Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 12 juin 2012Lecture 18 min
Cardiostim 2012 ne faillit pas à sa tradition - L’innovation au cœur du Congrès !
P. RITTER, Hôpital Haut Lévêque, CHU de Bordeaux
Cardiostim est le premier congrès européen dévolu à l’électrophysiologie. Il réunit 5 000 participants venant de près de 100 pays et est réputé pour révéler très tôt les derniers développements dans le domaine biomédical. Traditionnellement, les dernières innovations et les derniers concepts sont discutés au cours de sessions scientifiques de plus en plus suivies. Cardiostim ne trahit pas ses gènes. Deux ans se sont écoulés depuis la dernière édition, et ce délai a suffi pour voir émerger des innovations que nous annoncions comme des chemins futuristes en 2010. Tant dans le domaine de l’électrophysiologie invasive que dans celui des prothèses cardiaques actives, les avancées sont vraiment significatives. Cette année, il ne s’agit plus d’expliquer les outils du futur, mais d’en montrer les applications pratiques au grand jour.
Les thérapeutiques électrophysiologiques deviennent davantage accessibles
Cette assertion n’est pas destinée aux médecins, mais bien aux patients. Quand on pense que le nombre approximatif de patients bénéficiant d’une procédure d’ablation pour troubles du rythme est d’environ 10 000 alors que 500 000 patients présentent de la fibrillation atriale, nous devons absolument développer des techniques plus simples à mettre en œuvre avec des moyens plus légers qu’aujourd’hui afin d’élargir l’offre de soin qui ne cessera d’augmenter avec le vieillissement de la population.
Tous les domaines progressent
Dans le domaine des médicaments, la dronédarone offre moins d’intérêt qu’espéré, mais les nouveaux anticoagulants comme le dabigatran, le rivaroxaban et l’apixaban sont une véritable révolution : au moins la même efficacité, avec moins de risque de saignement, pas de contrôle sanguin itératif. Il reste certainement à décrocher le remboursement pour une utilisation large. Les développements ont déjà été publiés dans ces colonnes sans qu’il ne soit nécessaire de répéter combien nous attendons tous les autorisations administratives !
La cartographie cardiaque haute résolution non invasive : une révolution
Les moyens diagnostiques ont rapidement progressé. S’il fallait jusque-là utiliser des cathéters endocavitaires pour faire la cartographie électrophysiologique d’une cavité cardiaque donnée, une cartographie épicardique globale des oreillettes et des ventricules peut dorénavant être obtenue de façon non invasive. Une veste portant 252 électrodes cutanées est placée sur le thorax du patient (figure 1). Chaque électrode enregistre un signal électrocardiographique, tandis qu’un scanner cardiaque sans injection aura été réalisé préalablement pour repérer la position de chaque électrode de la veste sur le thorax et par rapport au cœur du patient dont l’image sera aussi acquise. L’ECG est enregistré à partir de ces 252 points, avec une haute résolution. Ensuite, l’amplitude du signal cardiaque en chaque point et le moment de sa dépolarisation sont repérés sur l’image anatomique propre du patient. On obtient ainsi une cartographie de l’activation de la dépolarisation cardiaque en fonction de l’amplitude des signaux, zone par zone et en fonction du temps. Une image dynamique de la dépolarisation est ainsi obtenue. Un seul cycle cardiaque suffit à obtenir une carte. On peut ainsi acquérir des cartes d’extrasystoles même isolées, notamment au niveau ventriculaire.
Figure 1. La cartographie électrophysiologique cardiaque est obtenue par l’enregistrement électrocardiographique à partir de 252 électrodes cutanées.
Les applications sont donc à la fois le repérage des foyers à l’origine des troubles du rythme cardiaque, et celui des zones de conduction lente et des isthmes électrophysiologiques. On peut rapprocher ces cartographies des images d’IRM qui permettent de repérer les zones de fibrose et les anomalies structurelles de la masse cardiaque pour sensibiliser l’interprétation des cartes électrophysiologiques. Cette analyse permet ainsi de mieux cibler les zones d’intérêt en vue d’appliquer des tirs de radiofréquence.
Une limite : la cartographie actuelle ne donne pas d’information sur le septum interventriculaire. Par ailleurs, la fusion des images anatomiques d’IRM avec les cartes de dépolarisation et d’amplitude des potentiels cardiaques n’est pas encore possible. Toutefois, les premières utilisations cliniques démontrent l’accélération du temps de procédure d’ablation et la réduction du nombre d’application de radiofréquence. Il est possible de travailler de la même façon dans les oreillettes comme dans les ventricules, y compris sur des foyers d’extrasystoles isolées (figure 2).
Figure 2. Analyse de cartes d’activation ventriculaire gauche (vue latérale gauche) en rythme spontané, stimulé en biventriculaire et en triple ventriculaire (activation précoce en rouge, tardive, en bleue). Le bloc de branche gauche en spontané explique la dépolarisation tardive de la paroi latérale gauche. En biventriculaire, le recrutement de la paroi latérale gauche est incomplet et le devient davantage en triple ventriculaire (en rouge, l’activation précoce de la paroi ventriculaire gauche induite par « l’allumage » des sondes gauches).
La navigation tridimensionnelle intègre l’anatomie du myocarde et ses anomalies structurelles avec l’électrophysiologie
Les moyens de navigation ont progressé également de façon spectaculaire. Le repérage magnétique des cathéters à l’intérieur des cavités cardiaques permet de se passer de l’utilisation des rayons X, au grand bénéfice des patients et des opérateurs (figure 3). Les images de l’anatomie du cœur du patient, des zones d’anomalies structurelles du myocarde, des cartographies endocavitaires sont cette fois fusionnées en temps réel tandis que les extrémités des cathéters introduits dans les cavités cardiaques apparaissent dans ce cœur virtuel. Les zones à ablater sont donc, là encore, ciblées en prenant en compte l’ensemble des informations nécessaires, anatomiques et électrophysiologiques. Le nombre de tirs de radiofréquence est à l’évidence moindre pour obtenir le résultat attendu, avec une dose de rayonnement diminuée.
Figure 3. Visualisation des cathéters à l’intérieur de l’oreillette droite.
L’abord péricardique, une voie complémentaire pour améliorer le succès global des procédures d’ablation
L’abord de l’espace péricardique est une approche du versant épicardique du cœur passée maintenant dans la routine de l’ablation, notamment au niveau ventriculaire. Elle nécessite la ponction transcutanée sous-xyphoïdienne qui exige une formation particulière. Cette voie d’abord permet d’atteindre des foyers ou des circuits électrophysiologiques anormaux qui se situent davantage sur le versant ventriculaire épicardique ou profondément situés dans l’épaisseur du mur ventriculaire, et que l’on ne peut atteindre par une approche endocavitaire. Ces procédures sont longues, fastidieuses, souvent rendues difficiles par la complexité des cardiopathies des patients et n’aboutissent pas toujours au contrôle de la ou des arythmies ventriculaires. Elles sont rendues difficiles, voire impossibles en cas de sternotomie préalable, ce qui en fait une limitation importante. Cependant, elles sont désormais applicables et intéressent au premier chef les patients ayant subi un orage rythmique ventriculaire, sauvés par leur défibrillateur qui a choqué souvent plusieurs fois. Le patient arrive vivant à l’hôpital mais est souvent très déstabilisé psychologiquement par les chocs itératifs reçus. L’ablation des troubles du rythme ventriculaire revêt donc une importance majeure dans l’arsenal disponible chez ces patients devant lesquels nous étions démunis jusque-là et chez qui la récidive d’orages rythmiques est le plus souvent immuable.
De nouveaux cathéters multi-électrodes et ballons de cryoablation
Faire une ablation d’un foyer à l’origine d’une arythmie est toujours un défi mais l’on travaille dans une zone limitée avec une bonne chance de succès. Lorsqu’on veut faire des lignes d’ablation pour barrer la conduction d’un circuit de réentrée entre deux structures cardiaques, l’ablation est réalisée point par point. Or, de nouveaux cathéters munis de plusieurs électrodes permettent maintenant d’appliquer le courant de radiofréquence d’un seul coup sur toute une zone, et non plus un seul point à la fois. On comprend que la procédure soit ainsi rendue plus facile et plus rapide.
Une autre technologie spectaculaire est celle de ballons de cryoablation à travers lesquels il est possible de visualiser l’effet de l’application de la cryo (figure 4). En d’autres termes, le cathéter baigne dans le milieu sanguin, mais vous permet de vérifier de visu l’application de votre thérapie.
Figure 4. Cathéter de cryoablation.
Enfin, la réduction du taux de complications est une préoccupation constante. Une des complications du cathétérisme cardiaque est la perforation avec son risque de tamponnade. Certains cathéters sont ainsi capables de déterminer la force appliquée sur la paroi cardiaque et d’offrir plus de sécurité.
S’attaquer aux ventricules est désormais une mission possible
L’ablation des troubles du rythme atrial fait maintenant partie de la routine. On l’aura compris, les moyens de diagnostic, le repérage des zones d’intérêt à traiter, les moyens thérapeutiques eux-mêmes ont évolué et l’ablation de la fibrillation atriale est à la portée de tout centre accrédité français. Il en va autrement des troubles du rythme ventriculaire, rendus plus complexes à traiter en raison d’une troisième dimension qui est l’épaisseur même du muscle cardiaque, ce qui explique que l’ablation effectuée sur le versant endocavitaire soit souvent insuffisante ; or justement, l’abord péricardique permet d’approcher le versant épicardique, ce qui augmente considérablement les accès aux foyers ou circuits arythmogènes.
Ces progrès expliquent donc que l’on s’attaque plus facilement aux foyers d’extrasystoles ventriculaires monomorphes, responsables d’une « bradycardie mécanique » puisque l’éjection résultant des extrasystoles est faible ou nul. Ce dernier phénomène explique la survenue fréquente d’une insuffisance cardiaque qui s’amendera si l’on supprime les extrasystoles. On attaque aussi les tachycardies ventriculaires survenant chez des patients implantés de défibrillateurs automatiques, et qui arrivent au centre de soins en état d’orage rythmique, c’est-à-dire la survenue d’épisodes de tachycardie ventriculaire répétitifs ayant déclenché des chocs itératifs. Ces états dramatiques surviennent le plus souvent sur des cardiopathies complexes, vieillies et sont de pronostic sombre. Néanmoins, on ne compte plus les succès de ces séances d’ablation, qui pour l’instant, sont compliquées, exigent toute la technicité aujourd’hui disponible utilisée par des équipes très expérimentées, et obligent à des séances très longues qui nécessitent parfois le passage de témoin d’un médecin ablateur à un autre dans la même séance. Cependant, de très bons résultats sont obtenus avec parfois l’amélioration hémodynamique, volontiers expliquée par la disparition des fréquentes extrasystoles ou salves rencontrées chez ces patients. Certes, la cardiopathie reste présente et elle continue d’évoluer mais avec un meilleur confort de vie. Quant à déterminer l’impact de ce type de soins sur le pronostic général, il est trop tôt pour en avoir une idée précise. Et maintenant, c’est au tour de la fibrillation ventriculaire !
Jusque-là, la seule parade possible était le choc de défibrillateur. Chez les patients jeunes, sans cardiopathie évidente, qui n’ont pas d’anomalie morphologique, ni échographique, ni à la résonance magnétique, la seule pathologie est bien celle du trouble du rythme à potentiel mortel. Or, lorsqu’on enregistre le tout début de l’épisode, on enregistre souvent des potentiels très rapides qui semblent entrainer la dégénérescence du rythme ventriculaire, dont le point d’émergence est nécessairement le réseau de Purkinje. À partir de quelle pathologie précise, avec quelle prédiction de survenue ? Des questions sans réponse pour l’instant. Il n’en reste pas moins que si ces potentiels sont supprimés par une ablation de surface (du côté endocavitaire) qui ne peut guère intéresser que le réseau de Purkinje qui court sous l’endocarde, on fait disparaître ces potentiels rapides, et l’on voit diminuer, voire disparaître, les récidives de troubles du rythme ventriculaire ayant fait venir les patients en urgence à l’hôpital dans un tableau d’orage rythmique (figure 5). Encore une fois, l’analyse de l’activation ventriculaire pendant la fibrillation, enregistrée avec la cartographie non invasive, révèle moins d’anarchie que ne le laisse penser la lecture de l’électrocardiogramme. Des rotors sont visibles en même temps que des voies de conduction préférentielles, de sorte que l’on peut présumer d’une action possible de l’ablation pour réduire l’entretien de la fibrillation, voire son démarrage. L’espoir est permis, mais aucune étude d’envergure ne vient étayer ce concept pour l’instant.
Figure 5. Des potentiels de petite amplitude, très rapides sont émis à partir du réseau de Purkinje et déclenchent des extrasystoles ventriculaires.
L’industrie biomédicale des prothèses cardiaques actives en effervescence
Tous les concepts actuellement appliqués en défibrillation, stimulation et resynchronisation vont être prochainement, et pour longtemps, bousculés de manière radicale !
Des défibrillateurs et stimulateurs sans sonde : une nécessité !
La révolution de la décennie 2010 est certainement celle de la possibilité de défibriller, et bientôt de stimuler sans la présence de sonde endoveineuse. La société Cameron Health a développé un défibrillateur placé au niveau de la paroi latérale gauche du thorax, dans une poche sous-cutanée, reliée à une électrode elle aussi sous-cutanée, qui contourne le thorax jusqu’au niveau de la zone paraxyphoïdienne gauche, puis qui monte verticalement le long du sternum. Ce système est donc facile à mettre en place et assure la délivrance d’un choc électrique en cas de tachycardie ou de fibrillation ventriculaire entre l’électrode sternale et le boitier sous-axillaire. La détection est opérée à partir d’électrodes qui sont donc en position sous-cutanée. Le système, utilisé actuellement en Allemagne, Italie, Royaume-Uni, et homologué par la FDA américaine, autorise une discrimination des troubles du rythme auriculaire et ventriculaire au moins aussi bonne que les défibrillateurs classiques, ainsi qu’une efficacité des chocs électriques au prix d’une énergie supérieure à celle habituellement programmée (40 Joules) : 65 J avec un maximum à 80 J.
Les avantages de ce concept sont indéniables puisqu’il n’y a plus les risques liés à la présence de sondes endocavitaires, et la maitrise d’une infection d’un matériel sous-cutané est autrement plus facile que celle d’un matériel intraveineux, surtout quand les sondes sont implantées de longue date. En revanche, la taille de l’appareil est importante et peut être un motif d’inconfort et de complication locale, la stimulation cardiaque n’est opérante qu’après un choc, et une sonde reste présente qui peut engendrer des complications propres (extériorisation, casse, etc.), mais le recul manque encore pour en apprécier les limites. Cette technique va évoluer puisque cette start-up vient d’être rachetée par Boston Scientific qui va y introduire une technologie avancée : une batterie plus performante, un réarrangement mécanique qui réduiront la taille du boitier et le rendront probablement plus acceptable en taille (figure 6).
Figure 6. Défibrillateur sans sonde endocavitaire, placé exclusivement en position sous-cutanée.
Les indications logiques de ce type de modèle, dans l’immédiat, sont à l’évidence les sujets jeunes (qui devront porter une prothèse leur vie durant) en prévention primaire. Le système n’est pas homologué en France pour l’instant, mais son introduction ne saurait tarder, sachant que les grandes compagnies possèdent dans leur carton une riposte à Boston.
Dans la même veine, le stimulateur sans sonde (figure 7) va créer une véritable rupture dans le monde de la stimulation cardiaque définitive. La société Medtronic propose prochainement (à l’automne 2013), encore dans un contexte d’investigation clinique de présérie, un stimulateur de forme cylindrique en titane, d’environ 24 mm de long sur 8 mm de diamètre, qui porte des crochets préformés pour la fixation, l’électrode distale, la cathode, en contact avec l’endocarde, une bague proximale pour l’anode. Ce cylindre, amené par voie fémorale droite par une gaine porteuse jusque dans le ventricule droit est un stimulateur autonome VVIR, d’une durée de vie estimée d’environ 7 ans, doué de télémétrie et de télétransmission, et d’un algorithme de contrôle de capture automatique pour réduire la consommation d’énergie ! Son poids de 2 g, laisse entrevoir son remplacement par simple rajout d’un autre cylindre dont la taille sera certainement réduite. Bien sûr, le modèle est VVIR, le matériel est endocavitaire ventriculaire ; il faudra assurer absolument une fixation parfaite, mais son utilisation en chronique sur des animaux à ce stade, révèle la faisabilité d’implantation, une parfaite fiabilité, des seuils faibles et l’encapsulation parfois complète de la capsule. Le risque inhérent à la présence de sonde a disparu, le risque d’infection est extrêmement réduit. Le développement d’un système double chambre est déjà en route. Sauf imprévu majeur, il ne fait aucun doute que ce type de stimulateur aura l’approbation de la communauté assez rapidement.
Figure 7. Stimulateur cardiaque sans sonde. Il est placé dans le ventricule droit et amené par cathétérisme à partir d’une veine fémorale.
Dans le domaine de la resynchronisation, l’espoir renaît !
La technique est née en 1994 ; l’idée de la mise en place de la sonde de stimulation ventriculaire gauche via le sinus coronaire date de 1996, et pourtant nous sommes toujours limités par les mêmes difficultés. Le taux de réponse stagne encore à 30 à 40 % et l’évolution technologique des 18 années passées n’y a rien fait !
Il est probable que ce taux de non-réponse soit lié à la mauvaise sélection des patients. Il faut dire que la prédiction du résultat de la resynchronisation chez un patient donné reste énigmatique. Cependant, un certain nombre de critères doivent être pris en compte pour avoir une bonne chance d’aboutir au résultat attendu : l’amélioration fonctionnelle du patient qui passe par une diminution des besoins en soins, surtout en hospitalisations pour décompensation, facteur de coûts de santé énormes. Après avoir utilisé le simple critère de durée des QRS comme paramètre de sélection, les recommandations internationales sont sur le point de changer pour ne plus considérer que le bloc de branche gauche complet avec une bonne chance de réponse quand le QRS est large. En effet, le bloc de branche droit ou l’élargissement des QRS sans prendre l’aspect typique d’un bloc de branche gauche ne sont pas associés à un taux de réponse suffisant, même si certains patients de ces groupes peuvent s’avérer répondeurs. Ceux qui présentent de larges plages de fibrose, au mieux repérées par IRM avec rehaussement tardif, surtout si elles sont transmurales et surtout si la sonde ventriculaire gauche y est implantée, s’avèrent aussi être de mauvais répondeurs, même si certains le sont. Les patients non ischémiques semblent ainsi mieux répondre.
On a donc le sentiment d’un retour aux sources, lorsque de façon intuitive, les initiateurs de la méthode parlaient des patients plutôt jeunes, non ischémiques, avec bloc de branche gauche large de plus de 150 ms avec lenteur d’activation mécanique, temps de remplissage court volontiers favorisé par un intervalle PR long, insuffisance mitrale par dilatation de l’anneau.
Le taux de réponse est aussi dépendant de la méthode d’implantation des sondes, particulièrement de la sonde ventriculaire gauche. Même si le taux de succès d’implantation est passé d’un peu plus de 50 % à près de 95 à 100 %, le cathétérisme du sinus coronaire et de ses branches, la stabilisation de la sonde dans la veine ciblée, la possibilité de stimulation des ventricules gauches très pathologiques, l’absence de stimulation phrénique sont autant d’obstacles à surmonter qui sont autant de motifs d’échec d’implantation. Le choix de la position des sondes restent un défi autant pour sa détermination que sa réalisation, et le taux de déplacement de sonde reste trop important. Autant de raisons de développer d’autres approches au ventricule gauche pour accélérer la procédure d’implantation, garantir le résultat final, optimiser la position de la sonde gauche et probablement réduire en conséquence ce fameux taux de non-réponse. Comme les recommandations incitent à l’implantation de défibrillateurs biventriculaires plutôt qu’à celle de stimulateurs et du fait du coût de telles prothèses, il devient inacceptable d’en rester à un tel résultat 18 ans après le début de l’aventure.
Plusieurs approches ont été mises en application récemment, mais il est trop tôt pour tirer des conclusions et déterminer celle qui l’emportera. Mais au moins des techniques nouvelles sont apparues.
L’approche endocavitaire ventriculaire gauche
Elle implique d’aborder la cavité ventriculaire gauche. L’idée de base est d’effectuer un abord transeptal atrial pour glisser une sonde de stimulation classique à travers l’anneau mitral jusque dans le ventricule gauche.
Avantage : la stimulation est endocardique et provoque une conduction certainement plus rapide du fait de l’envahissement immédiat du réseau de Purkinje situé en sous-endocardique. Le choix de la position endoventriculaire gauche est possible de la même façon que dans le ventricule droit. Quelques travaux concordent sur l’effet individuel de la position de la sonde de stimulation gauche sur l’hémodynamique des patients, effet souvent spectaculaire, d’amplitude moyenne plus importante que celle de la stimulation obtenue par les sondes passées par le sinus coronaire. Les seuils de stimulation sont excellents et stables. La stimulation phrénique n’est pas observée.
Inconvénients : le matériel est endocavitaire avec son risque de thrombose qui oblige aux anticoagulants à vie ; en cas d’endocardite, le risque d’embolie systémique, et celui de l’extraction du matériel par une méthode non encore codifiée. Il peut y avoir interaction entre la sonde et la valve mitrale à long terme. Si les bénéfices sont effectivement au rendez-vous, alors les complications apparaitront acceptables. Un protocole est en cours (ALSYNC) qui permettra déjà de répondre à la question de la faisabilité de la méthode.
Une autre façon d’aborder la cavité ventriculaire gauche est de réaliser une ponction trans-pariétale gauche par un mini abord chirurgical et ensuite de placer la sonde sous contrôle scopique. L’avantage est d’éviter la ponction transeptale atriale et le franchissement de la valve mitrale ; la quantité de matériel intracardiaque est aussi plus réduit. Sinon, les inconvénients restent le mêmes.
L’approche péricardique
La société Saint-Jude a développé un kit d’abord péricardique amené par voie sous-xiphoïdienne, pour déployer une électrode dans l’espace péricardique qui s’autostabilise très rapidement avec de bons critères de fonctionnement.
Avantages : l’abord est aisé sauf en cas d’antécédent chirurgical cardiaque avec son risque de symphyse péricardique, l’ensemble de la surface épicardique des ventricules est accessible, il n’y a pas de risque d’endocardite ni de thrombose.
Inconvénients : la quantité de matériel endopéricardique est importante, l’interaction mécanique avec les vaisseaux coronaires est inconnue, les sondes sortent du sac péricardique vers l’abdomen.
L’approche robotique
L’utilisation du système Da Vinci autorise l’accès à l’ensemble de la surface péricardique du ventricule gauche. Des sondes à délivrance de stéroïdes peuvent être placées dans des « boutonnières » péricardiques avec d’excellents critères de fonctionnement électrique à court et long termes. Plusieurs sondes peuvent être mises en place, avec toutefois le problème persistant de la connectique avec le boitier du resynchroniseur. Les suites sont simples et le fonctionnement des sondes à long terme est favorable. Les inconvénients restent les symphyses pleurales et péricardiques de chirurgie thoracique ou cardiaque préalable, l’inconnu concernant la tenue mécanique de sondes à long terme.
Outre les sondes de stimulation, des électrodes de défibrillation peuvent également être placées par une approche robotique et la mise en place d’un système de défibrillateur resynchroniseur atrio-biventriculaire par voie uniquement robotique a été réalisée récemment dans notre département (figure 8). Les indications sont l’impossibilité de repasser des sondes endocavitaires, comme en cas d’occlusion veineuse sous-clavière ou cave, et nous proposons cette voie extravasculaire et extracardiaque aux sujets jeunes pour leur éviter plusieurs années de complications liées au matériel endovasculaire. Lorsque viendra le moment du remplacement du montage actuel, nous en serons à des systèmes sans sonde.
Figure 8. Mise en place de sondes de stimulation par voie robotique. Les sondes sont extravasculaires.
Le futur est-il dans la modélisation ?
Même si tous ces concepts et technologies sont loin d’être applicables en routine et nécessitent beaucoup de travail pour en prouver l’efficacité, la sécurité et en définir les indications, il ne nous est pas interdit d’avoir un regard sur des solutions encore plus lointaines. Le sont-elles vraiment autant d’ailleurs ?
Les modèles informatiques existent dans bien des domaines scientifiques et industriels : l’aéronautique et l’automobile, l’industrie spatiale et la physique des particules sont autant d’exemples spectaculaires. En électrophysiologie, nous aurions besoin d’outils de prédiction de l’effet des nouvelles thérapies proposées ou d’outils de guidage des procédures. Ceci est particulièrement vrai pour l’analyse des troubles du rythme et la détermination de zones critiques à ablater. Par ailleurs, les solutions proposées doivent être adaptées à chaque patient pour en tirer le bénéfice maximal. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine de la resynchronisation cardiaque pour le choix des sites de stimulation, maintenant que les voies d’abord nous autorisent ce choix. Il est donc nécessaire de créer un modèle de cœur qui prenne en compte les propriétés électrophysiologiques et hémodynamiques connues. Il faut ensuite modifier ce modèle pour qu’il corresponde au cœur du patient avec sa pathologie, pour ensuite analyser les effets des thérapies. Peut-être, un jour, le modèle nous indiquera les zones préférentielles à traiter, ou les sites exacts d’implantation à privilégier.
Notre spécialité est loin d’en avoir terminé avec les nouvelles technologies. Lors de l’édition précédente de Cardiostim nous annoncions l’arrivée de nouvelles idées, de nouveaux concepts. Cette année, nous en voyons les premières applications, et nous commençons à dessiner le visage futur de notre métier. Il est fait de haute technologie. Aucun trouble du rythme ne semble hors de portée aujourd’hui, et nous allons enfin pouvoir écraser le taux de non-réponse à la resynchronisation cardiaque. Les systèmes sans sonde sont pour un peu plus tard, et cette édition de 2014 en fera état largement.
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