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Cardiologie générale

Publié le 22 mai 2012Lecture 11 min

La prise en charge des maladies cardiovasculaires pendant la grossesse*

F. DELAHAYE, hôpital Louis Pradel, Bion

La prise en charge doit concerner la mère et le fœtus. Les conseils aux patientes en âge de procréer et ayant une maladie cardiaque doivent être donnés bien en amont de la grossesse. La prise en charge doit être faite par une équipe pluridisciplinaire, et les patientes à haut risque doivent être traitées dans des centres spécialisés.

Conditions générales La prise en charge doit concerner la mère et le fœtus. Les conseils aux patientes en âge de procréer et ayant une maladie cardiaque doivent être donnés bien en amont de la grossesse. La prise en charge doit être faite par une équipe pluridisciplinaire, et les patientes à haut risque doivent être traitées dans des centres spécialisés.   Épidémiologie   Les troubles hypertensifs sont les évènements cardiovasculaires les plus fréquents pendant la grossesse, survenant chez 6 à 8 % des femmes enceintes. Dans les pays occidentaux, les cardiopathies congénitales sont la cause la plus fréquente de complications cardiovasculaires pendant la grossesse. Les cardiomyopathies sont rares mais sont causes de complications cardiovasculaires sévères.   Conseil génétique   Un conseil génétique doit être proposé à toute patiente ayant une cardiopathie congénitale, une arythmie congénitale, une cardiomyopathie, une maladie aortique ou des malformations génétiques associées à une maladie cardiovasculaire.   Diagnostic d'une maladie cardiovasculaire pendant la grossesse   Il repose sur l’interrogatoire, les investigations cliniques, l’électrocardiogramme, l’échocardiographie (y compris transœsophagienne) et l’épreuve d’effort (jusqu’à 80 % de la fréquence cardiaque maximale théorique). Les radiations ionisantes doivent être évitées. Durant les deux premières semaines après la fécondation, une survie intacte sans anomalie est le plus probable en cas d’irradiation supérieure à 50 mGray. Après les deux premières semaines, une exposition supérieure à 50 mGray peut être associée à un risque augmenté pour le fœtus. L’IRM sans gadolinium semble sans danger, mais les données disponibles sont limitées. La tomodensitométrie n’est pas recommandée du fait des doses élevées de radiations ionisantes.   Évaluation du fœtus   Elle repose surtout sur les ultrasons.   Interventions   Les interventions doivent être évitées mais sont possibles si elles sont absolument nécessaires. Le meilleur moment pour une intervention coronaire percutanée est après le 4e mois, pendant le 2e trimestre. La chirurgie cardiaque peut être réalisée en cas de risque vital pour la mère, au mieux entre la 13e et la 28e semaine. Après la 28e semaine, l’interruption de grossesse avant l’intervention chirurgicale doit être envisagée.   Accouchement   Les modalités doivent être décidées par une équipe expérimentée. Le mode préféré est l’accouchement par voie basse. Une analgésie péridurale est souvent recommandée, avec surveillance de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque maternelles, car elle peut provoquer une hypotension.   Endocardite infectieuse   Les récentes modifications des recommandations s’appliquent aux patientes enceintes comme aux autres patients. La prophylaxie de l’endocardite infectieuse n’est désormais recommandée que chez les patients à haut risque d’endocardite infectieuse. L’antibioprophylaxie durant l’accouchement n’est pas recommandée.   Évaluation du risque maternel   Elle doit être faite selon la classification de l’OMS.   Classification du risque cardiovasculaire maternel selon l'OMS (tableau 1) Contraception chez les patientes ayant une cardiopathie   Les méthodes contraceptives incluent la contraception hormonale œstroprogestative, la contraception avec seulement des progestatifs, les dispositifs intra-utérins et la contraception d’urgence. À côté des préservatifs masculins, le stérilet intra-utérin est la méthode la plus sure et la plus efficace qui puisse être utilisée chez les patientes ayant une cardiopathie congénitale cyanogène et une maladie vasculaire pulmonaire. Les recommandations générales de classe I C sont : Une évaluation du risque et des conseils avant la grossesse sont indiqués chez toutes les femmes ayant une maladie cardiovasculaire ou aortique, congénitale ou acquise ; L’évaluation du risque doit être faite chez toutes les femmes ayant une maladie cardiaque et en âge de procréer, et après la conception ; Les patientes à haut risque doivent être traitées dans des centres spécialisés, par une équipe multidisciplinaire ; Un conseil génétique doit être proposé à toute femme ayant une cardiopathie congénitale, une arythmie congénitale, une cardiomyopathie, une maladie aortique ou des malformations génétiques associées à une maladie cardiovasculaire ; Une échocardiographie doit être réalisée chez toute patiente enceinte qui a des symptômes ou des signes cardiovasculaires inexpliqués ou nouveaux ; Avant chirurgie cardiaque, un traitement corticoïde doit être administré à la mère chaque fois que possible ; Pour la prévention de l’endocardite infectieuse pendant la grossesse, les mêmes mesures doivent être utilisées que chez les patientes non enceintes ; L’accouchement par voie basse est recommandé chez la plupart des patientes. Une IRM sans gadolinium doit être envisagée si l’échocardiographie n’apporte pas suffisamment d’informations (classe IIa C) ; En cas d’HTA sévère, un accouchement par voie basse avec analgésie péridurale et accouchement instrumental doit être envisagé (classe IIa C) ; Lorsque l’âge gestationnel est d’au moins 28 semaines, l’accouchement avant une intervention chirurgicale nécessaire doit être envisagé (classe IIa C) ; Une césarienne doit être envisagée pour des raisons obstétricales ou chez les patientes avec calibre de l’aorte ascendante > 45 mm, sténose aortique sévère, travail avant terme alors qu’il y a encore un traitement anticoagulant oral, syndrome d’Eisenmenger ou insuffisance cardiaque sévère (classe IIa C) ; Une césarienne peut être envisagée chez les patientes ayant un syndrome de Marfan avec un calibre de l’aorte ascendante entre 40 et 45 mm (classe IIb C) ; Une radiographie thoracique, avec protection du fœtus, peut être envisagée si les autres méthodes n’ont pas permis de clarifier la cause d’une dyspnée (classe IIb C) ; Un cathétérisme cardiaque peut être envisagé, avec des indications très strictes et une protection du fœtus (classe IIb C) ; Une tomodensitométrie ou une étude électrophysiologique, avec protection du fœtus, peut être envisagée chez certaines patientes, pour des indications vitales (classe IIb C) ; Une intervention chirurgicale de pontage coronaire ou de geste valvulaire peut être envisagée lorsque les traitements conservateurs et médicaux ont échoué, dans des situations qui menacent la vie de la mère et qui ne peuvent pas être traitées par voie percutanée (classe IIb C) ; Une antibioprophylaxie pendant l’accouchement n’est pas recommandée (classe III C).   Prise en charge d'une cardiopathie congénitale Les recommandations sont les suivantes (tableau 2).   Prise en charge d'une atteinte aortique   Les recommandations sont les suivantes et sont toutes de classe IC : Les patientes ayant un syndrome de Marfan ou une autre atteinte aortique connue doivent être informées du risque de dissection aortique pendant la grossesse et du risque de transmission à la progéniture ; Une imagerie de toute l’aorte (tomodensitométrie ou IRM) doit être faite avant une grossesse chez les patientes ayant un syndrome de Marfan ou une autre atteinte aortique connue ; Les patientes ayant un syndrome de Marfan et un calibre de l’aorte ascendante > 45 mm doivent être traitées chirurgicalement avant une grossesse ; Chez les patientes enceintes ayant une dilatation aortique connue, une (un antécédent de) dissection aortique de type B ou une prédisposition génétique à une dissection aortique, un contrôle strict de la tension artérielle est recommandé ; L’échocardiographie doit être répétée toutes les 4 à 8 semaines pendant la grossesse chez les patientes ayant une dilatation de l’aorte ascendante ; Pour l’imagerie, chez des patientes enceintes ayant une dilatation de l’aorte ascendante distale, de la crosse de l’aorte ou de l’aorte descendante, une IRM sans gadolinium est recommandée ; Chez les patientes ayant une bicuspidie aortique, une imagerie de l’aorte ascendante est recommandée ; Chez les patientes ayant une dilatation de l’aorte ascendante < 40 mm, un accouchement par voie basse est préférable ; Les patientes ayant une dilatation de l’aorte ou une (un antécédent de) dissection aortique doivent accoucher dans un centre disposant de la chirurgie cardiothoracique ; Quand le calibre de l’aorte ascendante est > 45 mm, une césarienne doit être envisagée ; Le niveau de preuve est de II, voire de III pour les items suivants : Un traitement chirurgical avant une grossesse doit être envisagé chez les patientes ayant une atteinte aortique associée à une bicuspidie aortique lorsque le calibre de l’aorte ascendante est > 50 mm ou > 27 mm/m2 de surface corporelle (classe IIa C) ; Une intervention chirurgicale prophylactique doit être envisagée pendant la grossesse si le calibre de l’aorte ascendante est ≥ 50 mm et augmente rapidement (classe IIa C) ; Chez les patientes ayant un syndrome de Marfan ou une autre atteinte aortique avec un calibre de l’aorte ascendante entre 40 et 45 mm, un accouchement par voie basse, rapide, avec anesthésie péridurale doit être envisagé (classe IIa C) ; Chez les patientes ayant un syndrome de Marfan ou une autre atteinte aortique avec un calibre de l’aorte ascendante entre 40 et 45 mm, une césarienne peut être envisagée (classe IIb C) ; Chez les patientes ayant une (un antécédent de) dissection aortique de type B, la grossesse doit être déconseillée (classe III C).   Prise en charge d'une valvulopathie Les recommandations figurent dans le tableau 3.   Les régurgitations (IC)   Les patientes qui ont une régurgitation mitrale ou aortique sévère et des symptômes ou une altération de la fonction ventriculaire gauche ou une dilatation ventriculaire gauche doivent avoir une intervention chirurgicale avant une grossesse et un traitement médicamenteux est recommandé lorsque des symptômes apparaissent chez les patientes enceintes ayant une régurgitation valvulaire.   Prothèses valvulaires mécaniques   La situation des patients ayant une prothèse mécanique est bien codifiée malgré un faible niveau de preuve (I C) :     Un traitement anticoagulant oral est recommandé durant le 2e et le 3e trimestre jusqu’à la 36e semaine ; Le changement des modalités d’anticoagulation pendant la grossesse doit être fait à l’hôpital ; Si l’accouchement commence alors qu’il y a un traitement anticoagulant oral, une césarienne est indiquée ; Le traitement anticoagulant oral doit être arrêté et un traitement par héparine non fractionnée (TCA ≥ 2 fois le témoin) ou par héparine de bas poids moléculaire (anti-Xa cible 4-6 heures après la dose : 0,8-1,2 U/ml) à la 36e semaine de grossesse ; Chez les patientes enceintes traitées par héparine de bas poids moléculaire, le niveau d’anti-Xa 4 à 6 heures après la dose doit être déterminé chaque semaine ; Une héparine de bas poids moléculaire doit être remplacée par de l’héparine non fractionnée au moins 36 heures avant le moment prévu de l’accouchement. L’héparine non fractionnée doit être continuée jusque 4-6 heures avant le moment prévu de l’accouchement, et reprise 4 à 6 heures après l’accouchement s’il n’y a pas de complications hémorragiques ; Une échocardiographie immédiate est indiquée chez les patientes ayant une prothèse valvulaire mécanique et qui sont essoufflées ou qui ont un évènement embolique.      En ce qui concerne le traitement anticoagulant oral, les recommandations figurent dans le tableau 4.   La prise en charge d’une coronaropathie chez la femme enceinte est plus rare et ne sera pas rapportée ici.   Prise en charge d'une cardiomyopathie et de l'insuffisance cardiaque   Les recommandations sont les suivantes : L’anticoagulation est recommandée chez les patientes ayant un thrombus intracardiaque détecté par l’imagerie ou ayant eu une embolie systémique (I A) ; Les patientes ayant de l’insuffisance cardiaque pendant la grossesse doivent être traitées comme les patientes non enceintes, en respectant les contre-indications de certains médicaments (I B) ; Les patientes ayant une cardiomyopathie dilatée doivent être informées du risque d’altération de leur état durant la grossesse et le post-partum (I C) ; Chez les patientes ayant un antécédent personnel ou familial de mort subite, une surveillance rapprochée et des examens sont recommandés si des palpitations ou une présyncope surviennent (I C) ; Une anticoagulation thérapeutique avec une héparine de bas poids moléculaire ou un antivitamine K selon le moment de la grossesse est recommandée chez les patientes en fibrillation atriale (I C) ; Chez les patientes ayant une cardiomyopathie hypertrophique, l’accouchement doit être réalisé avec une protection par bêtabloquant (IIa C) ; Les bêtabloquants doivent être envisagés chez toutes les patientes ayant une cardiomyopathie hypertrophique et une obstruction dans la chambre de chasse du ventricule gauche plus que légère ou une épaisseur pariétale maximale > 15 mm afin de prévenir une congestion pulmonaire subite (IIa C) ; Dans la cardiomyopathie hypertrophique, une cardioversion doit être envisagée en cas de fibrillation atriale persistante (IIa C) ; Du fait des demandes métaboliques élevées de la lactation et de l’allaitement au sein, l’inhibition de la lactation peut être envisagée dans la cardiomyopathie du péripartum (IIb C) ; Une nouvelle grossesse n’est pas recommandée si la fraction d’éjection du ventricule gauche ne se normalise pas chez les patientes ayant eu une cardiomyopathie du péripartum (III C).   Prise en charge des tachycardies supraventriculaires (tableau 5) Prise en charge des tachycardies ventriculaires (tableau 6) Prise en charge de l'hypertension artérielle   Ici aussi les recommandations sont de classe I mais de faible niveau de preuve (C) : Une prise en charge non pharmacologique des femmes enceintes ayant une tension artérielle systolique entre 140 et 150 mmHg ou une tension artérielle diastolique entre 90 et 99 mmHg est recommandée ; Chez les femmes avec HTA gestationnelle ou HTA préexistante additionnée d’une HTA gestationnelle ou avec HTA et atteinte infraclinique des organes cibles ou symptômes à quelque moment que ce soit durant la grossesse, l’initiation d’un traitement médicamenteux est recommandée si la tension artérielle est > 140/90 mmHg ; Dans toutes les autres circonstances, l’initiation d’un traitement médicamenteux est recommandée si la tension artérielle systolique est ≥ 150 mm Hg ou la tension artérielle diastolique ≥ 95 mmHg ; Une tension artérielle systolique ≥ 170 mmHg ou une tension artérielle diastolique ≥ 110 mmHg chez une femme enceinte est une urgence, et l’hospitalisation est recommandée ; Le déclenchement de l’accouchement est recommandé en cas d’HTA gestationnelle avec protéinurie et anomalie de type troubles visuels, anomalie de la coagulation ou détresse fœtale ; En cas de pré-éclampsie associée à un œdème pulmonaire, la nitroglycérine au pousse-seringue électrique est recommandée ; Dans l’HTA sévère, le traitement médicamenteux par labétalol intraveineux ou par méthyldopa ou nifédipine par voie orale est recommandé ; Les femmes ayant une HTA préexistante doivent poursuivre leur traitement sauf si c’est un IEC, un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II ou un inhibiteur direct de la rénine, cela sous surveillance étroite de la tension artérielle (IIa C).   Prévention et prise en charge des accidents veineux thromboemboliques pendant la grossesse et le post-partum Les recommandations de classe I et niveau C figurent dans le tableau 7.   Les bas de contention veineuse doivent être envisagés pendant la grossesse et le post-partum chez les femmes à risque intermédiaire (IIa C). En cas de risque intermédiaire, une prophylaxie anténatale avec une héparine de bas poids moléculaire doit être envisagée (IIa C). Le dépistage d’une thrombophilie en routine ne doit pas être fait (III C).

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