patient dûment informé des avantages et inconvénients de chacune des deux techniques sont des éléments importants à prendre en compte dans la décision du choix revascularisation. Figure 1. Critères de décision pour le choix de stratégie de revascularisation. C’est le patient qui va guider la décision (figure 2). Figure 2. Exemple 1 : facteurs cliniques. Ensuite, les critères anatomiques prenant en compte la complexité des lésions (en évitant le score SYNTAX comme expliqué précédemment), l’existence d’une atteinte du tronc commun, d’occlusion chronique, la diffusion de la maladie, et la présence d’antécédent d’angioplastie ou de pontage ont une place cruciale dans le choix entre angioplastie et chirurgie. L’anatomie reste la clé de la décision (figure 3). Figure 3. Exemple 2 : l’anatomie. Pour finir, les critères locaux comprenant la disponibilité des plateaux techniques, les compétences du cardiologue interventionnel et du chirurgien (notamment avec l’utilisation de greffon artériel) et le volume du centre sont des éléments à ne pas négliger afin de choisir la technique de revascularisation optimale pour nos patients. Il faut savoir que la réalisation d’une technique de revascularisation hybride associant chirurgie et angioplastie peut être utile afin d’assurer la revascularisation la plus complète chez ces patients présentant des lésions complexes et diffuses. Et même pour le tronc commun ? Contrairement au patient tritronculaire, en cas d’atteinte du tronc commun isolé la présence d’un diabète à lui seul ne doit pas impacter le choix de la stratégie de revascularisation. En effet, c’est ce qui est avancé par 2 grandes études randomisées NOBLE(10) et EXCEL(11), pour lequel le diabète n’a quasiment pas entraîné de différences entre les deux techniques de revascularisation, avec notamment aucune différence sur la mortalité selon la technique de revascularisation et seulement des taux de revascularisation plus importants en cas d’angioplastie. À noter également l’absence d’impact du score SYNTAX sur les différences entre pontage et angioplastie dans cette population diabétique. C’est logiquement dans ce sens que tendent les dernières recommandations de l’ESC(9) publiées en 2018, ou le diabète ne doit pas influencer sur le choix entre angioplastie et pontage en cas d’atteinte de tronc commun (tableau). En pratique Les patients diabétiques représentent 25 % des coronariens candidats à une revascularisation avec une mortalité importante. Les spécificités du patient diabétique, notamment sur la complexité de l’atteinte anatomique (lésions complexes et diffuses, petites artères, stenting à risque de resténose) en font une population à part entière. Un traitement médical « agressif » est indiqué du fait du haut risque cardiovasculaire. La revascularisation chirurgicale paraît supérieure à la revascularisation percutanée selon les données des études et des dernières recommandations chez le patient diabétique pluritronculaire. En pratique, le diabète devra rester seulement un argument en faveur d’une revascularisation chirurgicale et la décision finale devra intégrer des critères cliniques, anatomiques et locaux. À l’inverse, en cas d’atteinte du tronc commun gauche isolé, le diabète n’est pas un argument fort en faveur d’une revascularisation chirurgicale.

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