Publié le 12 mai 2020Lecture 6 min
L’ACC 2020 : une édition virtuelle réussie – 2e Partie
Pierre SABOURET, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris
Dans cette seconde partie, retour sur les études VOYAGER PAD et VOYAGER PAD avec clopidogrel, ainsi que sur les iPCSK9.
Retrouvez la 1re partie ici : https://www.cardiologie-pratique.com/journal/article/0030049-lacc-2020-e...
L’étude VOYAGER-PAD
L’association rivaroxaban à faible dose + aspirine réduit les événements cardiovasculaires majeurs chez les patients revascularisés pour une ischémie aiguë des membres inférieurs
Les patients avec AOMI présentant une ischémie aiguë d’un des membres inférieurs ont souvent un pronostic sombre sur le plan local (risque élevé d’amputation) et général (événements ischémiques majeurs associant infarctus du myocarde (IDM), accident vasculaire cérébral (AVC), décès) lié principalement à l’atteinte athéromateuse souvent diffuse (50 % des patients avec AOMI avaient une atteinte polyartérielle symptomatique dans le registre REACH).
Les études évaluant la bithérapie antiagrégante plaquettaire (BAAP) comme l’étude EUCLID, ou avec les AVK à doses efficaces, n’ont pas montré de bénéfices de ces options, avec notamment un rapport risques hémorragiques-bénéfices ischémiques défavorable pour les AVK.
Il était donc pertinent, après les bénéfices cardiovasculaires démontrés par la faible dose de rivaroxaban (2,5 mg matin et soir) dans les études ATLAS-ACS et surtout COMPASS, d’évaluer cette nouvelle stratégie dans cette situation clinique à haut risque.
L’étude VOYAGER-PAD a donc randomisé 6 554 patients, présentant une ischémie aiguë de membre inférieur nécessitant une revascularisation, entre l’association rivaroxaban 2,5 mg (x 2 par jour) + aspirine 100 mg versus aspirine 100 mg en monothérapie.
Les patients de plus de 50 ans avec une AOMI documentée étaient inclus. Les critères d’exclusion étaient habituels et associaient notamment la nécessité d’une BAAP de plus de 6 mois, d’un anticoagulant au long cours, d’un AAP autre que l’aspirine ou le clopidogrel, et les patients à très haut risque hémorragique.
Le critère primaire d’efficacité clinique était composé par la récidive d’une ischémie aiguë de membre inférieur, une amputation liée à une étiologie vasculaire, un IDM, un AVC et les décès d’origine cardiovasculaire.
Le critère de sécurité d’emploi de l’association rivaroxaban + aspirine était représenté par les hémorragies majeures selon la classification TIMI.
Le suivi moyen a été de 28 mois, guidé par le nombre d’événements calculé pour décider de l’arrêt de l’étude.
Les caractéristiques des patients étaient habituelles dans ce type d’étude : un âge moyen de 67 ans, une majorité d’hommes (74 %), 40 % de diabétiques, 35 % restaient des fumeurs actifs, 11 % présentaient une BPCO, et 36 % avaient une atteinte coronaire documentée. À l’inclusion, ces patients bénéficiaient souvent des traitements recommandés, avec une prescription de statines pour 79 % d’entre eux, des bloqueurs du SRA et du clopidogrel chez 64 % et 51 % des patients respectivement. Très peu de patients perdus de vue.
Les résultats de l’étude VOYAGER-PAD objectivent :
– une réduction du critère primaire ischémique de 15 % (HR 0,85, p = 0,0085), avec une réduction du risque absolu de 2,6 % (19,9 % aspirine seule versus 17,3 % dans le groupe aspirine + rivaroxaban) ;
– les bénéfices ischémiques augmentent au cours du suivi et portent principalement par une réduction de l’ischémie aiguë de membre, sans hétérogénéité statistique ;
– le risque hémorragique (hémorragies majeures de la classification TIMI) est augmenté avec un HR à 1,43, avec une augmentation du risque absolu de 0,8 % (versus une RRA du risque ischémique de 2,6 %). On ne note heureusement pas d’excès d’hémorragies intracrâniennes (HIC) ni d’hémorragies mortelles.
L’étude VOYAGER-PAD démontre que l’association du rivaroxaban à faibles doses (2,5 mg x 2) avec l’aspirine à 100 mg améliore le pronostic des patients avec ischémie aiguë des membres inférieurs, avec une balance risques-bénéfices favorable, et ouvre donc de nouvelles perspectives dans le cadre du traitement de l’ischémie aiguë des membres inférieurs.
L’étude VOYAGER PAD-clopidogrel
Faut-il associer le clopidogrel à l’association rivaroxaban à faible dose + aspirine chez les patients présentant une AOMI bénéficiant d’une revascularisation ?
L’étude COMPASS-PAD a été présentée lors du congrès de l’ACC et publiée simultanément. Pour rappel, cette étude a randomisé 6 554 patients présentant une ischémie aiguë de membre inférieur nécessitant une revascularisation en urgence entre l’association du rivaroxaban (2,5 mg x 2 par jour) et de l’aspirine (100 mg/j) versus l’association de l’aspirine (100 mg/j) et du placebo.
L’association rivaroxaban + aspirine versus placebo + aspirine a permis une réduction du risque relatif du critère primaire ischémique de 15 % (HR 0,85, p = 0,0085), avec une réduction du risque absolu (RRA) de 2,6 % (19,9 % aspirine + placebo versus 17,3 % dans le groupe aspirine + rivaroxaban). Le risque hémorragique (hémorragies majeures de la classification TIMI) était augmenté avec un HR à 1,43 et une augmentation du risque absolu de 0,8 %, sans surcroît ni d’hémorragies intracrâniennes (HIC), ni d’hémorragies létales.
La question immédiate après la communication était l’influence de la prescription du clopidogrel, fréquente chez les patients présentant une AOMI, ce qu’avaient anticipé les investigateurs en pré spécifiant cette analyse dans le schéma de l’étude VOYAGER-PAD.
Au total, 3 313 patients recevaient du clopidogrel versus 3 234 étaient sans clopidogrel lors de la randomisation avec des caractéristiques cliniques un peu différentes (tableau) avec plus de femmes, de patients diabétiques et/ou coronariens dans le groupe clopidogrel.
Le critère primaire d’efficacité ischémique était réduit sans interaction du clopidogrel sur les événements (figure).
Figure. Étude VOYAGER-PAD. Critère primaire.
Concernant les hémorragies majeures, il existait par contre un impact significatif du clopidogrel, d’autant plus marqué que l’association du clopidogrel à la bithérapie rivaroxaban 2,5 mg.
En conclusion, la prescription du clopidogrel 75 mg, en plus de l’association rivaroxaban 2,5 mg x 2 et de l’aspirine 100 mg ou de l’association aspirine 100 mg + placebo, augmente le risque d’hémorragies majeures sans diminuer les événements ischémiques. Ces données plaident clairement pour l’arrêt du clopidogrel 75 mg pour les patients présentant une ischémie aiguë du membre inférieur revascularisée.
Les iPCSK9
Les inhibiteurs des PCSK9 démontrent leur efficacité biologique y compris dans les hypercholestérolémies familiales homozygotes (HFHo) : données récentes sur l’alirocumab et l’évinacumab
La classe des anticorps monoclonaux inhibiteurs de la protein convertase subtilisin–kexin type 9 (iPCSK9) a initialement démontré son efficacité biologique sur la diminution du taux de LDL-cholestérol avec une réduction du taux de LDL-C sérique de l’ordre de 60 % par rapport au niveau initial sur différents profils de patients à risque. L’efficacité clinique associée à cette réduction importante du LDL-C a été confirmée dans deux études randomisées multicentriques versus placebo, chez des patients traités le plus souvent par des statines puissantes à fortes doses, et plus rarement l’ézétimibe (5 % des patients) car ces études ont été initiées avant les résultats d’IMPROVE-IT. Une réduction des événements cardiovasculaires majeurs de l’ordre de 15 % a été observée dans l’étude FOURIER, incluant des patients stables en prévention secondaire (coronariens, ou en post-AVC, ou avec une AOMI) pour une baisse du LDL-C sous évolocumab, par rapport à son niveau initial de 0,92 g/l (2,4 ml), soit 59 %, avec des taux bas dans le groupe évolocumab, de l’ordre pour de 0,30 g/l (0,78 mM ; p < 0,001), pour un suivi relativement court de 48 semaines, et dans l’étude ODYSSEY Outcomes, avec une baisse du LDL-C en dessous de 0,55 g/l chez des patients coronariens en post-syndromes coronariens aigus (SCA), avec un suivi plus long, supérieur à 3 ans pour 55 % des patients randomisés, sans signal d’alerte sur la sécurité d’emploi de ces deux molécules.
Il convenait cependant d’évaluer l’intérêt des iPCSK9 dans la population très spécifique des hypercholestérolémies familiales homozygotes (HFHo), pour laquelle les déficits en récepteurs au LDL-C peuvent entraîner une inefficacité partielle de cette classe thérapeutique.
Les résultats de deux études évaluant l’alirocumab et l’évinacumab (molécule qui n’est pas encore évaluée par une étude de morbi-mortalité, et qui agit par un mécanisme original de l’angiopoïétine Like Proteine 3 ANGPTL3) chez les patients avec HFHo.
Les résultats rapportés lors du congrès de l’ACC 2020 montrent une diminution de 35,6 % sous alirocumab versus placebo (p < 0,0001) pour une baisse d’une valeur absolue de 62,8 mg/dl. L’évinacumab a également permis une baisse significative du LDL-C de 49 % pour un suivi de 24 semaines, soit une diminution en valeur absolue de 132 mg/dl du LDL-C, sans problème de sécurité d’emploi lors de cette étude de phase III.
On constate donc que ces deux molécules permettent une diminution significative du LDL-C chez les patients avec HFHo.
Ces données prometteuses pour l’évinacumab vont permettre la poursuite d’études d’efficacité clinique pour optimiser la prise en charge de cette population à très haut risque cardiovasculaire.
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