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Thérapeutique

Publié le 24 jan 2012Lecture 5 min

Quelle est la stratégie optimale d’anticoagulation dans la cardioversion ?

R. ROUDAUT, Hôpital Cardiologique du Haut-Lévêque, Université Bordeaux Segalen

Indépendamment de la stratégie entreprise dans la prise en charge d’une fibrillation auriculaire (contrôle de la fréquence ventriculaire ou contrôle du rythme), il est capital d’assurer un traitement antithrombotique efficace si une cardioversion est envisagée. Quant à la stratégie antithrombotique au long cours, elle est avant tout basée sur le score CHAD2DS2-VASc en cas de FA non valvulaire. Toute FA valvulaire doit être anticoagulée.

Selon les recommandations actuelles (ACC/AHA/ESC Eur Heart J 2010 ; 31 : 2369-429), la prise en charge des patients atteints de fibrillation auriculaire (FA) implique trois objectifs : – le contrôle de la fréquence ventriculaire, – la prévention du risque thromboembolique, – la restauration du rythme sinusal. Les recommandations pour une cardioversion sont : – les FA persistantes et récemment découvertes, – les FA récurrentes avec symptômes invalidants. Cette cardioversion peut être médicamenteuse ou électrique.   Stratégie d’anticoagulation classique et cardioversion Pour les patients dont la FA est > 48 heures et dont la durée est méconnue, le traitement anticoagulant par antivitamine K (AVK) (avec un INR cible compris entre 2 et 3) est recommandé pendant au moins 3 semaines avant la cardioversion et 4 semaines après la cardioversion. Et ce, indépendamment de la méthode employée pour restaurer le rythme sinusal : cardioversion électrique ou pharmacologique (grade I B). À noter qu’en cas de flutter, l’anticoagulation est recommandée comme dans la FA (grade I C). Il est admis qu’au-delà de 3-4 semaines de traitement anticoagulant bien conduit, le risque thromboembolique est très fortement abaissé, s’il n’est malheureusement pas nul. Cela sous-entend que l’anticoagulation a évité la formation d’un caillot frais.   Cardioversion échoguidée Une alternative raisonnable au traitement anticoagulant en amont de la cardioversion est la réalisation d’une échocardiographie transœsophagienne (ETO) dans le but d’éliminer un thrombus de l’oreillette ou de l’auricule gauche. Il s’agit de la « cardioversion échoguidée » qui a fait l’objet de plusieurs études depuis les années 1995. Les résultats de l’étude ACUTE (Klein AL, N Engl J Med 2001 ; 344 : 1411-20) comparant les deux stratégies sur 1 222 patients ne montrent pas de différence significative à 6 mois en termes d’événements thromboemboliques. La persistance du rythme sinusal à 6 mois est plus fréquente dans le groupe cardioversion guidée par ETO (62,5 % vs 53,9 % p = 0,03), ce qui semble logique en termes physiopathologiques, car plus le retour en rythme sinusal est précoce, moins le remodelage de l’oreillette gauche est prononcé. Cette technique a également l’avantage de réduire le risque hémorragique et d’identifier les patients à haut risque thrombo-embolique (thrombus OG, débris de la paroi aortique). Dans cette stratégie rapide échoguidée, le traitement anticoagulant recommandé est basé sur de l’héparine, soit héparine non fractionnée, soit héparine de bas poids moléculaire à doses curatives, en l’absence de contre-indications. Au décours de la cardioversion, comme dans le schéma classique, un traitement anticoagulant doit être proposé pour au moins un mois, et davantage si le score CHAD2DS2-VASc est ≥ 1 (grade I B). En cas de découverte d’un thrombus intra-auriculaire gauche à l’ETO, il est recommandé d’anticoaguler de façon efficace le patient par AVK (INR entre 2 et 3) durant un minimum de 3 semaines et de réaliser une ETO de contrôle pour s’assurer de la disparition du thrombus (grade IC). Lorsque le thrombus a disparu, la cardioversion est réalisée sous AVK, traitement qui doit être poursuivi 4 semaines ou toute la vie en fonction des facteurs de risque (grade IIac). La persistance d’un thrombus après les 3 semaines de traitement par AVK est, a priori, une contre-indication à une cardioversion. À noter un cas particulier, celui de la découverte à l’ETO, non pas d’un thrombus, mais d’un contraste spontané dense de l’auricule, « sludge » des auteurs anglo-saxons. Ce contraste spontané dense correspond à un état prothrombotique très marqué. Le travail de Bernardt (J Am Coll Cardiol 2005 ; 45 : 1807-12) a montré dans cette population un taux élevé d’accidents vasculaires cérébraux symptomatiques ou non. Pour certains auteurs, la présence du contraste spontané dense, persistant malgré un traitement anticoagulant bien conduit, est une contre-indication à la cardioversion et à l’ablation de FA.   Cardioversion classique ou échoguidée ? Le choix entre cardioversion classique et cardioversion rapide « échoguidée » est fonction de nombreux paramètres : – anticoagulation préalable ou non, – accessibilité du plateau technique, – habitudes des cardiologues, – coopération des patients et observance du traitement AVK, – contre-indication aux anticoagulants plaidant pour stratégie « rapide ». L’indication type de la cardioversion échoguidée est le patient hospitalisé pour une FA récente ou semi récente, qui n’est pas sous AVK et que l’on veut réduire rapidement. Cas particulier de la cardioversion urgente : les patients dont l’état hémodynamique conduit à envisager une cardioversion urgente. Celle-ci peut être réalisée sous couverture d’une anticoagulation par héparine ou HBPM à dose curative (grade I B).   Place des nouveaux anticoagulants dans la cardioversion Peu de données sont à notre disposition. Cependant, les recommandations canadiennes et américaines récentes en précisent la place. Les recommandations canadiennes (Can J Cardiol 2011 ; 27 : 74-90) et la révision de l’ACCF/AHA/HRS (Circulation 2011 ; 123 : 1144-50) proposent comme alternative aux AVK chez les patients devant bénéficier d’une cardioversion, un traitement par dabigatran à la dose de 150 mg par voie orale 2 fois par jour pendant au moins 3 semaines avant la cardioversion et 4 semaines après la cardioversion. De façon implicite, ceci conduit à autoriser la réalisation d’une cardioversion sous dabigatran. Faut-il, dans ces cas, s’assurer de l’efficacité anticoagulante du dabigatran ? Ceci n’est pas précisé dans la littérature actuellement à notre disposition. Une étude post hoc publiée récemment (Nagarakanti R. Circulation 2011 ; 123 : 131-6) a confirmé la bonne efficacité du dabigatran chez des patients subissant une cardioversion, soit 1 983 cardioversions sur 1 270 patients (647 sous 110 mg x 2 et 2 672 sous 150 mg x 2 vs 2 664 sous warfarine). Les patients devaient avoir été traités pendant au moins 3 semaines par la molécule de l’étude avant la cardioversion. Les résultats suggèrent que les 2 dosages ont été très efficaces, sans différence significative sur le taux d’événements thromboemboliques après cardioversion sous 110 mg, 150 mg de dabigatran ou warfarine (respectivement 0,77 %, 0,30 % et 0,60 %). En revanche, nous ne disposons pas de recommandations concernant la place des nouveaux anticoagulants type anti-Xa dans la cardioversion. Cependant, ces derniers ont prouvé leur grande efficacité dans la prévention thrombo-embolique de la FA.   En pratique La cardioversion électrique ou médicamenteuse n’est pas un geste anodin sur le plan thromboembolique. Ce geste impose donc une anticoagulation efficace. Deux stratégies sont validées (figure) : - Cardioversion faisant suite à une anticoagulation efficace d’au minimum 3 semaines. - Cardioversion rapide échoguidée. Stratégie antithrombotique dans la FA Le choix du type de stratégie est basé sur la tolérance de la FA et le contexte de la prise en charge. La place des nouveaux anticoagulants dans la cardioversion est abordée dans les toutes dernières recommandations. Cette stratégie devrait simplifier la prise en charge des patients.

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