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Cardiologie interventionnelle

Publié le 01 déc 2019Lecture 7 min

Valve-in-valve : quelle expérience aujourd’hui ?

Dominique HIMBERT, Marina URENA, Hôpital Bichat, AP-HP, Paris

Le TAVI « valve-in-valve » est entré dans la pratique courante et appelé à se développer considérablement du fait des projections démographiques et de l’utilisation croissante des bioprothèses aortiques chirurgicales et percutanées, y compris dans des populations plus jeunes. Il permet d’éviter des chirurgies redux à haut risque et ses résultats cliniques à court et moyen termes sont très satisfaisants. Ses principales limites, liées aux risques de gradients élevés et d’obstruction coronaire, peuvent être évitées dans l’immense majorité des cas.

Le screening La parfaite connaissance de la bioprothèse chirurgicale à traiter Elle est indispensable, et avant tout son mode de dégénérescence. Devant une prothèse sténosante, il faut différencier une dégénérescence vraie (calcifications/pannus) d’une thrombose dont le traitement est radicalement différent. Il faut aussi s’assurer de l’absence de mismatch par l’analyse de l’évolution des gradients prothétiques depuis la période postopératoire immédiate. Devant une prothèse fuyante, il faut s’assurer du caractère intraprothétique de la fuite et de l’absence de fuite périprothétique, ce qui peut être difficile et nécessite la pratique d’une échographie transœsophagienne. Il faut enfin s’assurer de l’absence d’argument pour une endocardite qui contre-indiquerait tout TAVI valve-in-valve. La prothèse peut être stentée ou stentless, intra- ou supra-annulaire, ses feuillets peuvent être cousus à l’intérieur ou l’extérieur des montants… Son diamètre interne, en fonction duquel sera décidée la taille de la prothèse percutanée à implanter, doit être mesuré sur le scanner de bord interne à bord interne de l’anneau. Ce diamètre n’est pas celui indiqué par le fabricant et reporté sur le compte-rendu opératoire, qui mentionne en général son diamètre externe (plus large de 2 à 3 mm selon le type de prothèse). La prothèse percutanée envisagée au terme de cette évaluation peut être confrontée au choix proposé sur l’application ViV Aortic disponible sur iPhone, qui indique pour chaque type et chaque taille de bioprothèse chirurgicale la prothèse percutanée la plus adaptée. L’aspect fluoroscopique de la prothèse doit être connu pour éviter les mauvaises surprises, car il est très variable d’une prothèse à l’autre : certaines ont une structure entièrement radio-opaque, pour d’autres seuls l’anneau ou les picot s des montant s sont visibles, d’autres sont totalement radio-transparentes. Enfin, le scanner permet de détecter et d’anticiper les principaux risques du TAVI valve-in-valve. Les gradients élevés Ce risque intervient pour les bioprothèses de petites tailles ≤ 21 mm. Dans cette situation, il peut être intéressant de privilégier les prothèses supra-annulaires autodéployées (Medtronic Evolut R), qui permettent d’éviter ou de limiter la diminution de la surface orificielle liée à l’effet « poupée russe » du valve-invalve. Il peut aussi être utile de prévoir pour l’intervention le matériel nécessaire à une fracture de la prothèse chirurgicale. L’obstruction coronaire Ce risque est lié aux caractéristiques de la bioprothèse et à l’anatomie de la racine aortique. Il est élevé pour les prothèses stentées dont les feuillets sont à l’extérieur des montants (6 à 7 %) et pour les prothèses stentless (3 à 4 %), mais très faible pour les prothèses stentées à feuillets intérieurs aux montants (< 1 %). Les facteurs anatomiques déterminant ce risque sont principalement la hauteur des coronaires et les dimensions des sinus de Valsalva, des coronaires basses naissant de sinus de Valsalva étroits exposant à un risque maximal (figure 1). Dans la grande majorité des cas, la naissance de la coronaire gauche est plus basse que celle de la droite et donc le risque concerne principalement le tronc commun. Mais l’orientation de la prothèse au sein de la racine aortique peut être plus ou moins oblique et menacer plus particulièrement l’un ou l’autre ostium. L’anticipation du risque d’obstruction coronaire permet sa prévention lors de l’intervention, indispensable compte tenu de sa gravité, reflétée par une mortalité à 30 jours de l’ordre de 50 %. Figure 1. Analyse de la racine aortique au scanner. A. Distance anneaucoronaire gauche. B. Longueur du feuillet prothétique. C. Diamètres des sinus de Valsalva. D. Distance prothèsecoronaire gauche. L’intervention La difficulté et le risque de l’intervention dépendent avant tout des caractéristiques de la bioprothèse. Habituellement facile et à très faible risque pour les bioprothèses stentées de grandes tailles (≥ 23 mm), bien visibles et à feuillets internes (figure 2 A), elle peut être très complexe et à risque dans les situations inverses (figure 2 B). Les deux risques évoqués ci-dessus doivent être anticipés et prévenus. • La prévention de gradients élevés post-implantation passe par l’utilisation préférentielle des prothèses autodéployées Evolut R positionnées suffisamment haut pour profiter au maximum de leur fonctionnement supra-annulaire et s’affranchir de la petite taille de la bioprothèse. Si, malgré ces précautions, le gradient transprothétique moyen est élevé (> 20 mmHg), une fracture de l’anneau de la bioprothèse peut se discuter. Cette technique concerne surtout les petites prothèses Mitroflow, fréquemment sujettes à des dégénérescences précoces et candidates à des TAVI valve-in-valve, mais peut s’appliquer également à la plupart des autres bioprothèses couramment utilisées. Cette fracture est effectuée par une post-dilatation utilisant un bal lon non compliant de type ATLAS GOLD ou True Dilatation, de diamètre supérieur d’1 à 2 mm à celui de la prothèse, gonflé à haute pression (18 à 24 atm). • La prévention de l’obstruction coronaire passe également par l’utilisation préférentielle des prothèses autodéployées recapturables et par le positionnement préalable d’un stent dans le lit distal du réseau coronaire (gauche en général). Une angiographie de la racine aortique doit être réalisée à la fin du déploiement de la prothèse, juste avant son largage final. Si l’ostium coronaire est manifestement compromis, les options sont, soit de recapturer la prothèse et de la retirer pour reconsidérer un autre traitement, soit de la larguer en se tenant prêt à retirer le stent et à le déployer sur l’ostium concerné. • Les autres aspects de l’intervention ne diffèrent pas des TAVI sur valves natives. Le risque de trouble de conduction de haut degré et de pacemaker définitif est plus faible pour les bioprothèses stentées car les voies de conduction sont protégées par l’anneau prothétique. Figure 2. Valve-in-valve, fluoroscopie. A. Valve SAPIEN dans une prothèse de Carpentier Edwards. B. CoreValve dans une prothèse Mitroflow. Les résultats actuels Les principales données sur les résultats à grande échelle du valve-in-valve proviennent du registre international VIVID. Le mode de dégénérescence et la taille de la bioprothèse sont les deux principaux déterminants du pronostic à 1 an. Le caractère sténosant de la prothèse est associé à une mortalité à 1 an de 25 %, contre seulement 10 % lorsque la dégénérescence est fuyante. De même, les prothèses de petites tailles sont un facteur prédictif de mortalité à 1 an (25 %, contre seulement 7 % pour les prothèses de grandes tailles). La comparaison des valves autodéployées CoreValve et déployées par ballon SAPIEN montre une tendance sans différence significative en faveur de l’utilisation de la Core-Valve de première génération, mais les données concernant les prothèses percutanées de dernières générations SAPIEN 3 et Evolut R sont insuffisantes, de même que pour les autres prothèses percutanées non commercialisées en France. Le registre PARTNER 2 valve-in-valve a montré l’existence d’une courbe d’apprentissage pour ce type d’interventions. La mortalité à un an était de 20 % pour les 100 premiers patients du registre, mais n’était plus que de 10 % pour les 200 suivants. Cette courbe d’apprentissage est expliquée par les spécificités du TAVI valve-in-valve détaillées plus haut, souvent mal appréhendées en début d’expérience. Le récent registre SWISS TAVI a comparé les résultats des patients traités par TAVI sur valves natives et valve-in-valve en Suisse de 2011 à 2016. Malgré un profil de risque plus sévère des patients valve-in-valve (EuroSCORE 28 %, contre 18 % pour les TAVI sur valves natives), la mortalité était identique à 30 jours dans les 2 groupes (1,9 % vs 3,8 % ; p = 0,2) et inférieure à 1 an dans le groupe valve-in-valve (6,8 %, contre 13 % dans le groupe valves natives, p = 0,03). Par ailleurs, le risque d’insuffisance rénale et de pacemaker était plus faible, et la durée de séjour plus courte après valve-in-valve qu’après TAVI sur valve native. Les perspectives Le futur développement du TAVI valve-in-valve impose d’anticiper cette perspective lors de toute chirurgie de remplacement valvulaire aortique biologique. Cette discussion doit maintenant faire partie intégrante des staffs multidisciplinaires organisés par les « Heart Teams ». L’utilisation des prothèses non favorables au valve-in-valve (stentless, non visibles, à risque d’obstruction coronaire…) doit être délaissée au profit des prothèses stentées bien visibles et à feuillets internes et courts. Deux prothèses spécifiquement conçues pour un futur valve-invalve ont été développées par les sociétés Medtronic (AVALLUS®) et Edwards Lifesciences (INSPIRIS RESILIA®). Ces prothèses ont, outre les caractéristiques favorables sus-citées, un anneau souple ayant une certaine capacité d’extension permettant d’améliorer le résultat hémodynamique lors d’une future implantation valve-in-valve. Les cas de dégénérescence de prothèses percutanées restant rares, l’expérience du TAVI-in-TAVI est aujourd’hui très limitée. L’intervention est en général très simple techniquement et toutes les combinaisons sont possibles : SAPIEN-in-SAPIEN, CoreValve-in-CoreValve, Core-Valve-in-SAPIEN ou l’inverse (figure 3). Les résultats hémodynamiques et cliniques immédiats sont excellents. Enfin, pourquoi ne pas imaginer l’éventualité future du « valve-in-valve-in-valve ». Bien que cette technique ait déjà pu être utilisée dans ces circonstances exceptionnelles avec de bons résultats immédiats, elle soulève différentes questions dont la première est l’accès aux coronaires, risquant d’être compromis par la double couche métallique en regard. Figure 3. TAVI-in-TAVI, fluoroscopie. A. CoreValve-in-CoreValve. B. SAPIEN-in-CoreValve. En pratique Le TAVI valve-in-valve est couramment utilisé et en forte expansion. Ses résultats immédiats et à moyen terme sont très bons sous réserve d’un screening soigneux et de l’anticipation des complications spécifiques de cette procédure. Ils devraient être encore améliorés dans l’avenir par l’utilisation privilégiée ou exclusive des bioprothèses chirurgicales les plus adaptées.

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