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Réadaptation

Publié le 15 sep 2022Lecture 6 min

La réadaptation se réadapte !

Florian ZORES et coll.*, Centre Ellipse (Strasbourg)

La réadaptation cardiaque (RC) est intégrée dans le parcours de soins en cardiologie. Elle est particulièrement recommandée dans les principales pathologies cardiovasculaires (classe I niveau A)(1). Les indications se sont élargies au-delà de la maladie coronaire (MC), suivant les objectifs de l’Organisation mondiale de la santé : « La réadaptation cardiovasculaire est l’ensemble des activités nécessaires pour influencer favorablement le processus évolutif de la maladie, ainsi que pour assurer aux patients la meilleure condition physique, mentale et sociale possible, afin qu’ils puissent, par leurs propres efforts, préserver ou reprendre une place aussi normale que possible dans la vie de la communauté »(2).

Ces objectifs nécessitent une prise en charge personnalisée où l’entraînement physique s’inscrit dans un programme associant, évaluation fonctionnelle, éducation thérapeutique du patient (ETP), évaluation psychosociale, prévention secondaire, réinsertion professionnelle et conseils à la reprise d’une activité physique et sportive, programme rendu possible par une équipe pluridisciplinaire, associant cardiologues, infirmier(e)s et aide-soignant(e)s, kinésithérapeutes, enseignant(e)s en activité physique adaptée (EAPA), ergothérapeutes, psychologues, assistant(e) social(e), tabacologues, diététicien(ne)s. La prise en charge en hospitalisation complète, en hospitalisation de jour ou à la séance offre une gamme complète de prestations pour pouvoir s’adapter au mieux à chaque cas. La RC a des bénéfices démontrés : amélioration de la survie post-infarctus du myocarde, amélioration de la capacité fonctionnelle, recul du seuil ischémique et meilleure tolérance aux efforts sous-maximaux, amélioration de la qualité de vie et contrôle des facteurs de risque(1). Les modifications induites par les approches physiques, éducatives et thérapeutiques visent à améliorer la qualité de vie, la morbidité et la mortalité, que ce soit après un infarctus du myocarde avec ou sans élévation du segment ST(3), après un remplacement valvulaire ou un pontage aorto-coronarien(4,5), ou en cas d’insuffisance cardiaque(6). Dans la maladie coronaire, la réadaptation cardiaque permet de réduire le risque de récidive d’infarctus et la morbi-mortalité cardiovasculaire et apporte un bénéfice médico-économique en diminuant les coûts de prise en charge à long terme et les réhospitalisations et en permettant un retour au travail plus précoce(7). Dans l’insuffisance cardiaque, la réadaptation diminue le risque d’hospitalisation toutes causes et pour insuffisance cardiaque et améliore la qualité de vie(6). À ce titre, la réadaptation cardiaque figure en bonne place dans les recommandations des sociétés savantes. La participation à un programme de réadaptation cardiaque est une recommandation de classe 1-A dans les recommandations 2020 de l’ESC sur la prise en charge de l’infarctus myocardique(8). Dans l’insuffisance cardiaque, les recommandations 2021 attribuent un niveau de recommandation IIa-C pour la participation à un programme d’insuffisance cardiaque pour les patients les plus graves, et recommandent un programme d’exercice physique pour tous les patients avec un niveau IA(9). Les indications se sont élargies à d’autres pathologies cardiovasculaires isolées ou associées à la MC : insuffisance cardiaque, transplantation, cardiopathies valvulaires et congénitales opérées ou non, artériopathies oblitérantes des membres inférieurs (AOMI), hypertension artérielle (HTA), chirurgie de l’aorte thoracique, patients porteurs de « pacemakers » (PM) ou défibrillateurs automatiques implantables (DAI), patients porteurs d’un système d’assistance circulatoire et, plus récemment, aux patients à haut risque cardiovasculaire. Le programme associe toujours entraînement physique, éducation thérapeutique, prise en charge psychosociale, arrêt du tabac, contrôle du poids et des facteurs de risque et optimisation thérapeutique. Il doit toujours être individualisé. Sous-utilisation de la réadaptation cardiaque : la réadaptation doit se réadapter ! Malgré son intérêt et ses bénéfices, la réadaptation cardiaque reste sous-utilisée en France, comme en Europe. On estime qu’à peine 30 % des patients coronariens et 10 % des patients insuffisants cardiaques bénéficient d’un programme de réadaptation(10,11). Dans un position paper publié en 2019, le groupe Insuffisance cardiaque et cardiomyopathies de la SFC analysait les déterminants multiples participant à cette sous-utilisation, qui tiennent aux médecins, aux patients ou au système de santé(12). Il existe plusieurs profils de patients bénéficiaires de réadaptation, avec des chemins cliniques différents : • Les patients polypathologiques ou âgés dépendants, avec une autonomie insuffisante pour permettre un retour à domicile après hospitalisation, ou habituellement institutionnalisés : ils nécessitent un SSR ou une hospitalisation complète. • Les patients après chirurgie lourde, ou avec pathologie sévère réduisant leur autonomie transitoirement ou nécessitant des soins techniques : ceux-ci nécessitent un SSR avec hospitalisation complète également, puis éventuellement une réadaptation ambulatoire dans un second temps. • Les patients avec pathologie sévère, mais autonomie préservée, après décompensation ou nouvel épisode, ou avec symptômes diminuant la qualité de vie quotidienne : SSR en hôpital de jour « traditionnel » ou ambulatoire libérale en fonction du choix du médecin, du patient et de la disponibilité locale. Certains de ces obstacles participent de l’organisation de l’offre de réadaptation. Les places de réadaptation sont peu nombreuses, principalement situées dans de grands centres de réadaptation, parfois situés en dehors de centres urbains, ce qui amplifie le problème du manque de place d’un problème de transport. Les patients « légers » qui pourraient bénéficier d’une prise en charge libérale ambulatoire ne se voient proposer qu’une réadaptation en hospitalisation complète ou hôpital de jour traditionnel. Ce mode d’organisation de la réadaptation crée une double contrainte : – pour les patients qui entrent dans le programme : trop de contrainte, éloignement géographique du lieu de résidence, retard au retour au travail avec un impact médico-économique ; – pour les autres patients : place de SSR bloquées, retard de transfert des patients hospitalisés avec prolongation inadaptée des hospitalisations et allongement de la durée moyenne de séjour. L’amélioration de l’adhésion à la réadaptation passe par différents objectifs : – raccourcir les délais d’attente ; – former les médecins prescripteurs ; – informer les patients ; – adapter les programmes ; – proposer des alternatives à la réadaptation traditionnelle. Le développement de solutions alternatives variées est devenu indispensable afin de proposer aux patients cardiaques un « programme de prévention secondaire », et de l’orienter dans un parcours de soins optimal(1). Plusieurs expérimentations sont en cours dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale. • La réadaptation à domicile, exclusive ou hybride, basée sur un entraînement supervisé à distance. Permettant à des patients à faible risque dont l’habitat est éloigné d’un centre, ou qui ne souhaitent pas participer à un programme collectif, de profiter des bénéfices de la RC grâce à l’utilisation d’une plateforme digitalisée spécifique. • Les structures libérales légères (SSL) de réadaptation équivalent à une réadaptation externe en libéral avec un forfait pour dispenser l’ETP. La filière SLL, un projet innovant expérimenté dans 3 centres en France La création de structures libérales légères (SLL) a pour objectif de créer une filière ambulatoire libérale permettant de faire bénéficier d’une réadaptation cardiaque les patients qui n’en bénéficient pas à ce jour. La SLL est une organisation souple en lien avec le médecin traitant et les établissements de santé permettant une prise en charge sécurisée, flexible, à proximité du lieu de vie du patient et une approche pluridisciplinaire : diminution de l’iatrogénie médicamenteuse, éducation thérapeutique du patient, prévention des récidives, sevrage tabagique, éducation nutritionnelle, gestion du stress, aide au retour à la vie professionnelle. La prise en charge proposée est conforme aux recommandations de la Société française de cardiologie (SFC). Avec des horaires d’ouverture élargis et adaptés aux horaires de travail des patients, la structure permet d’accueillir des patients jusqu’alors non pris en charge pour leur rééducation cardiovasculaire. Ces structures nécessitent l’association de plusieurs cardiologues libéraux, une équipe paramédicale et des locaux suffisamment spacieux pour permettre cette activité, en respectant les recommandations de la SFC concernant la pratique des tests d’effort(13). Sur le plan économique, si les consultations (cardiologue, nutritionniste, addictologue, endocrinologue, psychiatre, etc.), les actes médicaux techniques et les séances de réentraînement à l’effort sont pris en charge par l’Assurance maladie (droit commun) la prise en charge pluriprofessionnelle, l’éducation thérapeutique, les séances avec un diététicien, un psychologue, ou les ateliers d’information (prévention primaire et secondaire) sont à la charge du patient ou des professionnels. Dans le cadre de l’article 51 de la LFSS (loi de financement de la Sécurité sociale), deux forfaits innovants ont été mis en place pour permettre de financer ce qui n’était pas pris en charge par la Sécurité sociale jusque-là. Ces forfaits sont actuellement expérimentés dans trois centres en France à Reims (Centre Cœur et Santé Reims), à Strasbourg (Centre Ellipse) et à Paris (Centre Cœur et Santé Bernoulli). Un forfait initial pour les entretiens avec l’IDE ou l’aide-soignant, les 20 séances d’activité physique et les ateliers (nutrition, gestion du stress, éducation thérapeutique). Un forfait complémentaire si le patient le requiert : avec 20 séances supplémentaires. La durée de l’expérimentation prévue est de trois ans. Une première évaluation est en cours. Elle doit déterminer la faisabilité de l’extension de ces structures sur l’ensemble du territoire, leur efficacité par rapport aux SSR classiques et enfin le coût et les économies envisagées pour la CPAM.

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