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Cardiologie générale

Publié le 11 sep 2012Lecture 15 min

Myocardites aiguës

A. COMBES, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris

Le terme « myocardite » signifie inflammation du muscle cardiaque avec, à l’examen histologique, un infiltrat de cellules inflammatoires et des signes de nécrose myocytaire. Le diagnostic de myocardite aiguë doit être évoqué chez un malade pour lequel sont apparus récemment des signes d’insuffisance cardiaque, en l’absence de maladie coronarienne ou valvulaire évolutive. Une forme fulminante de la maladie, le plus souvent en rapport avec une infection par un virus à tropisme cardiaque, tels le parvovirus B19, le virus herpès de type 6, les coxsackies et les adénovirus, doit être envisagée si les premiers signes cliniques sont apparus très récemment (quelques jours), faisant suite à un épisode pseudo-grippal. Les années qui viennent permettront peut-être d’établir de nouvelles stratégies thérapeutiques spécifiques agissant sur le système immunitaire en fonction de la phase de la maladie.

Lorsqu’une forme fulminante de la maladie est suspectée, il faut rapidement prendre contact avec un centre médicochirurgical ayant la capacité de mettre en place une ECMO, le plus souvent en ayant recours à une unité mobile d’assistance circulatoire, compte tenu des risques d’aggravation extrêmement rapide de la maladie et du pronostic péjoratif si des défaillances viscérales ou un arrêt cardiaque surviennent avant la mise en place du dispositif.   Définition   Le terme « myocardite » signifie inflammation du muscle cardiaque, avec à l’examen histologique du myocarde un infiltrat de cellules inflammatoires et des signes de nécrose myocytaire(1,2). Le diagnostic de myocardite aiguë doit être évoqué chez un malade pour lequel sont apparus récemment des signes d’insuffisance cardiaque, en l’absence de maladie coronarienne ou valvulaire évolutive. Une forme fulminante de la maladie doit être envisagée si les premiers signes cliniques sont apparus très récemment (quelques jours), faisant suite le plus souvent à un épisode pseudo grippal, et si l’on observe une évolution rapide vers le choc cardiogénique(3,4).   Étiologies - Épidémiologie   Étiologies Les myocardites aiguës peuvent être secondaires à une atteinte cardiaque infectieuse, toxique, allergique ou être associées à une maladie de système(1,2). Les étiologies infectieuses (bactérienne, virale, fungique ou parasitaire) sont les plus fréquentes. En Europe et aux USA, ce sont les étiologies virales qui prédominent très largement. Si les virus du groupe coxsackie et les adénovirus étaient le plus fréquemment en cause jusqu’à la fin des années 1990, les études les plus récentes de fragments biopsiques révèlent que ce sont le parvovirus B19 et le virus herpès du groupe 6 et à un moindre degré le virus de l’hépatite C, le virus d’Epstein-Barr virus, le cytomégalovirus, le virus HIV et les virus grippaux qui sont maintenant le plus fréquemment en cause(5-8).   Parmi les atteintes toxiques, le plus souvent dose-dépendantes, il faut citer l’alcool, les catécholamines, la cocaïne, les anthracyclines, certains antirétroviraux (ddI, ddC, AZT) et des venins de serpent ou scorpions(2).   Les myocardites immunoallergiques surviennent dans un contexte de fièvre avec hyperéosinophilie, signes cutanés et articulaires, sans relation avec la dose de médicament ingéré. Les substances le plus souvent en cause sont les bêtalactamines, les thiazidiques, les sulfonamides et les antidépresseurs tricycliques(2).   Certaines maladies de système peuvent s’accompagner de myocardite, par exemple les connectivites (périartérite noueuse, maladie de Wegener, dermatopolymyosite, lupus érythémateux disséminé) et tout particulièrement la sarcoïdose. On peut y associer les myocardites à cellules géantes, où une atteinte dysimmunitaire est parfois mise en évidence(2). Enfin, la myocardite du péripartum est une entité particulière, combinant des désordres immunitaires liés et la grossesse à une possible atteinte virale(2).   Épidémiologie Il est difficile d’estimer l’incidence réelle des myocardites. Les formes fulminantes sont exceptionnelles (5 à 10 cas par million d’habitant et par an) et leur incidence semble stable depuis plusieurs décennies(3). En revanche, les progrès des techniques d’investigation moléculaire ont permis d’incriminer certains virus dans la genèse de myocardiopathies dilatées d’apparence idiopathique ou de complications survenant dans les suites d’une transplantation cardiaque(9). Par ailleurs, les séries autopsiques évaluant les causes de décès de sujets jeunes jusque-là en bonne santé ont fréquemment mis en évidence des stigmates histologiques de myocardite. Ainsi, dans une très large série reprenant sur 25 ans tous les cas de mort subite pour une cohorte de plus de 6 millions de jeunes militaires américains âgés de 18 à 35 ans, plus de 10 % des 126 individus décédés présentaient une myocardite histologique(10).   Données physiopathologiques récentes   Les techniques de biologie moléculaire ont permis dans les dernières années de mieux comprendre la physiopathologie des myocardites, en particulier des myocardites d’origine virale. Trois phases successives de la maladie peuvent être définies, avec des périodes de transition plus ou moins longues les séparant. La reconnaissance de la phase de la maladie en cours va avoir un impact déterminant sur la compréhension de son mécanisme physiopathologique, sur les techniques diagnostiques à mettre en œuvre et sur le traitement à administrer au malade(11).   Phase de l’invasion virale (durée : quelques jours) Lors de l’infection virale, les premiers effecteurs de la réponse de l’hôte sont les acteurs de la réponse immunitaire innée. Les récepteurs Toll et les récepteurs PARP (pattern-recognition receptors) reconnaissent certaines protéines virales et activent ensuite des signaux intracellulaires responsables de la synthèse rapide de cytokines de type Th1 et Th2, d’interférons et de grandes quantités de monoxyde d’azote(12). Les cytokines pro-inflammatoires vont ensuite, d’une part, attirer de nombreuses cellules immunitaires vers le site de l’agression virale et, d’autre part, être directement responsables de lésions cardiomyocytaires (hypocontractilité, apoptose)(13). Ces effecteurs de la réponse immune innée ont été récemment mis en évidence au niveau du myocyte cardiaque(12).   Par ailleurs, le tropisme cardiaque des coxsackievirus et des adénovirus est maintenant bien expliqué par la présence d’un récepteur commun (« Coxsackie-Adenoviral Receptor », ou CAR) présent à la surface des myocytes cardiaques. Ce récepteur, appartenant à la superfamille des immunoglobulines, permet l’internalisation du virus à l’intérieur de la cellule, ce qui représente l’étape critique de l’invasion virale(11).   Phase « auto-immunitaire » (durée : quelques semaines à plusieurs années) L’activation du système immunitaire initiée lors de la phase 1 se poursuit par la mise en jeu du système de l’immunité cellulaire spécifique T et B. Les particules virales sont recyclées par l’appareil de Golgi, puis présentées à la surface de la cellule infectée dans le contexte de restriction par les antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité. Les cellules T spécifiques reconnaissant l’antigène viral dans ce contexte vont tenter de détruire la cellule infectée par la production de cytokines ou de perforines(11). L’amplification de ce phénomène peut conduire à une destruction massive de cardiomyocytes. L’importante activation de la sécrétion des cytokines pro-inflammatoires (IL1, IL6, TNF-alpha) est également responsable d’un effet délétère propre sur la fonction contractile myocytaire(13). Par ailleurs, l’expansion de clones B et la production d’anticorps dirigés contre certains antigènes cardiaques (myosine, laminine, récepteur bêta) présentant des similitudes avec les antigènes viraux sont responsables d’une atteinte auto-immunitaire, majorant et pérennisant les destructions d’unités contractiles(14). Enfin, il faut signaler que certains virus tels les entérovirus peuvent entraîner des lésions des cellules myocardiques indépendantes de toute réaction immune, la protéase 2A entérovirale clivant en particulier la dystrophine, une protéine d’ancrage du cytosquelette.   Phase tardive : évolution vers la cardiomyopathie dilatée   Chez la plupart des malades, le virus responsable de la myocardite disparait en quelques jours ou quelques semaines et les séquelles restent minimes à modérées. Cependant, d’autres patients peuvent souffrir d’une persistance virale(15) pérennisant les lésions inflammatoires directes et auto-immunitaires, pouvant conduire à la constitution d’une cardiopathie dilatée associée à une fibrose diffuse.   Diagnostic clinique et biologique   Manifestations cliniques Les signes cliniques de myocardite aiguë sont multiples et peu spécifiques. Il faut évoquer de principe le diagnostic devant la découverte récente de signes d’insuffisance cardiaque ou de troubles du rythme supraventriculaire ou ventriculaire, en l’absence de pathologie coronarienne ou valvulaire. Un épisode pseudo grippal survenu dans les jours précédant le diagnostic est fréquemment retrouvé en cas de myocardite fulminante. Lors du diagnostic, le patient peut présenter des douleurs thoraciques, pouvant être évocatrices de syndrome coronarien aigu, des arthralgies, de la fièvre ou une sensation de malaise général. Les signes d’insuffisance cardiaque peuvent être discrets ou au contraire au premier plan, la maladie évoluant bruyamment en quelques heures vers un état de choc cardiogénique réfractaire en cas de myocardite fulminante. Parfois, le patient consulte pour des douleurs abdominales avec des perturbations importantes du bilan hépatique (en fait dues au foie de choc) et évoquant une hépatite fulminante.   L’électrocardiogramme peut montrer des troubles du rythme à tous les étages, des troubles de conduction intraventriculaire ou auriculo-ventriculaire. Parfois, il existe des troubles systématisés de la repolarisation, compatibles avec le diagnostic d’infarctus du myocarde et conduisant à discuter à tort une revascularisation en urgence(16-19). Bilan biologique usuel Le taux sérique des enzymes cardiaques, en particulier la troponine Ic, est fréquemment augmenté, et ce proportionnellement à la sévérité de la maladie(20,21). On observe parfois une hyperleucocytose (ou une leucopénie), une hyperéosinophilie (évocatrice de myocardite immunoallergique), une élévation des taux sériques de CRP et de la VS. Dans un contexte clinique évocateur, il faut pratiquer un bilan biologique des maladies inflammatoires ou systémiques pouvant se compliquer de myocardite (collagénoses, sarcoïdose). Enfin, en cas de choc cardiogénique, il peut exister des stigmates biologiques de défaillance multiviscérale (cytolyse majeure, hyperlactatémie, insuffisance rénale aiguë, chute du TP et des facteurs de la coagulation).   Bilan biologique spécifique Le bilan biologique étiologique des myocardites, surtout dans leur forme fulminante, vise à détecter la présence de virus dans le sang, les liquides biologiques (LCR, secrétions rhinopharyngées, selles) et surtout dans le myocarde (si des biopsies ont été réalisées). Les techniques utilisées sont la mise en culture ou la PCR pour les produits biologiques, la PCR ou l’immunohistochimie pour les biopsies myocardiques. Ainsi, on a pu démontrer par technique PCR la présence de génome viral (Parvovirus B19, HHV6, entérovirus, adénovirus, virus des hépatites, etc.) dans près de 40 % chez des malades atteints de myocardite(5,15). La détection de ce génome viral intramyocytaire pourrait devenir déterminante pour adapter la thérapeutique à proposer au malade en fonction du type et de la phase de la maladie(22,23). En revanche, le rendement diagnostique des sérologies virales est beaucoup plus faible (la sérologie VIH est cependant systématique).   Les myocardites aiguës s’accompagnent souvent d’une élévation sanguine de marqueurs de la réaction inflammatoire (interleukines, interférons). Ainsi, le TNF-alpha et l’IL-10 sériques sont très élevés dans les myocardites fulminantes(24,25), l’élévation initiale des taux d’IL-10 ayant une très bonne valeur prédictive de la sévérité de la maladie(24). Les taux sériques de la protéine soluble FAS et du ligand FAS, impliqués dans les phénomènes apoptotiques, sont également étroitement associés au pronostic de la maladie(25).   Enfin, des auto-anticorps dirigés contre certains antigènes cardiaques (myosine, laminine, récepteur bêta) ont été mis en évidence pour plus de 75 % des cas dans une série de 54 malades atteints de myocardite(14). Le rôle physiopathologique et la valeur pronostique de l’apparition de tels auto-anticorps sont à ce jour imparfaitement explorés(6).   Classification histologique et clinico-pathologique   Les sociétés européennes et américaines de cardiologie ont récemment publié des recommandations indiquant la réalisation d’une biopsie myocardique en cas d’insuffisance cardiaque aiguë évoluant depuis plus de 2 semaines, en présence de troubles récents du rythme ou de la conduction et/ou de suspicion de maladie spécifique (collagénose, immunoallergie, sarcoïdose)(26). La classification histologique de Dallas(27) permet alors une estimation de la sévérité de la myocardite en fonction de l’existence d’œdème, d’un infiltrat (> 14 cellules/mm2) de cellules inflammatoires (lymphocytes le plus souvent, parfois macrophages, éosinophiles, cellules géantes) et de plages de nécrose myocytaire. La présence de ces 3 éléments définit la myocardite active, alors que s’il n’existe qu’un infiltrat inflammatoire, on parle de myocardite « borderline »(2). La réalisation d’une biopsie myocardique s’avère particulièrement utile dans le bilan de cardiomyopathie inexpliquée par les examens cardiologiques usuels. Ainsi, l’examen a pu établir un diagnostic de certitude dans 75 % des cas dans une série de 845 patients(28). Cependant, la sensibilité et la spécificité de l’examen sont limitées par le caractère souvent focal et sous-endocardique des lésions histologiques spécifiques(29). De plus, l’importance de l’atteinte histologique n’était pas liée au pronostic dans l’une des plus importantes séries publiées à ce jour(3).   Une classification clinique, décrivant 4 tableaux de sévérité initiale décroissante a également été proposée : forme fulminante (évoluant très rapidement vers le choc cardiogénique chez un sujet jusque là indemne de toute pathologie), forme aiguë, forme chronique active et forme chronique persistante(4). Cette classification a également un intérêt pronostique(3).   Imagerie dans les myocardites aiguës   Échocardiographie L’étude la plus complète des signes échographiques de myocardite aiguë a été réalisée par Felker(30). L’originalité de ce travail mené sur 54 patients présentant une myocardite aiguë est d’avoir corrélé les données cliniques et histologiques aux données échographiques. Des différences importantes ont été observées entre les patients présentant une forme fulminante et ceux présentant une forme aiguë de la maladie. Ainsi, dans les formes fulminantes, il existe souvent au moment du diagnostic une hypertrophie des parois ventriculaires, alors que le ventricule conserve des dimensions normales. Au contraire, les formes aiguës ne montrent pas d’hypertrophie pariétale et les ventricules sont souvent dilatés de manière significative. Dans les 2 cas, il existe une altération marquée de la fonction systolique et diastolique du ventricule gauche, les formes fulminantes pouvant évoluer rapidement vers l’asystolie.   Des études plus anciennes(31) avaient également mis en évidence des cas d’hypertrophie ventriculaire transitoire, de modification de la texture de l’image échographique analysée de manière numérique(32,33). Les atteintes de la fonction ventriculaire peuvent être globales, concerner un segment systématisé ou toucher plusieurs segments ne correspondant pas à des territoires vasculaires systématisés. Enfin, un épanchement péricardique peut être mis en évidence (myo-péricardite), et parfois justifier un drainage percutané ou chirurgical s’il existe des signes de tamponnade.   Imagerie par résonance magnétique L’IRM est probablement la technique la plus sensible pour le diagnostic de myocardite lorsque le contexte clinique est évocateur(34). Elle a permis de confirmer l’atteinte focale de la maladie, le plus souvent localisée à la paroi libre du ventricule gauche(29,35,36), l’atteinte associée de certains muscles squelettiques(36). Enfin, la réalisation de l’IRM avant la biopsie permet de diriger celle-ci vers les zones pathologiques et donc d’en améliorer considérablement le rendement diagnostique histologique et virologique(29,34) (figure).   Figure. Œdème intramyocardique visible en séquence T2 (flèches). Évolution - Pronostic   L’équipe de Baughman(3) a étudié l’évolution à long terme des patients ayant présenté une myocardite aiguë en comparant les formes fulminantes et les formes aiguës. Sur une cohorte de 147 patients évalués, 132 avaient présenté une myocardite aiguë et 15 une myocardite fulminante. Le pronostic à long terme de la maladie était dans cette cohorte inversement proportionnel à la sévérité initiale de la maladie, les formes fulminantes présentant une survie indemne de transplantation cardiaque > 90 % à 10 ans contre < 45 % pour le groupe des myocardites aiguës. Dans l’étude échographique menée par la même équipe, la récupération de la fonction systolique était très significativement supérieure dans le groupe des formes fulminantes(30). Cependant, le pronostic des formes les plus sévères ayant bénéficié de la mise en place d’une assistance circulatoire semble un peu moins favorable, même si la récupération ad integrum de la fonction systolique est possible(21,37,38). Dans une série récente de 41 malades ayant reçu une assistance circulatoire par ECMO ou système pneumatique bi-ventriculaire Thoratec pour choc cardiogénique réfractaire lié à une myocardite fulminante, la survie en réanimation était de 68 % et 10 % des patients avaient bénéficié d’une transplantation cardiaque en raison de l’absence de récupération de la fonction ventriculaire(21). Dans cette étude, un score de SAPS2 > 56 et un taux de troponine Ic sérique ≥ 12 μg/l à l’admission en réanimation étaient des facteurs indépendants de décès précoce(21). Le suivi à long terme montrait que 43 % des survivants avaient récupéré une fonction systolique ventriculaire gauche normale et que la qualité de vie des survivants était bonne, proche de celle d’une population témoin(21).   Enfin, des troubles de la fonction diastolique ont récemment été décrits chez des malades indemnes de dysfonction systolique, dans les années suivant un épisode de myocardite(39).   Prise en charge thérapeutique   Thérapeutiques non spécifiques La prise en charge thérapeutique initiale des patients souffrant de myocardite aiguë et présentant des signes d’insuffisance cardiaque décompensée, voire de choc cardiogénique est tout d’abord symptomatique, associant restriction hydro-sodée, traitement déplétif par diurétiques de l’anse et catécholamines. Il faut éviter les médicaments inotropes négatifs (bêtabloquants, calcium-bloqueurs) pouvant très significativement aggraver l’état hémodynamique.   Lorsque des signes de choc cardiogénique réfractaire apparaissent, il faut rapidement prendre contact avec un centre médico-chirurgical ayant la capacité de mettre en place une assistance circulatoire. L’ECMO est aujourd’hui l’assistance circulatoire de première ligne dans cette indication ; par rapport aux machines d’assistance biventriculaire pulsatile, cette technique est plus simple à mettre en œuvre, moins coûteuse et associée à une moindre fréquence de défaillances d’organes dans les suites de l’implantation(40,41). Si l’état du malade est jugé trop précaire pour qu’il soit déplacé sans assistance, il est préférable de recourir rapidement à une unité mobile d’assistance circulatoire pour mettre en place le système dans le service où est pris en charge le malade, puis de le transporter ensuite sous assistance vers le centre expert. Dans l’expérience récente de l’équipe médico-chirurgicale de la Pitié-Salpêtrière à Paris, 80 % des 41 patients ayant été hospitalisés pour prise en charge d’une myocardite fulminante ont bénéficié d’une ECMO mise en place par l’unité mobile d’assistance circulatoire et la durée d’assistance a été en moyenne de 16 jours(21).   Enfin, il est probablement souhaitable de traiter les patients ayant guéri par inhibiteurs de l’enzyme de conversion, antagonistes des récepteurs à l’angiotensine et/ou bêtabloquants pour quelques mois (ou plus si des signes d’insuffisance cardiaque persistent à distance)(42,43). L’activité physique doit être réintroduite progressivement et les sports comportant des efforts intenses proscrits pendant quelques mois. Une surveillance cardiologique et échocardiographique semble également souhaitable dans les mois et les années suivant la maladie.   Thérapeutiques spécifiques Immunosuppression Les différents essais de traitement immunosuppresseur dans les myocardites aiguës ont été des échecs. Ainsi, la « Myocarditis Treatment Trial », n’a pas montré de bénéfice d’un traitement associant corticoïdes et azathioprine ou ciclosporine par rapport à un traitement classique(44). Des arguments expérimentaux forts militent de plus contre l’utilisation de corticoïdes en cas de myocardite d’étiologie virale, en particulier lors de la phase précoce de la maladie(1,45,46). Les anti-inflammatoires non stéroïdiens semblent également délétères pour la prise en charge des myocardites virales(47). Par contre, le traitement immunosuppresseur, souvent à base de fortes doses de corticoïdes, est justifié lorsque la myocardite s’inscrit dans le cadre d’une maladie de système. Immunoglobulines Les espoirs de traitement par immunoglobulines intraveineuses ont été déçus après la publication d’un essai randomisé contre placebo chez des patients souffrant d’insuffisance cardiaque de découverte récente(48). Il faut cependant signaler que seulement 16 % des malades inclus dans cet essai présentaient lors de la randomisation des signes histologiques de myocardite. Autres thérapeutiques en évaluation Les stratégies thérapeutiques en cours d’évaluation visent à guider le traitement en fonction de la phase de la maladie, en privilégiant les agents immunostimulants (interleukines, interférons) et les antiviraux (ribavirine ou oseltamivir par exemple) lors de la première phase de la maladie (ou lorsque le génome viral est mis en évidence dans les cellules myocardiques) et les immunosuppresseurs lors de la deuxième phase (en particulier lorsque aucune particule virale n’est détectable et/ou que les phénomènes autoimmunitaires prédominent). Ainsi, un traitement par interféron bêta a permis d’améliorer la fonction systolique et d’éliminer toute trace de génome viral intramyocardique après 6 mois de traitement pour 22 malades(22). Parallèlement, un traitement immunosuppresseur associant corticoïdes et azathioprine s’est montré efficace seulement pour les myocardites associées à la présence d’autoanticorps et pour lesquelles aucun génome viral n’avait pu être mis en évidence dans les cellules myocardiques(23). Enfin, la bromocriptine semble améliorer le pronostic des myocardites du post-partum(49).   En pratique   Les dernières décennies ont permis de mieux caractériser les formes cliniques, histologiques et l’évolution des myocardites aiguës et des avancées thérapeutiques majeures ont été possibles, en particulier grâce aux techniques avancées de réanimation cardio-respiratoire et de support hémodynamique (pharmacologique et par assistance circulatoire mécanique). Lorsqu’une forme fulminante de la maladie est suspectée, il faut rapidement prendre contact avec un centre médico-chirurgical ayant la capacité de mettre en place une ECMO, le plus souvent en ayant recours à une unité mobile d’assistance circulatoire, compte tenu des risques d’aggravation extrêmement rapide de la maladie et du pronostic péjoratif si des défaillances viscérales ou un arrêt cardiaque surviennent avant la mise en place du dispositif(40). Enfin, les années qui viennent permettront peut-être d’établir de nouvelles stratégies thérapeutiques spécifiques agissant sur le système immunitaire en fonction de la phase de la maladie.

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