Publié le 15 avr 2019Lecture 15 min
L’infarctus du sujet âgé
Jacques BERLAND, Clinique Saint-Hilaire, Rouen
Faut-il encore en 2019 différencier la population des patients âgés souffrant d’un infarctus du myocarde de l’ensemble des autres coronariens ? On pourrait en douter quand on lit les recommandations 2017 de la Société européenne de cardiologie concernant l’infarctus avec sus-décalage du segment ST(1). En effet, le chapitre concernant les patients âgés ne représente que 15 lignes et 5 références contre plus de 60 pages et 477 références pour l’ensemble des recommandations.
L'espérance de vie continuant de progresser, la population âgée augmente très nettement. Le diagnostic d’infarctus reste souvent retardé chez ces patients. La mortalité de l’infarctus, bien qu’en diminution constante ces dernières années, reste nettement plus élevée que chez les patients les plus jeunes malgré un accès beaucoup plus fréquent aux techniques de reperfusion coronaire.
Face aux enjeux de santé publique, il paraît donc souhaitable de continuer de s’intéresser de plus près à cette population.
L’objectif de cette mise à jour est de mettre en évidence l’amélioration de la qualité de la prise en charge des patients en comparant les données actuelles avec les résultats anciens dont certains ont été présentés en 2007 dans Cardiologie Pratique.
Démographie - définition
Au 1er janvier 2019, la population française compte 65 millions d’habitants dont 9,3 % ont plus de 75 ans (figure 1) d’après des données de l’INSEE(2).
Parmi cette population âgée, 61 % sont des femmes avec une espérance de vie à l’âge de 60 ans qui est de 27,6 ans et de 23,2 ans pour les hommes au même âge. La population de patients de plus de 75 ans a peu augmenté de 0,1 % entre 2010 et 2018, mais elle dépassera 16 % dans 30 ans.
Cet accroissement important de la population âgée s’explique par l’arrivée à cet âge des classes du baby-boom de 1946 à 1970, pendant lesquelles l’excédent de naissances par rapport aux années 1940-1945 dépassait 300 000 personnes par an.
Dans l’ensemble de la littérature cardiologique, un consensus sur l’âge de 75 ans est accepté pour définir les patients âgés coronariens, ce d’autant que la mortalité de l’infarctus reste beaucoup plus élevée après 75 ans(3) et que la même définition a été utilisée dans les plus récentes études concernant la revascularisation coronaire dans cette population(4,5).
Figure 1. Pyramide des âges 2019 en France, INSEE janvier 2019.
Épidémiologie
(figure 2)
Figure 2. Changements dans l’épidémiologie des syndromes coronariens aigus et implications théoriques de l’âge
sur la prise en charge.
D’après Montilla Padilla I et al. Heart Lung Circulation 2017 ; 26 : 107-13.
L’infarctus de type I de la classification universelle, en rapport avec une lésion athéromateuse est le type d’infarctus qui est le plus débattu dans l’ensemble de la littérature et c’est lui qui sera discuté dans cette revue.
En France, les registres USIK 1995 et 2000 et FASTMI 2005 et 2010 ont colligé pendant 1 mois les données démographiques cliniques et de prise en charge de tous les patients hospitalisés dans une unité de soins intensifs cardiologique ou à orientation cardiologique (3/4 des établissements français). Pour un infarctus du myocarde de moins de 48 heures avec ou sans sus-décalage du segment ST, ces données permettent d’analyser les variations de la typologie des patients en fonction du temps.
Par rapport à la population totale d’infarctus, la proportion de patients âgés présentant un infarctus reste en France assez stable dans le temps aux alentours de 35 % pour l’infarctus sans sus-décalage (1995 : 36,4 %, 2010 : 38,4 %, 2015 : 36 %), mais diminue pour l’infarctus avec sus-décalage de 29,9 % en 1995 à 25,5 % en 2010 et 23 % en 2015(6,7).
L’âge de survenue d’un infarctus est évidemment nettement plus élevé chez la femme que chez l’homme, 52 % des femmes avec un infarctus ont un âge supérieur à 75 ans contre 23,5 % chez les hommes(8).
Comme en France, la proportion de femmes augmente avec l’âge, passant de 40 % à 75 ans à 53 % après 80 ans dans un registre national au Royaume- Uni(9), et 67 % après 90 ans aux États-Unis(10). Le contexte clinique est aussi différent, encore actuellement, les patients âgés ont une nette augmentation des facteurs de risque d’hypertension artérielle, de diabète, d’obésité par rapport aux patients les plus jeunes(6,9,11). Seul le tabagisme diminue avec l’âge tandis que l’hyperlipidémie reste constante ou diminue(8,9). Les antécédents d’infarctus et/ou de revascularisation coronaire augmentent avec l’âge et les antécédents d’accidents vasculaires cérébraux sont multipliés par 4 après 75 ans. L’insuffisance rénale chronique et la constatation d’antécédents de cancers, et de maladie d’Alzheimer sont aussi nettement plus fréquentes(7-9).
À ces facteurs de risque classiques, s’associe surtout chez les patients de plus de 80 ans une dépendance ou fragilité qui peut être mieux évaluée par un score permettant d’évaluer le pronostic du patient et la nécessité ou non d’une revascularisation(3,12).
En 2010, en France, contrairement à la population plus jeune, la majorité des patients âgés se présente avec un tableau d’infarctus sans sus-décalage (ST-) 59 % vs 40 % pour l’infarctus avec sus-décalage (ST+)(8). Une tendance récente vers l’accentuation de cette différence avec l’âge est retrouvée dans la littérature récente 72,5 % ST- vs 27,5 % ST+ après 80 ans dans le registre anglais(9). Les patients avec infarctus ST- se présentent initialement avec plus d’antécédents d’insuffisance cardiaque, de diabète, d’arythmie persistante et de lésions coronaires multiples(9,13).
La présentation clinique initiale diffère également chez les patients âgés.
En effet, la douleur typique est beaucoup moins fréquente même pour les infarctus avec sus-décalage et les anomalies électrocardiographiques moins parlantes avec plus de blocs de branche gauche, de fibrillation auriculaire et de sous-décalage minime. Tout ceci entraîne donc souvent un retard de diagnostic et de prise en charge malgré la généralisation des marqueurs modernes de souffrance myocardique(3,8).
Prise en charge thérapeutique
Stratégies de reperfusion
C’est pour l’infarctus avec susdécalage du segment ST que l’évolution de la prise en charge a été plus marquante depuis les années 2000.
La proportion récente de patients traités par les techniques de reperfusion dans les douze premières heures bien que continuant de diminuer avec l’âge dans les statistiques récentes (figure 3) augmente globalement ces dernières années passant de 35 % en 2000 à 58 % en 2010 et 70 % en 2015 en France(6), cela malgré la nette diminution d’utilisation de la fibrinolyse intraveineuse passant en France de 19,5 % en 2000 à 7,5 % en 2010 et moins de 4 % en 2015(7). Aux États-Unis, dans le registre national(14) regroupant 147 874 patients de plus de 80 ans entre 2010 et 2014, l’utilisation de la fibrinolyse est limitée entre 1,8 et 2,4 % des cas, tandis que 46,2 % sont traités par angioplastie et 51,3 % ne reçoivent aucune reperfusion. C’est dans cette population très âgée que les risques de la fibrinolyse sont bien évidemment beaucoup plus importants avec 8 fois plus d’hémorragies intracérébrales dans la population fibrinolysée, comparée au groupe avec angioplastie ou au groupe sans revascularisation(14). De plus, la mortalité dans le groupe fibrinolyse ne semble pas améliorée par rapport aux groupes sans reperfusion contrairement aux résultats de l’étude FAST-MI. L’absence d’amélioration de la mortalité par le traitement fibrinolytique chez les patients très âgés a également été confirmée récemment par le registre belge sur l’infarctus avec sus-décalage du segment ST(15).
Figure 3. Prise en charge de l’infarctus ST+ dans FAST-MI 2010.
D’après Puymirat E. Presse Med 2013 ; 42 : 1432-41.
La prudence doit donc être extrême avec le traitement fibrinolytique, en particulier chez les très âgés (> 80 ans), en sachant qu’entre 75 et 85 ans, une stratégie utilisant une demi-dose de ténectéplase peut être utile avec un bénéfice sur la mortalité et l’absence de surrisque hémorragique(16).
Les risques importants d’hémorragie cérébrale et le contexte de comorbidité accentués chez les patients âgés, associés à une amélioration des structures d’urgence et d’angioplastie ont conduit bien évidemment à une augmentation très nette de l’utilisation de l’angioplastie coronaire pour le traitement de l’infarctus ST+ du sujet âgé. En France, le taux d’angioplastie atteint 58,1 % en 2010(8), dont 63,4 % pour les patients entre 75 et 84 ans, la classe d’âge des plus âgés étant évidemment un peu moins soumise à l’angioplastie (47 %). Plus récemment en 2015, 99 % des patients ST+ sont coronarographiés et 70 % dilatés(7). Dans une publication récente aux USA(17), sur un registre national a également été constatée une augmentation significative d’utilisation de l’angioplastie entre 1998 (10 %) et 2013 (35,7 %). Ce taux est nettement inférieur à celui de la France, mais également à ceux d’autres pays européens étudiés, dans des registres à la même époque (2009-2012) : en Suisse, 76 % chez les septuagénaires, 56 % pour les octogénaires(18), et en Allemagne 60 % pour les patients entre 75 et 80 ans et 50 % entre 80 et 85 ans(11).
Quelques particularités techniques doivent être notées chez les patients âgés : les angioplasties s’accompagnent d’une moindre utilisation de la thrombo-aspiration et de l’implantation des stents(19). Le taux de 29,2 % d’implantation de stent actif en 2010 en France n’est actuellement plus d’actualité, puisqu’il atteint 70 % en 2015(7).
L’obtention d’un flot artériel coronaire TIMI III en fin de procédure n’est constatée que chez 17 % des patients âgés (>75 ans) contre 27,5 % chez les sujets jeunes(19). Cela pourrait évidemment expliquer en partie la différence de mortalité hospitalière entre les sujets âgés 8,5 % vs 1,5 % chez les sujets jeunes dans cette étude.
Le risque de saignement majeur est peu influencé par l’âge dans FAST-MI 2010 2,2 % avant 75 ans et 2,6 % après ; l’utilisation prédominante (88 %, 2015) de la voie radiale ayant pratiquement fait disparaître les hémorragies au point de ponction.
Le recours accru aux transfusions chez les patients âgés est surtout relié à la présence d’une anémie à l’admission et non à un effet délétère des thérapeutiques(8).
Pour les infarctus sans sous-décalage de ST, les recommandations publiées en 2016 par la Société européenne en cardiologie(20), bien que basées essentiellement sur des registres de patients âgés, confortent l’intérêt d’une stratégie invasive dont le délai doit être en grande partie guidé par l’utilisation des scores de gravité. La revascularisation doit être aussi indiquée après avoir évalué l’espérance de vie, les comorbidités, la qualité de vie, la fragilité du patient (recommandation 2a)(20).
Comme pour les infarctus à sus-décalage de ST, une augmentation récente nette de l’utilisation de la coronarographie est constatée en France, passant de 79 % en 2010 dans le registre FAST-MI(8) à plus de 90 % en 2015(7) avec pour conséquence une ascension du taux de reperfusion percutanée de 26,5 % en 2000 à 55 % en 2010 et plus de 65 % en 2015. Une tendance plus marquée est retrouvée dans le registre suisse avec plus de 85 % des patients de plus de 75 ans dilatés en 2013(18). Par contre, les statistiques d’un registre national des États-Unis restent nettement inférieures avec un taux de seulement 25 % en 2013(17).
Comme pour l’infarctus ST+, le taux d’utilisation des stents actifs par angioplastie continue d’augmenter nettement atteignant 55 % en Allemagne en 2009(11) et 75 % en Italie entre 2012 et 2017(13) avec un taux comparable en France en 2015. La chirurgie de pontage reste peu fréquente, 6,1 % entre 75 et 85 ans, et 2,4 % après 85 ans en 2010 dans notre pays(8).
L’environnement pharmacologique
Il a également nettement progressé ces dernières années et est assez comparable, quel que soit le type d’infarctus, en dehors bien évidemment du traitement fibrinolytique qui est réservé à l’infarctus avec sus-décalage.
L’utilisation des nouveaux anticoagulants, l’héparine de bas poids moléculaire en particulier, atteint 50 %, et le fondaparinux 18 % dans FAST-MI 2010.
La prescription des inhibiteurs anti GPIIb-IIIa dans les infarctus avec sus-décalage bien que nettement moins fréquente que chez les jeunes (40 % en France, en 2010) est évaluée tout de même aux alentours de 20 % dans le même registre(8). L’absence de données convaincantes et le sur-risque hémorragique en ont limité l’indication pour les experts de la Société européenne de cardiologie chez les patients âgés aux indications de sauvetage pendant l’angioplastie(21) avec pour conséquence une diminution drastique de leur utilisation.
Les antiagrégants plaquettaires sont quasi systématiques dans les deux situations cliniques et sont classiquement à poursuivre 1 an(21) sauf en cas de risque hémorragique majeur, situation dans laquelle, si une revascularisation percutanée est choisie, de nouveaux stents actifs permettent de limiter la double antiagrégation à 1 mois(5).
L’aspirine est indispensable en association avec les thiénopyridines. Le clopidogrel est le seul indiqué en association avec la fibrinolyse et est resté nettement prédominant jusqu’en 2010(8). Parmi les nouvelles molécules, seul le ticagrelor prescrit pendant un an a montré chez les plus de 75 ans une réduction significative des événements ischémiques et de la mortalité par rapport au clopidogrel, et est donc de plus en plus utilisé selon les recommandations européennes(21).
Bien que les contre-indications aux thérapeutiques recommandées soient plus importantes chez les plus de 75 ans, la prescription post-hospitalière de bêtabloquants a augmenté progressivement de 50 % des patients en 2000 pour dépasser 70 % en France en 2010 et 87 % en Grande-Bretagne(9), mais seulement 55 % en Suisse à la même période(18). Parallèlement, l’utilisation des statines dans les suites d’un infarctus est passée de 30 % en 2000 à 64,5 % en 2005 pour atteindre 80 % en 2010 en France et 75 % en Suisse et plus de 85 % chez les octogénaires en Grande-Bretagne( 6,9,18).
Bien évidemment, l’adaptation des doses prescrites à la fonction rénale et au poids est fondamentale chez la personne âgée pour éviter les surdosages et complications iatrogéniques.
Évolution de la mortalité et des complications
Mortalité hospitalière et à 30 jours
Quels que soient les registres publiés, la mortalité hospitalière des patients âgés diminue nettement récemment. Dans FAST-MI, elle diminue de 18,2 % en 2000 à 8,2 % en 2010, pour les infarctus avec sus-décalage et de 11,2 % à 6,2 % pour les infarctus sans sus-décalage(6). Les résultats pour l’ensemble de la population de FAST-MI 2015 qui comprend 29 % de plus de 75 ans, 2,8 % pour le ST+ et 2,5 % pour le ST-, laissent à penser que la mortalité des patients âgés a encore diminué en 2015(7). Pour tempérer ces données extrêmement favorables, l’analyse comparant les résultats tous âges confondus de mortalité à 30 jours de FAST-MI 2010 (4,4 %) avec ceux d’un échantillon généraliste des bénéficiaires de l’assurance maladie de la population française ayant présenté un infarctus à la même époque (10,2 %) laisse à penser qu’au niveau national avec des patients hospitalisés dans des hôpitaux dépourvus de soins intensifs, avec moins de recours aux techniques de revascularisation et aux thérapeutiques ayant fait leurs preuves, le pronostic de l’infarctus reste plus péjoratif surtout chez les patients les plus vieux. Les registres nationaux incluant toutes les structures hospitalières, donc plus exhaustifs, retrouvent également des valeurs absolues plus importantes.
Au Royaume-Uni, la mortalité des infarctus sans sus-décalage diminue de 19,5 à 10,6 % entre 2003 et 2010 pour les patients âgés de 75 à 85 ans et de 31,5 % e à 20,4 % pour les plus de 85 ans(9). En Suisse, entre 2001 et 2013, la mortalité tout infarctus de la population âgée diminue de 11,6 à 10 %(18). En Allemagne, elle baisse de 16,8 % en 2005 à 14,9 % pour les ST-, mais reste stable pour les ST+ (22 %)(11). Quelles que soient les séries, malgré l’amélioration de la prise en charge, la mortalité est nettement plus importante après 85 ans, et la mortalité de l’infarctus ST+ dépasse celle du ST-(6,9,11,18).
L’amélioration de la mortalité hospitalière est donc constante malgré une augmentation significative des comorbidités des populations et des profils de risque des patients, en particulier, pour le nombre et la gravité des lésions coronaires, la présence concomitante d’une insuffisance rénale, d’une artérite des membres inférieurs(6,17).
On ne retrouve pas d’études randomisées spécifiques de la population âgée évaluant l’efficacité de l’angioplastie dans l’infarctus ST+. Toutes les analyses de cohorte sont en faveur de son usage : le registre américain(17) publié en 2019 est le plus important (plus de 3 millions d’infarctus ST+ de plus de 70 ans entre 1998 et 2013), il montre que les patients revascularisés par angioplastie ont un taux de décès de 7,9 % vs 23,5 % sans intervention.
La survenue de complications hospitalières diminue également, l’état de choc de 11,6 % à 6,7 % entre 2000 et 2010 en France(6) et les complications mécaniques de 11,3 % à 4,3 % entre 1998 et 2009 en Espagne(22).
L’amélioration des résultats en France pourrait s’expliquer en partie dans l’infarctus ST+ par le raccourcissement du délai d’hospitalisation des patients les plus âgés (300 minutes en 2000 à 150 minutes en 2010) avec un taux de recours au SAMU plus important, et donc un taux d’utilisation des manœuvres de revascularisation beaucoup plus fréquent passant donc de 35 % en 2000 à 66 % en 2010. C’est uniquement chez les patients de plus de 85 ans que le recours au médecin traitant reste important aux alentours de 38 % en 2010 retardant la réalisation de l’ECG. Dans l’infarctus ST-, les recommandations américaines de 2014 (classe Ia), bien que basées là encore essentiellement sur des cohortes, sont également en faveur d’une attitude invasive précoce avec revascularisation si possible, la chirurgie devant être privilégiée chez les tritronculaires avec score SYNTAX > 22 (classe IIa, niveau B[23]). Le bénéfice d’une stratégie invasive systématique a été évalué dans une métaanalyse récente(24) regroupant 20 000 patients dans 3 études randomisées avec des effectifs en nombre limité, et 6 études observationnelles aux populations plus importantes, la comparant à l’attitude conservative dans laquelle l’angiographie n’était utilisée qu’en cas de récidive ischémique. La stratégie invasive appliquée chez 6 430 patients a permis de revasculariser 72 % des patients (60 % par angioplastie, 12 % par pontage), et de diminuer la mortalité à 30 jours de plus de 50 %, avec d’importantes hétérogénéités entre les différentes études randomisées et les séries.
Comme attendu, le risque hémorragique est majoré dans le groupe invasif avec un facteur de 1,63, p < 0,003. Bien que l’utilisation de la stratégie invasive soit promulguée dans les recommandations, il paraît encore souhaitable pour les auteurs de cette métaanalyse, d’organiser une vaste étude randomisée spécifique des patients âgés souffrant d’un infarctus ST-.
La date de survenue de la coronarographie et de l’angioplastie dans l’infarctus ST- reste aussi discutée. Dans la population de FAST-MI, on ne note pas de résultats différents entre les patients traités le premier jour et les patients traités les jours 2 et 3(6). Là encore, l’utilisation des scores de risque est certainement fondamentale. Enfin, chez tous les patients, l’utilisation des thérapeutiques médicamenteuses recommandées tels les bêtabloquants ou les nouvelles héparines de bas poids moléculaire, apporte un bénéfice certain en particulier en France, puisque la population non revascularisée voit aussi diminuer sa mortalité ces dernières années(6).
Mortalité à un an
En France, la mortalité à un an s’améliore également, passant entre 1995 et 2010 de 36,8 % à 29 % pour les ST+ et de 35,2 % à 18 % pour les ST-(6). Cette baisse reste surtout le fait de l’amélioration de la mortalité hospitalière. Dans une analyse multivariée, la revascularisation précoce par angioplastie, l’utilisation des nouveaux anticoagulants et des nouvelles thérapeutiques basées sur les preuves était associée indépendamment avec l’amélioration de la mortalité à un an pour l’ensemble de la population, tout infarctus confondu (figure 4).
Figure 4. Rapport de risque de mortalité en analyse multivariée utilisant les caractéristiques de base et les variables reflétant la prise en charge initiale dans USIK et FAST-MI.
D’après Puymirat E et al. Am J Med 2017 ; 130 : 555-63.
La relation entre la prescription post-hospitalière des médicaments recommandés et la mortalité à 6 mois a plus particulièrement été étudiée par le registre national des urgences au Royaume-Uni(9) chez les patients survivants d’un infarctus dans les années 2003 à 2010. Chez les plus âgés (plus de 80 ans), dans ce registre, le taux de prescription combinée de trois traitements, dont les antiagrégants plaquettaires et un bêtabloquant augmentent régulièrement, passant de 74 % en 2003 à 92 % en 2010. Parallèlement, la survie s’améliore, 68,3 % en 2003 à 75,5 % en 2010, pour les infarctus ST- et de 68 % à 71,8 % pour les infarctus ST+, les traitements médicamenteux paraissant encore plus importants pour les patients ST-.
L’évaluation de la fragilité reste le dernier critère, malheureusement sous-utilisé, permettant d’apprécier le pronostic tardif des patients âgés après infarctus.
Dans une étude récente, un score de fragilité CFS (Canadian Fragility Scale) est indépendamment associé à mortalité à 5 ans, 84 % pour les patients avec le score le plus haut vs 54 % pour les patients les moins fragiles. L’utilisation d’une évaluation gérontologique standardisée (EGS) en période de stabilité est conseillée pour les patients coronariens âgés dépendants pour éviter les effets iatrogènes des thérapeutiques(26).
L’impact de la réadaptation cardiaque spécialisée n’apparaît pas dans les grands registres nationaux, bien que ces effets favorables sur la mortalité (à 1 an - 50 % et à 5 ans -30 %) et la qualité de vie, chez les coronariens les plus âgés, aient été déjà bien démontrés dans une vaste étude américaine(27). Une minorité en bénéficie actuellement dans notre pays, alors que des protocoles spécifiques permettent de rééduquer même les patients les plus fragiles qui sont les mieux à même d’en tirer le plus grand profit(28).
En pratique
Le nombre total d’infarctus du sujet de plus de 75 ans va nettement augmenter dans notre pays du fait de la démographie et du vieillissement, et ce malgré le développement des traitements préventifs.
Chez le patient âgé, la mortalité de l’infarctus tout confondu continue de diminuer depuis le début des années 2000, celle de l’infarctus avec sus-décalage du segment ST reste supérieure à celle de l’infarctus sans sus-décalage malgré des facteurs de risque moins sévères dans le premier cas.
L’amélioration de la prise en charge initiale médicamenteuse et instrumentale, quel que soit le type l’infarctus, est vraisemblablement responsable de la diminution de la mortalité hospitalière.
L’évolution post-hospitalière dépend des facteurs de risques associés, et de la compliance aux traitements. Le pronostic tardif peut être mieux appréhendé chez les patients les plus fragiles par l’utilisation d’un score de dépendance.
Il reste encore certainement de la place pour améliorer la gestion de ces patients non seulement à la phase aiguë, mais surtout lors du suivi par un meilleur accès aux services de réadaptation spécialisée.
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