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Cardiologie générale

Publié le 15 déc 2019Lecture 7 min

Péricardites aiguës récidivantes : vers de nouveaux traitements

Patrice CACOUB*, AP-HP, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Department of Internal Medicine and Clinical Immunology, Paris

Les péricardites aiguës sont des pathologies fréquentes, généralement bénignes et dont le diagnostic est assez facile sur les données cliniques, électrocardiographiques, échocardiographiques et l’utilisation de marqueurs biologiques d’inflammation (C réactive protéine, CRP)(1-3).

Les péricardites aiguës récidivantes sont des pathologies fréquentes Les péricardites aiguës sont des pathologies fréquentes, généralement bénignes et dont le diagnostic est assez facile sur les données cliniques, électrocardiographiques, échocardiographiques et l’utilisation de marqueurs biologiques d’inflammation (C réactive protéine, CRP)(1-3). Dans les pays développés, plus de 80 % des péricardites aiguës sont étiquetées idiopathiques ou « virales ». Quand une étiologie est authentifiée, il s’agit de pathologies malignes, syndrome post-chirurgie cardiaque ou infection virale. Dans les pays en voie de développement, et notamment en Afrique subsaharienne, 70 % des cas de péricardite sont rattachés à une tuberculose et jusqu’à 90 % associés à une maladie VIH(4). Certaines caractéristiques sont indépendamment associées à une péricardite de cause spécifique (« non idiopathique ») : une fièvre supérieure à 38° C, une évolution subaiguë, un épanchement péricardique important et/ou une tamponnade cardiaque, l’échec des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)(3,4). Le pronostic est globalement bon, le risque d’évolution vers la constriction péricardique est minime (< 1 %)(5). En revanche, les récidives fréquentes (20 à 50 %) ont un impact négatif sur la morbidité et la qualité de vie des patients. La présence d’un épanchement volumineux et/ou d’une tamponnade (hazard ratio 2,51) et l’échec des AINS (hazard ratio 5,50) sont prédictifs de la survenue de complications(4). Meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques : une maladie auto-inflammatoire médiée par l’interleukine 1 De nombreux éléments suggèrent l’existence d’une maladie auto-inflammatoire et/ou autoimmune sous-jacente, les agents viraux pouvant agir comme des triggers. Une réponse inflammatoire de l’immunité innée, typique des maladies auto-inflammatoires, et notamment médiée par l’interleukine 1 (IL-1), a été retrouvée chez de nombreux patients présentant une péricardite récidivante. Inversement, de nombreuses maladies auto-inflammatoires caractérisées (CAPS, FMF) sont caractérisées par des poussées inflammatoires touchant les séreuses, avec des péricardites(6). Le mécanisme auto-inflammatoire suggéré passerait par l’activation de l’inflammasome via un virus cardiotrope ou un agent non spécifique. Le relargage de cytokines pro-inflammatoires, essentiellement l’IL-1, permettrait l’arrivée dans le péricarde de polynucléaires neutrophiles et de macrophages. La colchicine est capable de moduler l’immunité innée et de bloquer la production d’IL-1 bêta. Son efficacité est largement démontrée dans les FMF et dans les péricardites récidivantes. L’anakinra, antagoniste des récepteurs de l’IL-1, a montré des résultats très intéressants dans la prise en charge des péricardites récidivantes. Une réponse inflammatoire de l’immunité adaptative, typique des pathologies auto-immunes et médiée par les auto-anticorps ou des lymphocytes-T autoréactifs, semble également partiellement impliquée. Des anticorps anti-cœur ou antidisques intercalaires ont été associés à un plus grand nombre de récurrences ou d’hospitalisations chez des patients adultes présentant des péricardites récidivantes(6). Vers une nouvelle approche thérapeutique : les antagonistes des récepteurs de l’IL-1 Le traitement d’une péricardite aiguë doit toujours comporter un traitement par aspirine ou AINS jusqu’à ce que les symptômes disparaissent et que la CRP se normalise. Il faut associer à ce traitement, dès le premier épisode, de la colchicine pour une durée d’au moins trois mois ; cette association a démontré dans de nombreux essais son bénéfice en termes de diminution du nombre de rechutes, de la persistance des symptômes ou de la fréquence d’hospitalisation(7,8). Les bénéfices de l’association aspirine/AINS/colchicine ont également été démontrés dans la récidive unique ou multiple de péricardite aiguë, cette stratégie permettant de diminuer d’environ 50 % les risques ultérieurs de rechute(9). La place des corticoïdes ou des immunosuppresseurs reste controversée. Les corticoïdes peuvent augmenter le risque de récidive, et l’utilisation de fortes doses de corticoïdes entraîne un risque de cortico- dépendance(10). Dans une étude récente, l’utilisation de corticoïdes à faibles doses ou d’immunosuppresseur conventionnel (azathioprine, méthotrexate, mycophénolate mofétyl) a montré un certain bénéfice chez des patients présentant des péricardites récidivantes nombreuses malgré un traitement bien conduit par aspirine/AINS/colchicine (diminution de la fréquence des rechutes par mois de 0,69 avec aspirine/AINS/colchicine versus 0,22 avec une corticothérapie faibles doses versus 0,01 avec les immunosuppresseurs)(11). De façon plus anecdotique, certains ont proposé des immunoglobulines intraveineuses dans des cas réfractaires. Les premières données suggérant l’efficacité de l’anakinra dans le traitement des péricardites aiguës récidivantes sont venues d’études rétrospectives tant dans les populations pédiatriques que les populations adultes(12). Dans une étude rétrospective, 14 enfants corticodépendants ayant reçu de l’anakinra (1 à 2 mg/kg/jr) ont tous répondu en quelques jours, permettant un arrêt rapide des corticoïdes(13). Toutefois, 6 des 14 patients ont développé une rechute de péricardite lors de la diminution de l’anakinra, avec une nouvelle bonne réponse à la reprise de celui-ci. Après un suivi de 39 mois, les auteurs rapportent une réduction de 95 % des rechutes de péricardite (versus la période pré-anakinra). Des adultes résistants et/ou intolérants à une association aspirine ou AINS/colchicine/corticoïdes ont reçu de l’anakinra 100 mg par jour en sous-cutané pendant 6 mois, puis 100 milligrammes tous les 2 jours pendant 6 mois(14). Une réponse spectaculaire est rapportée dans tous les cas avec une diminution très rapide des symptômes (2 jours), une normalisation de la CRP (6 jours) et une diminution ou un arrêt des corticoïdes (37 jours). Toutefois, comme dans l’étude pédiatrique précédente, 5 des 7 patients rechutaient peu de temps après l’arrêt de l’anakinra, et 4 des 5 rechuteurs étaient à nouveau sensibles à la reprise du traitement. Des résultats de même nature ont été retrouvés dans plusieurs séries plus récentes, notamment de la Mayo Clinic(15) ou du NIH(16). Une récente revue de la littérature a compilé les données de 34 patients adultes présentant une péricardite aiguë récidivante ayant reçu de l’anakinra (durée de la maladie 31 mois, 8,2 récidives/patient)(17). La CRP se normalisait après 7,1 jours, et les corticoïdes étaient arrêtés après 62 jours. Après un suivi moyen de 28 mois, 8/34 (23,5 %) patients n’avaient pas rechuté et avaient pu arrêter l’anakinra. Des réactions locales aux points d’injection d’anakinra étaient rapportées chez 44 % des patients. Plus récemment, deux essais randomisés contrôlés ont confirmé l’intérêt de l’anakinra dans la prévention des récidives de péricardite aiguë. Dans une première étude (AIRTRIP), 21 patients qui présentaient au moins trois récidives de péricardite aiguë résistante à la colchicine et corticodépendants ont reçu dans une première phase l’anakinra (2 mg/kg/jour, maximum 100 mg/jour) pendant deux mois(18). Dans une seconde phase, les patients qui avaient répondu avec une disparition de la péricardite, étaient randomisés soit pour continuer l’anakinra (n = 11), soit pour recevoir du placebo (n = 10), pour une durée de 6 mois ou jusqu’à l’apparition d’une nouvelle rechute. À la fin de la première phase, tous les patients ont eu une réponse complète permettant un arrêt des AINS et des corticoïdes. Dans la deuxième phase, une rechute de péricardite est survenue chez 9/10 (90 %) patients recevant du placebo versus 2/11 (18,2 %) avec l’anakinra. Le délai médian d’apparition d’une rechute était de 72 jours pour le groupe placebo et n’était pas atteint dans le groupe anakinra. Une autre étude émanant du « registre international pour l’anakinra dans les péricardites » a été présentée récemment lors du congrès de l’European Society of Cardiology 2019 à Paris et publiée depuis(19). Cette cohorte a inclus 224 patients présentant une péricardite récidivante corticodépendante et au moins deux récidives sous divers traitements [AINS (76 %), colchicine (88 %), corticoïdes (80 %), ou les trois combinés (63 %)], avec une durée d’évolution de 17 mois, 4 épisodes et 2 hospitalisations par patient. Les principales causes de péricardite étaient idiopathiques (75 %), post-chirurgicales (13 %) et maladies auto-immunes (9 %). Un épanchement péricardique était présent dans 88 % des cas et une CRP élevée dans 91 % des cas. Les patients ont tous reçu de l’anakinra 100 mg/jour en sous-cutané pour une durée moyenne de 6 mois. Le bénéfice clinique très net a été relevé sur plusieurs critères : – le nombre de récidives de péricardite qui est passé de 2,33 à 0,39 par an et par patient ; – le nombre de visites aux urgences de 1,08 à 0,10 par an et par patient ; – le nombre d’hospitalisations de 0,99 à 014 par an et par patient (toutes comparaisons p < 0,001). Il a également été noté une diminution du recours aux corticoïdes entre les phases avant et après introduction d’anakinra (80 % versus 27 %). La tolérance a été assez satisfaisante avec des réactions cutanées aux points d’injections chez 38 % des patients, essentiellement les deux premières semaines de traitement et disparaissant par la suite ; elles n’ont conduit à un arrêt définitif de l’anakinra que dans 3 % des cas. En pratique Au plan pratique, lors d’un premier épisode de péricardite aiguë « idiopathique », les patients doivent recevoir une combinaison aspirine ou AINS et colchicine. Lors d’une première rechute, il paraît légitime de garder une stratégie d’association aspirine ou AINS et colchicine pour une durée plus prolongée. Si une deuxième rechute apparaît, l’anakinra semble apporter un vrai bénéfice dans l’étude contrôlée randomisée, conforté par les données du registre international. Il est probable si ces résultats sont confirmés par d’autres études, y compris avec un recul plus important, nos algorithmes de décision devront s’adapter pour optimiser encore la prise en charge des péricardites aiguës récidivantes.

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