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Diabéto-Cardio

Publié le 22 sep 2020Lecture 4 min

Inhibiteurs de SGLT2 et insuffisance cardiaque à fraction d’éjection diminuée : EMPEROR-Reduced enfonce le clou

Patrice DARMON, Marseille

Il y a tout juste un an, l’étude DAPA-HF démontrait le bénéfice cardiovasculaire d’un inhibiteur de SGLT2 (iSGLT2), en l’occurrence la dapagliflozine, dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection diminuée, en présence comme en l’absence de diabète. Ces résultats avaient fait grand bruit lors de leur présentation au congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC) – nostalgie d’une époque bénie où l’on pouvait encore assister à un congrès autrement que devant son écran d’ordinateur – et le traitement par dapagliflozine est désormais approuvé par la FDA pour réduire le risque de décès d’origine cardiovasculaire et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque chez les patients présentant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection diminuée, qu’ils soient diabétiques ou non.

C’est aujourd’hui au tour d’un autre iSGLT2, l’empagliflozine (EMPA), d’être évalué dans cette indication. Les résultats de l’étude EMPEROR-Reduced ont été présentés au congrès virtuel de l’ESC et publiés simultanément dans le N Engl J Med (Packer M et al., 29 August 2020). Il s’agit d’un essai randomisé contrôlé mené en double aveugle dans 520 centres à travers 20 pays, incluant 3 730 patients présentant une insuffisance cardiaque (stade NYHA II, III ou IV) à FEVG diminuée (inférieure ou égale à 40 %) randomisés pour recevoir de l’EMPA (10 mg/j) ou un placebo (PBO) en plus des traitements de référence optimisés de leur insuffisance cardiaque. Les critères d’inclusion dans l’étude répondaient à l’objectif de recruter un grand nombre de sujets avec une insuffisance cardiaque avancée en exigeant des taux très élevés de NT-proBNP ou un antécédent d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque dans l’année écoulée pour les patients présentant une fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) entre 31 et 40 %. Les caractéristiques des patients inclus étaient les suivantes : âge moyen 67 ans, sexe ratio 3 hommes pour 1 femme, diabète 49,8 % des cas, IMC 27,9 kg/m2, FEVG moyenne 27,4 % (FEVG ≤ 30% dans 73,2 % des cas), NT-proBNP 1 887 pg/ml (médiane), débit de filtration glomérulaire (DFG) moyen 62 ml/min/1,73 m2 ; parmi eux, 94,7 % recevaient un bêtabloquant, 89,2 % un bloqueur du système rénine-angiotensine (dont 19,5 % du valsartan en association avec du sacubitril) et 71,4 % un antagoniste des récepteurs des minéralocorticoïdes. Le critère primaire de jugement était un composite « décès d’origine cardiovasculaire ou hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque ». Si un effet significatif était observé sur ce critère primaire, deux critères secondaires étaient alors testés : le nombre total d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque (premier épisode et récurrences) et le déclin du DFG au cours de l’étude. Au terme d’un suivi médian de 16 mois, on observe une diminution significative du risque pour le critère primaire sous EMPA (19,4 % vs 24,7 % sous PBO, HR 0,75 [IC95% 0,65-0,86], p < 0,001), avec des courbes qui divergent dès le troisième mois. L’analyse en sous-groupes montre que ce bénéfice est retrouvé à l’identique en présence ou non d’un diabète et que les patients soient traités ou non par sacubitril-valsartan. Le plan statistique ne prévoyait pas de tester séparément chacun des deux composants du critère primaire, mais on observe cependant une baisse du nombre des premières hospitalisations pour aggravation de l’insuffisance cardiaque sous EMPA (13,2 % vs 18,3 % sous PBO, HR 0,69 [IC95% 0,59-0,81]) alors que le taux de décès cardiovasculaire est comparable dans les deux groupes (10,0 % vs 10,8 %, HR 0,92 [IC95% 0,75-1,12]). Concernant les deux critères secondaires inclus dans la procédure statistique hiérarchique, on retrouve dans le groupe EMPA : une baisse significative du nombre total d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque (388 vs 553 sous PBO, HR 0,70 [IC95% 0,58-0,85], p < 0,001) et un moindre déclin du DFG (-0,55 ml/min/1,73 m2/an vs -2,28 ml/min/1,73 m2/an sous PBO, delta -1,73 ml/min/1,73 m2/an [IC95% 1,10-2,37], p < 0,001). Certains critères secondaires préspécifiés mais non inclus dans le plan hiérarchique statistique sont également favorables à l’EMPA – critère composite rénal (baisse de plus de 40 % du DFG, IRC terminale, dialyse/greffe : 1,6 % vs 3,1 % sous PBO, HR 0,50 [0,32-0,77]) ; qualité de vie (Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire) –, tandis que d’autres sont comparables entre les deux groupes – mortalité totale (13,4 % vs 14,2 %, HR 0,92 [0,77-1,10]) ; apparition de nouveaux cas de diabète chez les sujets prédiabétiques (11,2 % vs 12,6 %, HR 0,86 [0,62-1,19]). Le taux d’arrêt prématuré du traitement est comparable dans les deux groupes (16,3 % sous EMPA vs 18,0 % sous PBO). On retrouve l’augmentation attendue des infections génitales chez les patients traités par iSGLT2 mais aucun autre signal négatif (en particulier concernant les amputations des membres inférieurs) n’est rapporté. Ces résultats viennent conforter ceux de DAPA-HF en montrant un bénéfice majeur de l’iSGLT2 sur les hospitalisations pour insuffisance cardiaque et sur l’évolution du DFG chez des patients avec insuffisance cardiaque à FEVG diminuée, que les patients soient diabétiques ou non. La principale discordance entre EMPEROR-Reduced et DAPA-HF concerne l’effet sur la mortalité cardiovasculaire (HR 0,92 [IC95% 0,75-1,12] dans EMPEROR-Reduced, HR 0,82 [IC95% 0,69-0,98] dans DAPA-HF). Cette discordance est déjà l’objet de beaucoup de discussions : si l’on ne peut exclure un effet du hasard, elle pourrait en partie s’expliquer par le fait que la population d’EMPEROR-Reduced présente une insuffisance cardiaque plus avancée que celle de DAPA-HF (FEVG moyenne 27,4 vs 31,1 %, NT-proBNP 1 887 vs 1 437 pg/ml), ce qui se traduit d’ailleurs par une incidence accrue du critère composite primaire (+40 %), mais aussi peut-être par un recours plus fréquent au traitement par sacubitril-valsartan (19,5 % dans EMPEROR-Reduced vs 10,7 % dans DAPA-HF). Quoi qu’il en soit, une métaanalyse de ces deux grands essais est déjà disponible (Zannad F et al. Lancet 30 August 2020) et montre une diminution de 14 % de la mortalité cardiovasculaire (HR 0,86 [IC95% 0,76-0,98], p = 0,027) et de 13 % de la mortalité totale (HR 0,87 [IC95% 0,77-0,98], p = 0,018), sans hétérogénéité statistique entre les essais. Au final, les iSGLT2 s’imposent aujourd’hui définitivement comme une classe incontournable dans le traitement de l’insuffisance cardiaque à FEVG diminuée, chez les patients diabétiques comme chez les non diabétiques, y compris en add-on du sacubitril-valsartan, avec un rapport bénéfices-risques hautement favorable. Publié par Diabétologie Pratique

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