Publié le 15 oct 2019Lecture 5 min
Insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée : quels progrès ?
Michèle DEKER, Paris
Si l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite (ICFEr) a bénéficié de nombreuses avancées thérapeutiques, l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (ICFEp) ne dispose d’aucune option thérapeutique approuvée. On pourrait donc dire que cette maladie représente le plus grand besoin thérapeutique non satisfait en cardiologie. L’étude PARAGON-HF s’inscrit dans le contexte de cette maladie très hétérogène et ouvre des pistes pour la prise en charge.
ICFEp augmente avec l’âge et touche davantage les femmes que les hommes. Globalement, cette pathologie, souvent liée à l’hypertension artérielle et la FA, connaît une prévalence en hausse dans tous les pays et compte pour la moitié environ des insuffisances cardiaques. Comme le montrent les données des grands essais d’intervention thérapeutique, la mortalité globale et cardiovasculaire liée à l’ICFEp est plus basse que dans l’ICFEr, d’autant que les patients de ce dernier groupe meurent souvent d’une autre pathologie associée. Le poids de l’ICFEp se mesure d’abord par les hospitalisations à répétition, aussi fréquentes que dans l’ICFEr, et dont l’incidence est d’autant plus élevée que la FE est basse. En outre, les patients souffrant d’ICFEp sont beaucoup plus symptomatiques et ont une qualité de vie aussi dégradée que ceux qui ont une ICFEr. Ces différences sont encore majorées chez les femmes comparativement aux hommes atteints d’ICFEp. Aucun traitement n’a été approuvé dans le traitement de l’ICFEp. Toutefois, des analyses rétrospectives suggèrent un bénéfice du candésartan et de la spironolactone chez les patients dont la FEVG est plus basse.
Un essai spécifique de l’ICFEp : PARAGON-HF
Dans l’étude PARADIGM le sacubitril/valsartan avait montré un bénéfice sur les hospitalisations et la mortalité cardiovasculaire comparativement à l’énalapril chez les patients ayant une ICFEr. Par ailleurs, un essai de phase II réalisé en 2012 dans l’ICFEp avait montré la supériorité du sacubitril/valsartan sur le valsartan, sur le critère primaire, la baisse du NT-proBNP, et en termes d’amélioration de la classe fonctionnelle NYHA et la taille de l’oreillette gauche. C’est sur ces bases qu’a été conçue l’étude PARAGON-HF, testant l’hypothèse d’une supériorité du sacubitril/valsartan vis-à-vis du valsartan, sur le critère composite, hospitalisations pour insuffisance cardiaque et mortalité cardiovasculaire.
Le dessin de l’étude comprenait une période de 3 à 6 semaines de run-in, afin de s’assurer de la bonne tolérance des traitements à forte dose : soit 1-2 semaines sous valsartan 40 mg x 2/j (1re phase), puis 1-2 semaines sous valsartan 80 mg/j (2e phase) ; les patients qui toléraient ce traitement pouvaient poursuivre l’étude sous sacubitril/valsartan 100 mg x 2/j pendant 2-4 semaines (3e phase) avant la randomisation. Les patients précédemment traités par IEC ou ARA 2 à dose minimale requise pouvaient entrer dans la 1re ou la 2e phase de run-in.
L’étude devait inclure des patients symptomatiques (NYHA II-IV), avec FEVG ≥ 45 %, nécessitant la prise de diurétiques depuis au moins 1 mois, ayant des anomalies structurelles en échocardiographie et une augmentation des peptides natriurétiques (NT-proBNP 200 pg/ml en cas d’hospitalisation pour IC dans les 9 mois précédents, 300 pg/ml en l’absence d’hospitalisation ; taux x 3 si FA à l’inclusion). L’ensemble des épisodes d’hospitalisation (événement primaire et récidives) et des décès de cause cardiovasculaire a été pris en compte dans l’analyse afin de rendre compte du fardeau de la maladie.
PARAGON-HF est un essai global qui a inclus 4 796 patients : 2 407 dans le groupe sacubitril/valsartan (200 mg x 2/j) et 2 389 dans le groupe valsartan (160 mg x 2/j), pour un suivi d’une durée médiane de 35 mois. Les caractéristiques de ces patients sont conformes à ce que l’on attend, par l’âge (72 ans), la répartition hommes/femmes (48/52 %), la FEVG (57 %) et les taux de NT-proBNP (environ 600 en rythme sinusal et 1600 pg/ml en FA). La majorité des patients inclus étaient en classe NYHA II (78 %) ou III (20 %), et avaient des comorbidités (IMC 30 kg/m2, hypertension 95 %, diabète 44 %, FA 32 %) ; plus du tiers avaient déjà été hospitalisés dans les 9 mois précédents. La majorité d’entre eux (87 %) étaient traités par IEC ou ARA 2, ce qui aurait rendu impossible la réalisation d’une étude versus placebo.
Les résultats sur le critère primaire hospitalisations pour IC et mortalité cardiovasculaire montrent un moindre nombre d’événements dans le groupe sacubitril/valsartan : 12,8 pour 100 patients-années versus 14,6/100 PA, soit une réduction du risque non significative de 13 % (IC95 % : 0,75-1,01 ; p = 0,059). Malgré l’absence de significativité, la réduction du risque n’en demeure pas moins et concerne les hospitalisations pour IC (RR 0,85), alors qu’aucun bénéfice n’est observé sur la mortalité cardiovasculaire.
Une analyse des critères secondaires montre qu’un pourcentage significativement plus important de patients sous sacubitril/valsartan a été amélioré du point de vue fonctionnel (15 % vs 12,6 % ; OR 1,45 ; 1,13-1,86, p = 0,004) ; il en est de même en termes de qualité de vie, de réponse au traitement et de fonction rénale (moins d’aggravations de la fonction rénale). Autant d’effets qui plaident en faveur d’un bénéfice supérieur du sacubitril/valsartan comparativement au valsartan. Les résultats sur les effets secondaires sont comparables à ceux observés dans l’étude PARADIGM-HF : davantage d’hypotension, mais pas plus d’arrêts de traitement, moins d’hyperkaliémies et d’élévations de la créatininémie, un peu plus d’angioedèmes, sans sévérité néanmoins.
Deux analyses de sous-groupes préspécifiées méritent l’attention : selon le sexe et la FEVG. Ainsi, les femmes semblent davantage bénéficier du traitement. La réduction du risque du critère composite principal est maximale chez les patients dont la FEVG se situe entre 50 et 57 % (RR 0,77 ; IC95 % : 0,57-1,03), le bénéfice diminuant avec l’augmentation de la FE.
Le calcul du bénéfice absolu du traitement par sacubitril/valsartan est en fait proche de celui démontré dans l’étude PARADIGM (tableau).
Au total
Bien que la réduction du risque soit modeste, le sacubitril/valsartan a réduit de 13 % environ le critère combiné et principalement les hospitalisations pour insuffisance cardiaque. L’analyse par sous-groupes suggère en outre que les femmes tirent davantage de bénéfice du traitement de même que les patients ayant une FEVG un peu basse.
D’après la présentation de l’étude PARAGON-HF lors du symposium des laboratoires Novartis par J. McMurray au congrès ESC
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