Publié le 15 déc 2019Lecture 6 min
Du nouveau dans la prise en charge du cholestérol
Michèle DEKER, Paris
Les nouvelles recommandations européennes sur la prise en charge des dyslipidémies sont plus que jamais centrées sur le rôle du LDL-cholestérol comme facteur de risque cardiovasculaire. Le traitement doit être à la fois précoce, prolongé et puissant, pour atteindre des valeurs toujours plus basses mais modulées par l’évaluation du risque.
Le HDL-cholestérol ne doit plus être considéré comme un facteur protecteur car le risque cardiovasculaire (CV) augmente aussi avec son élévation. Les triglycérides sont considérés comme un marqueur de risque CV et le premier traitement recommandé en cas d’hypertriglycéridémie est une statine.
Les statines diminuent la mortalité CV et ne sont plus le seul traitement efficace des dyslipidémies. En effet, un bénéfice supplémentaire a été mis en évidence grâce à l’ajout d’ézétimibe dans l’étude IMPROVE-IT, puis, dans un délai très court, avec un inhibiteur de PCSK9 dans les études ODYSSEY Outcomes et FOURIER. Il est acquis que l’obtention d’un LDL-C très bas sous statine éventuellement associée à un autre hypocholestérolémiant n’a pas d’effet délétère sur les fonctions cognitives. Quel que soit le niveau de base du LDL-C, chaque réduction de 1 mmol/l est associée à une diminution des événements CV, de 12 % la 1re année, 17 % la 2e, 20 % la 3e et 22 % après la 4e année. Il n’y a pas de valeur seuil inférieure à partir de laquelle le bénéfice s’annule. C’est la différence absolue, et non relative, du LDL-C qui est corrélée au risque relatif des événements CV. Le bénéfice du traitement augmente avec le temps.
Ainsi, l’effet du traitement est la résultante de 4 paramètres : la durée du traitement, le taux de LDL-C de base, l’amplitude de la baisse du LDL-C et l’absence d’effet adverse.
Les inhibiteurs de CETP n’ont pas montré de bénéfice clinique (evacetrapib) ou n’ont montré qu’un bénéfice minime (anacetrapib) malgré une réduction des taux de LDL-C. Cette absence paradoxale d’effet clinique s’explique par le fait que, la mesure habituelle du LDL-C surestime la baisse obtenue sous iCETP ; en faisant une bêtaquantification, il apparaît que la fraction athérogène des LDL est plus de deux fois inférieure à celle mesurée.
Déterminer le risque CV
Le traitement en prévention primaire peut être entrepris même à des âges très avancés et ce, d’autant que l’espérance de vie a augmenté.
Quatre catégories de risque sont distinguées : très haut, haut, modéré et bas. L’évaluation du risque fait intervenir l’imagerie de l’athérome coronaire ou carotidien. La présence de plaques ≥ 50 % ne nécessitant pas de revascularisation, même en l’absence d’antécédent d’IDM/AVC, doit faire considérer le patient comme à très haut risque et en prévention secondaire. Les patients diabétiques sont considérés à haut risque en l’absence d’atteinte d’organe cible si l’ancienneté de la maladie est ≥ 10 ans ou en présence d’autres facteurs de risque CV. En revanche, les patients diabétiques plus jeunes, dont la maladie évolue depuis < 10 ans et n’ayant pas d’autre facteur de risque CV sont considérés comme à risque modéré.
En dehors du dosage du LDL-C, celui de l’apoB peut être recommandé chez les patients avec hypertriglycéridémie, diabète, obésité, syndrome métabolique ou LDL-C très bas. Le dosage de Lp(a) peut être utile chez les sujets à risque familial. Celui du HDL-C sert à raffiner le risque, comme celui des triglycérides, bien que leur valeur soit toujours secondaire par rapport au LDL-C.
Toutes les cibles de LDL-C sont revues à la baisse : < 0,55 g/l et > 50 % de baisse des LDL en prévention secondaire ou chez les patients à très haut risque ; < 0,7 g/l et > 50 % de baisse des LDL chez les patients à haut risque ; < 1 g/l chez les patients à risque modéré ; < 1,16 g/l chez les patients à bas risque.
En pratique, l’obtention de l’objectif chez les patients à très haut risque ne sera pas facile à atteindre compte tenu de la réticence, voire du refus de certains patients. En outre, certains sousgroupes de patients, à récidives multiples et rapprochées dans le temps, justifieraient d’abaisser le LDL-C à < 0,4 g/l.
Les nouvelles recommandations fondent la stratégie interventionnelle en fonction du risque CV global, du taux de LDL-C et du statut en prévention primaire ou secondaire. Elles sont présentées sous la forme d’un tableau comportant 30 entrées. Si les moyens hygiéno-diététiques demeurent la base du traitement dans toutes les situations, nul n’ignore qu’ils sont globalement insuffisants.
Adapter la prescription
Pour prescrire le traitement médicamenteux, il faut connaître les effets attendus du traitement et tenir compte de la variabilité individuelle. Ainsi, le doublement de la dose de statine entraine une baisse de 6 % du LDL-C. En pratique, seulement la moitié des patients à risque très élevé, en post-SCA par exemple, se sont vu prescrire une statine de forte intensité dans l’étude EUROASPIRE V, le traitement n’a été intensifié que dans 4,6 % des cas et a même été revu à la baisse dans 10 % des cas. Au final, un tiers des hommes et un quart des femmes avaient un LDL-C < 0,7 g/l.
Une augmentation rapide du traitement médicamenteux est préconisée. Encore faut-il évaluer a priori la probabilité d’atteindre la cible de LDL-C. Si le LDL de base est > 1,10 g/l, une statine seule ne suffira probablement pas pour atteindre la cible en prévention secondaire, pas plus que l’association statine et ézétimibe si le LDL est > 1,30 g/l. Enfin, en cas d’hypercholestérolémie familiale, un dépistage précoce est indispensable, dès l’âge de 5 ans, voire avant. Un traitement par statine doit être initié dès 8-10 ans.
Expliquer, motiver, rassurer
Dans le contexte de méfiance qui règne aujourd’hui, la difficulté majeure pour les médecins sera de motiver les patients. Le taux de LDL-C moyen a été estimé à 1,30 g/l sur un échantillon représentatif de la population française (étude ESTEBAN), prenant en compte les sujets de 18 à 74 ans, en prévention primaire ou secondaire, recevant ou non un traitement médicamenteux. Autant dire que chez une proportion notable de la population c’est une réduction de 70 % du LDL-C qu’il faudra obtenir, ce qui sera quasiment impossible à réaliser même avec la statine la plus puissante. Pour y parvenir il faudra intensifier le traitement et recourir à des traitements par statines plus puissantes, associées à l’ézétimibe dont l’ajout permet une réduction supplémentaire de 15-20 % du LDL-C, ou à un iPCSK9. L’étude ACTE a bien montré la supériorité de l’association ézétimibe + rosuvastatine comparativement au doublement de dose de la statine.
L’intensification du traitement se heurte à des problèmes de tolérance musculaire, observés chez 5 % des patients dans les études versus placebo, plus fréquents dans les études en ouvert (20 %), ce qui répond manifestement à un effet nocebo. En pratique, l’utilisation du score diagnostique des effets musculaires sous statine permet d’évaluer la relation entre les symptômes et le traitement par statine en probable, possible ou peu probable.
L’introduction et le maintien des traitements par statine sont devenus très complexes depuis 2013 et ce, malgré l’accumulation des preuves en faveur des bénéfices du traitement. La défiance à l’égard du traitement se reporte sur le médecin qui l’a prescrit et conduit à l’arrêt des thérapeutiques, pas seulement des hypolipémiants. C’est une perte de chance. Il en est de même de l’arrêt des statines chez les sujets âgés de > 75 ans, motivé par la crainte d’interactions médicamenteuses. Dans une étude réalisée par l’assurance maladie, cet arrêt a été associé à une augmentation du risque d’hospitalisation de cause cardiovasculaire de 33 %, alors que dans l’étude IMPROVE-IT, ce sont les > 75 ans qui ont tiré le plus de bénéfice du traitement combiné ézétimibe + statine.
D’après un symposium Servier avec la participation de F. Diévart, F. Schiele et J. Blacher
CNCF 2019
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