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Diabéto-Cardio

Publié le 08 mar 2022Lecture 4 min

Oui, il faut poursuivre les traitements par statine au-delà d’un certain âge

Louis MONNIER, Montpellier

Faut-il poursuivre ou peut-on interrompre un traitement par statine au-delà d’un certain âge chez des personnes qui ont été traitées depuis plusieurs années, voire quelques décennies, avec des statines dans le cadre d’une prévention primaire ou secondaire d’événements cardiovasculaires ? L’arrêt d’un traitement par statine se pose en particulier chez les sujets âgés lorsqu’apparaissent des comorbidités ou des pathologies qui fragilisent le sujet et qui confèrent à la protection vasculaire un rôle en apparence accessoire. À ce jour, il n’existe pas d’essai clinique randomisé (CRT pour « Controlled Randomized Trial ») permettant de répondre à cette question. C’est pour cette raison qu’un groupe d’épidémiologistes a analysé les données fournies par une série de registres provenant des autorités de santé danoises.

Méthodes La population étudiée est constituée de sujets âgés de 75 ans ou plus et ayant reçu un traitement continu par statine pendant plus de 5 ans (au moins sur la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2010) avant le début de l’enregistrement des données (à partir du 1er janvier 2011) jusqu’à la clôture du suivi (le 31 décembre 2016). L’analyse des données définitives après leur enregistrement a été réalisée du mois de juillet 2020 au mois de novembre 2020. L’analyse a finalement porté sur 67 418 personnes qui étaient des utilisateurs réguliers de statines sur le long terme avec 27 463 individus pour lesquels la prescription avait été réalisée en prévention primaire (âge moyen : 79 ans) et 39 955 personnes en prévention secondaire (âge moyen : 80 ans). Lorsque l’enregistrement des données a été débuté (le 1er janvier 2011), tous les participants avaient déjà reçu un traitement par statine depuis plusieurs années. À ce moment-là, ils reçurent la consigne de poursuivre le traitement. Dans la période de 180 jours qui a suivi l’inclusion dans l’étude, un pourcentage significatif de sujets a arrêté le traitement par statine pour des raisons diverses : 30 % des sujets étaient en prévention primaire (soit 8 311 arrêts sur 27 463 sujets) et 25 % des sujets en prévention secondaire (soit 9 853 arrêts sur 39 955 sujets). Dans chaque groupe et jusqu’à la clôture du suivi, le principal paramètre mesuré (critère de jugement principal) a été l’incidence des MACE (« Major Adverse Cardiovascular Events ») constitués par un composite d’événements indésirables parfois mortels englobant entre autres les infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux. Résultats Ils sont résumés sur les figures 1 et 2 qui expriment l’incidence cumulée au cours du temps des MACE dans les cohortes « préventions primaire et secondaire », selon que les sujets ont poursuivi ou interrompu les traitements par statine. • Dans la cohorte « prévention primaire », le taux d’incidence brut des MACE est de 33 (IC95% : 30-36) pour 1 000 années-patients chez ceux qui ont interrompu le traitement par statine. Ce taux chute à 24 (IC95% : 23-25) dans la cohorte de sujets ayant poursuivi le traitement par statine. La différence est de 9 (IC95% : 5-12) pour 1 000 années-patients entre les 2 cohortes. Le HR (hazard ratio) pour la survenue des MACE est de 1,32 (IC95% : 1,18-1,48) pour la cohorte « interruption des statines » par rapport à celle « poursuite des statines ». La figure 1 illustre cette différence en montrant l’évolution au cours du temps (sur un peu plus de 5 ans) des MACE dans les 2 cohortes. • Dans la cohorte « prévention secondaire », le taux d’incidence brut des MACE est de 60 (IC95% : 56-64) pour 1 000 années-patients chez ceux qui ont interrompu le traitement par statine vs 49 (IC95% : 47-50) dans la cohorte de ceux qui ont poursuivi le traitement. Le différentiel brut en termes de MACE est égal à 11 (IC95% :7-16) entre les 2 cohortes. Le HR pour la survenue des MACE est égal à 1,28 (IC95% : 1,18-1,39) pour la cohorte « interruption des statines » par rapport à celle « poursuite des statines ». La figure 2 illustre cette différence qui ne cesse d’augmenter au cours des 5,5 années du suivi de la population étudiée. Conclusion Bien que cette étude ait un certain nombre de limitations, elle démontre globalement que les sujets âgés qui ont reçu un traitement continu par statine pendant plusieurs années voient leur risque d’accidents vasculaires mortels ou non mortels (MACE) augmenter de l’ordre de 30 %, qu’ils soient en prévention primaire ou secondaire s’ils arrêtent le traitement par statine au-delà de 75 ans. Ces résultats indiquent que les statines devraient continuer à être prescrites chez les sujets âgés quand ils ont reçu depuis plusieurs années ce type de traitement lorsqu’il a été prescrit avec une indication précise de prévention primaire ou secondaire de maladie vasculaire. C’est la conclusion qui est suggérée par les auteurs de ce travail qui, par précaution, recommandent que leurs résultats puissent être un jour confirmés par un essai clinique randomisé. À titre personnel nous ne pensons pas qu’un tel essai serait éthiquement justifié car il comporterait le risque d’exposer ceux qui auraient arrêté le traitement par statine à une augmentation du risque d’événements cardiovasculaires et de décès. Dans ces conditions, notre attitude a toujours été de poursuivre les traitements par statine quel que soit l’âge quand ce traitement avait été prescrit à bon escient quelques années ou décennies auparavant sur des bases robustes définies par les recommandations des différents organismes/sociétés savantes, qu’ils soient nationaux ou internationaux. L’étude actuelle ne fait que conforter notre position. Figure 1. Incidence cumulée de la survenue des événements cardiovasculaires majeurs (MACE, y) en fonction du temps de suivi (x) dans la cohorte « prévention primaire ». Figure 2. Incidence cumulée de la survenue des événements cardiovasculaires majeurs (MACE, y) en fonction du temps de suivi (x) dans la cohorte « prévention secondaire ». Publié par Diabétologie Pratique

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