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HTA

Publié le 20 nov 2012Lecture 15 min

L’inertie thérapeutique - À propos de l’HTA

A. YANNOUTSOS, J. BLACHER, Hôpital Hôtel-Dieu, Paris.

Le concept de démarche qualité est une préoccupation centrale dans la pratique médicale. L’amélioration de la prise en charge thérapeutique en prévention primaire et secondaire de la maladie athéroscléreuse, principale cause de morbidité et de mortalité cardiovasculaire dans le monde, s’est imposée de manière naturelle comme un enjeu majeur en santé publique. L’hypertension artérielle (HTA), facteur de risque majeur de développement et de progression de la maladie athéroscléreuse, représente une importante cible thérapeutique. Bien souvent nous ne suivons pas suffisamment les recommandations pour de bonnes ou de mauvaises raisons, c’est l’inertie thérapeutique.

L’augmentation du pourcentage de patients hypertendus traités suite à la révision à la baisse des seuils tensionnels et au dépistage non invasif de l’atteinte artérielle infraclinique rehaussant le risque cardiovasculaire global, a permis une diminution substantielle de la mortalité cardiovasculaire ces dernières années. Malgré cette volonté d’optimiser la prise en charge du patient hypertendu, le contrôle de la pression artérielle (PA) reste bien en-deçà des attentes aussi bien au niveau mondial qu’en France. Il existe à l’évidence des facteurs liés à la maladie ou encore au patient qui expliquent ce mauvais contrôle ; en effet, on sait qu’une part des hypertensions artérielles est effectivement résistante aux différents traitements pharmacologiques, on sait aussi que les patients ne suivent pas toujours scrupuleusement les prescriptions réalisées par les médecins.   Néanmoins, une part de ce contrôle médiocre est à imputer aux médecins eux-mêmes. Lorsque notre patient hypertendu vu en consultation ne présente pas des chiffres tensionnels à la cible, toutes les recommandations pour la pratique proposent d’intensifier la thérapeutique (augmenter la posologie, rajouter une molécule, changer de drogue ou d’association), mais souvent, nous ne suivons pas ces recommandations, pour de bonnes ou de mauvaises raisons. L’impact important de cette inertie thérapeutique sur l’insuffisance du contrôle tensionnel est mis en avant afin de sensibiliser le médecin aux mauvaises habitudes de prescription. Néanmoins, une attitude trop interventionniste doit être tempérée par les facteurs patients-dépendants encourageant vers une pratique centrée-patient ainsi que par la description d’une courbe en J en termes de risque cardiovasculaire mettant en garde contre le concept «the lower, the better».   Enfin, ces dernières années, les notions d’équilibre de la pression artérielle ambulatoire, centrale et de variabilité de la PA viennent affiner la prise en charge du patient hypertendu, bien au-delà du contrôle des chiffres tensionnels de consultation ; tous ces nouveaux concepts minimisent celui de l’inertie thérapeutique.   Optimisation de la prise en charge du patient hypertendu : un enjeu majeur de santé publique   Premier motif de consultation dans les pays occidentaux, l’HTA présente une prévalence en constante augmentation, phénomène expliqué par le vieillissement de la population et l’épidémie d’obésité. Alors que l’on estimait à 25 % la population mondiale touchée par l’HTA en 2000, les prévisions font état de 1,5 milliards d’adultes hypertendus, soit 30 % de la population mondiale en 2025(1). L’HTA est un facteur de risque majeur de maladie coronaire et d’accident vasculaire cérébral(2) avec une relation linéaire à partir de 115/75 mmHg, d’insuffisance cardiaque(3), d’insuffisance rénale terminale(4) et de démence(5). Le bénéfice du traitement antihypertenseur a clairement été démontré en termes de morbi-mortalité cardiovasculaire(2), cérébrovasculaire(6) et de néphroprotection(7). L’intensité de l’association entre HTA et mortalité cardiovasculaire apparaît de moins grande envergure chez les hypertendus âgés. Cependant, l’efficacité du traitement antihypertenseur est également mise en évidence dans cette population par plusieurs études, dont l’étude HYVET(8) qui démontre un bénéfice en termes de réduction de mortalité globale, de mortalité par AVC, d’incidence d’évènements cardiovasculaires et une tendance pour la prévention des troubles cognitifs.   Hypertension artérielle et risque cardiovasculaire majoré   L’HTA est fréquemment associée à d’autres facteurs de risque cardiovasculaire, notamment dans le cadre du syndrome métabolique, constat expliqué par les changements d’habitudes alimentaires, l’augmentation de la consommation en sel et l’incidence accrue d’obésité, facteur prédictif indépendant de risque cardiovasculaire(9). Parallèlement à la difficulté du contrôle tensionnel, l’effet multiplicateur de cette association sur le risque global rend compte d’une morbi-mortalité cardiovasculaire accrue(10). La fréquence de l’association entre HTA et diabète de type 2 (plus de la moitié des patients diabétiques sont hypertendus et près de 20 % des hypertendus sont diabétiques) mérite une attention particulière pour les mêmes raisons.   De plus, l’existence d’un risque résiduel sous traitement antihypertenseur, après ajustement aux autres facteurs de risque et pour un même niveau tensionnel, est associée à un niveau plus élevé d’événements coronariens, cérébrovasculaires et de la mortalité cardiovasculaire(11) (figure 1).   Figure 1. Relation entre la pression artérielle systolique et le risque cardiovasculaire à 10 ans en termes de mortalité, d'événement fatal ou non, d'accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie en fonction de la présence ou non d’un traitement antihypertenseur.   Insuffisance du contrôle tensionnel Les résultats de l’Enquête Nationale Nutrition Santé menée en France entre 2006 et 2007 mettent l’accent sur la forte prévalence de l’hypertension artérielle chez les adultes de 18 à 74 ans représentant près d’un tiers de cette population et augmentant avec l’âge, ainsi que sur la proportion insuffisante de patients traités dont la PA est contrôlée : - seule la moitié des patients hypertendus sont au courant du diagnostic et près d’un tiers de ces patients ne sont pas traités.   Chez les hypertendus traités, le contrôle tensionnel n’est effectif que dans moins de la moitié des cas en France, en tête certes des autres pays européens mais loin derrière les Etats-Unis où le contrôle tensionnel atteint 63 %(12) (figure 2). Il en est de même des patients hypertendus diabétiques pour lesquels une intensification du contrôle tensionnel est insuffisamment réalisée(13).   Figure 2. Différences en termes de contrôle tensionnel (défini par une pression artérielle systolique < 140 mmHg et diastolique < 90 mmHg) et d'adaptation thérapeutique en cas d'HTA non contrôlée en Europe et aux États-Unis.    Ces différents constats doivent encourager le praticien à lutter activement contre les mauvaises habitudes de prescription en adoptant une attitude thérapeutique plus conforme aux recommandations dans le cadre d’une prise en charge globale du risque cardiovasculaire de chaque patient.   HTA et inertie thérapeutique   Définition L’inertie médicale représente un défaut de qualité des soins prodigués au patient que ce soit un défaut de diagnostic ou d’adaptation thérapeutique lorsqu’elle celle-ci est requise.   Dans le domaine de l’HTA, une des composantes de l’inertie médicale, l’inertie thérapeutique est définie comme « l’échec » du médecin d’initier ou d’intensifier le traitement antihypertenseur, avec des médicaments ayant fait leurs preuves, lorsque cela est indiqué, sous-entendant la responsabilité médicale pour l’insuffisance de contrôle tensionnel(14,15). Problème fréquent des professionnels (généralistes ou spécialistes) et des systèmes de santé dans la prise en charge de pathologies chroniques asymptomatiques telles que l’HTA ou le diabète, cette attitude peut parfois être favorisée par la surcharge de travail et les incertitudes scientifiques. Sa correction est complexe.   Données récentes L’analyse des paramètres d’inertie thérapeutique dans le domaine de l’HTA en Europe et aux États-Unis rend pourtant bruyamment compte de la nécessité de changer nos habitudes de prescription : en France, seules 15 % des consultations au cours desquelles une modification du traitement était indiquée ont abouti à une adaptation thérapeutique (comparativement à 38 % aux États-Unis et 28 % en Angleterre)(12). Les auteurs suggèrent que les guides de bonne pratique clinique aux États-Unis sur la prise en charge de l’HTA recommandent une thérapie plus agressive que les recommandations européennes : en particulier, la prescription d’associations médicamenteuses, dont l’utilité en termes de contrôle tensionnel et de prévention cardiovasculaire maintenant bien démontrée(16), est plus fréquente aux États-Unis.   Les différentes caractéristiques des patients hypertendus non contrôlés ont été décrites par plusieurs auteurs(13,17,18) : l’âge élevé (≥ 75 ans) et le sexe masculin sont souvent retrouvés ainsi que l’HTA de grade I mais également et paradoxalement la présence de comorbidités telles qu’un diabète de type 2, une néphropathie, une maladie cardiovasculaire ou encore une insuffisance cardiaque chronique.   Constat plus inquiétant, le contrôle des différents facteurs de risque cardiovasculaire (notamment l’HTA, le diabète, le tabagisme et l’obésité) chez des patients coronariens dans 8 pays européens dont la France reste très insuffisant dans les 3 études observationnelles EUROASPIRE(19) soulignant notamment l’explosion de l’épidémie d’obésité et l’insuffisance d’éducation thérapeutique et de règles hygiénodiététiques prodiguées par les praticiens.   Contrôle tensionnel insuffisant : interactions de facteurs liés au médecin, au patient et au système de santé   Plusieurs facteurs autres que la connaissance de l’evidence-based medicine interagissent et complexifient la prise en charge du patient hypertendu. Une étude récente s’intéressant aux motifs de non-adaptation du traitement antihypertenseur en cas d’HTA non contrôlée fait état de 66 % d’inertie thérapeutique, principal motif d’échec d’adaptation thérapeutique, non-acceptation des recommandations (5 %), facteurs patients-dépendants (17 %), facteurs environnementaux (10 %) et limites des connaissances médicales (2 %)(20). Facteurs liés au médecin : La surestimation de la qualité de prise en charge médicale parallèlement à la sous-estimation du risque encouru par le patient, le défaut de formation continue, de pratique et d’éducation à la stratégie thérapeutique pour atteindre les objectifs tensionnels peuvent expliquer le défaut d’adaptation du traitement. Pour le diagnostic, l’initiation ou l’intensification d’un traitement antihypertenseur, la plupart des praticiens ont pour références des objectifs > 140/90 mmHg(21, 22). Facteurs liés au patient : Le manque d’observance de la part des patients atteints de pathologies chroniques et leur refus face à une intensification du traitement sont parfois constatés. Ceux-ci peuvent être expliqués par le déni ou l’appréhension de l’aggravation de la maladie, les effets secondaires des traitements majorés par la polymédication et les comorbidités, ou une pathologie surajoutée comme la dépression insuffisamment diagnostiquée et traitée. Tous ces facteurs ne doivent pas être mis en avant pour expliquer l’inertie médicale, exclusivement médecin-dépendante. Une meilleure information et éducation thérapeutique permettraient d’une part de sensibiliser le patient au risque cardiovasculaire et donc au bénéfice du traitement et à son adhérence, et d’autre part d’améliorer sa confiance envers le praticien. Facteurs liés au système de santé : Dans le domaine des pathologies chroniques, un intervalle de plus de 15 ans est nécessaire en moyenne pour appliquer les résultats de la recherche médicale à la pratique quotidienne. La simple diffusion des recommandations, se présentant sous forme textuelle d’un catalogue de situations cliniques théoriques, a peu d’impact sur le comportement des médecins. Des systèmes informatiques d’aide à la décision médicale ont été développés, intégrant des guides de bonnes pratiques cliniques et prenant en compte les données du dossier patient. Ces systèmes, basés exclusivement sur les données de l’evidence-based medicine, ne couvrent cependant pas totalement le champ d’une pathologie donnée. Parallèlement au problème de l’inertie thérapeutique, l’erreur médicale est à l’origine d’une morbi-mortalité iatrogène substantielle pouvant être prévenue dans plus de la moitié des cas. La publication aux États-Unis en 2000 d’un rapport de l’Academic Institute of Medicine intitulé « L‘erreur est humaine, bâtir un système de santé plus sûr » a dynamisé la recherche dans ce domaine pour permettre l’amélioration des soins. En ambulatoire et plus particulièrement en médecine générale, cette analyse est plus difficile de par la complexité du réseau et de l’absence de consensus méthodologique. Mais c’est dans ce contexte de médecine de premier recours, caractérisé par l’individualisation de la prise en charge en fonction des besoins et valeurs des patients, que les erreurs sont les plus probables.   Inertie thérapeutique ou pratique centrée-patient ?   D’autres facteurs peuvent parfois expliquer l’absence d’intensification du traitement sans être nécessairement critiquables : les demandes concurrentielles ou « competing demands » du patient et les pathologies lourdes majorant le risque d’effets indésirables des médicaments. Ces raisons justifient l’attention du praticien et l’encouragent vers une approche centrée patient, fondement même de la pratique médicale(23). Il n’est donc pas simple de reprocher l’absence d’adaptation thérapeutique lors d’une HTA non équilibrée en consultation à l’aide des seules recommandations de bonne pratique, sans prise en compte de l’historique médical et des demandes du patient.   De plus, les recommandations de l’ESH ont récemment été réévaluées à la lumière des grands essais publiés depuis 2007. L’accent est mis sur l’absence de preuves convaincantes en termes de morbimortalité d’un objectif tensionnel plus strict chez le patient à haut risque cardiovasculaire, diabétique, insuffisant rénal ou en prévention secondaire comme en témoignent les résultats de la récente étude ACCORD BP(25). Les cibles tensionnelles plus ambitieuses pourraient même être délétères. Le dogme « the lower the better » est actuellement remis en question, plusieurs études alertant sur l’existence d’un seuil tensionnel au-dessous duquel apparaîtrait un sur-risque coronaire. C’est l’hypothèse de la courbe en J, une des questions les plus débattues actuellement dans le domaine de l’HTA.   Une attitude prudente quant à des objectifs tensionnels trop stricts devrait être adoptée en particulier chez les sujets fragiles, âgés, avec comorbidités ou ayant une maladie cardiovasculaire évoluée.   Evolution du concept de contrôle tensionnel   Parallèlement au contrôle des autres facteurs de risque et à la diffusion des règles hygiénodiététiques, l’optimisation de la prise en charge thérapeutique du patient hypertendu ne doit pas être restreinte au seul contrôle du niveau tensionnel en consultation.   Pression mesurée en dehors du cabinet médical Le diagnostic de l’HTA était posé, jusqu’à une période récente, par la mesure de la PA effectuée au cabinet médical avec un sphygmomanomètre à mercure. Plusieurs études battent en brèche ce dogme, principalement : • Une étude ancillaire de l’étude SYST-EUR a montré que les patients présentant une HTA non soutenue (PAS > 160 mmHg au cabinet médical mais <140 mmHg à la mesure ambulatoire de la PA) ne présentaient pas de bénéfice au traitement actif à base de nitrendipine contre un traitement par placebo(26). • L’étude SHEAF a clairement montré que les chiffres de PA mesurés en automesure étaient plus étroitement associés à la survenue des événements cardiovasculaires que les chiffres mesurés au cabinet médical. Qui plus est, les patients normotendus en automesure mais hypertendus en cabinet médical (effet blouse blanche) avaient un niveau de risque équivalent à celui des normotendus concordants ; alors que les patients hypertendus en automesure, même s’ils étaient normotendus au cabinet médical (HTA masquée), avaient un niveau de risque équivalent aux hypertendus concordants. L’atteinte des organes cibles est ainsi mieux corrélée aux valeurs de la PA mesurée par automesure, qu’en milieu médical. En automesure, une augmentation de la pression artérielle systolique de 10 mmHg est corrélée à une augmentation du risque d’événement cardiovasculaire de 17,2 % et une élévation de la PAD de 5 mmHg augmente ce même risque de 11,7 %. En revanche, pour la même augmentation de la PA mesurée de manière conventionnelle, il n’y a pas d’augmentation significative du risque cardiovasculaire. Cette étude suggère donc la supériorité prédictive de l’automesure par rapport à la mesure conventionnelle en termes de pronostic cardiovasculaire(27).   En 2012, toutes les données de la littérature internationale concordent pour considérer qu’il existe une relation plus étroite entre les chiffres de PA mesurés par automesure ou mesure ambulatoire et la survenue des évènements cardiovasculaires morbides et mortels imputables à l’HTA, qu’entre les chiffres de PA mesurés par le médecin au cabinet médical et ces mêmes évènements. De plus, dans le cadre du diagnostic de l’HTA, l’automesure permet de dépister les HTA « blouse blanche » ne nécessitant pas l’introduction d’un traitement antihypertenseur (mais nécessitant probablement un suivi tensionnel régulier).   Dans le cadre du suivi des hypertendus, il a été clairement montré que la prise en considération de l’automesure évite des intensifications de traitement illégitimes et des non-modifications de traitement, elles aussi illégitimes, ces décisions thérapeutiques non adaptées concernant environ un quart des patients(28).   Finalement, dans ces cas d’effet blouse blanche, l’inertie thérapeutique serait la solution médicalement adaptée ; l’intensification du traitement ne serait associée à aucun bénéfice clinique.   Pression centrale et rigidité artérielle L’intérêt de l’évaluation du niveau de PA la plus fiable possible à l’origine de l’atteinte des organes cibles explique l’émergence de concepts tels que pression pulsée, pression centrale et vitesse de l’onde de pouls carotido-fémorale. La composante pulsatile de la PA, par opposition à la composante continue, est le plus important facteur de risque de morbi-mortalité cardiovasculaire chez le patient coronarien(29).   La pression centrale, par opposition à la pression périphérique brachiale prise en consultation, est plus représentative du niveau tensionnel imposé aux coronaires et aux artères à destinée cérébrale, constituant ainsi un meilleur marqueur de l’atteinte artérielle et facteur prédictif du risque d’événements cardiovasculaires(XXVI).   Plus récemment, l’étude Framingham Heart Study(31) a mis en évidence l’intérêt de mesurer la vitesse de propagation de l’onde de pouls (VOP) aortique de manière non invasive dans l’évaluation du risque cardiovasculaire. Traduisant la rigidité aortique, l’augmentation de la VOP au niveau central a été identifiée dans plusieurs études comme un marqueur prédictif indépendant de mortalité cardiovasculaire et toutes causes, d’événements coronariens et vasculaires cérébraux chez les hypertendus, les patients avec insuffisance rénale terminale, les patients âgés et dans la population générale.   La prise en considération de la pression pulsée centrale et de la VOP aortique devrait permettre d’optimiser la stratégie d’évaluation du risque du patient hypertendu pour une meilleure prévention cardiovasculaire.   Variabilité tensionnelle La multiplication des mesures tensionnelles en ambulatoire et en hospitalier traduit la volonté de la communauté médicale de s’affranchir autant que possible de la variabilité des chiffres tensionnels lors du suivi en consultation afin de mieux évaluer la PA moyenne et adapter la stratégie thérapeutique selon les recommandations correspondantes. Cependant, la notion de variabilité tensionnelle chez les patients hypertendus traités apparaît depuis peu comme un puissant prédicteur du risque cardiovasculaire(32). La variabilité de la PA en consultation et la pression artérielle systolique maximale sont de puissants prédicteurs du risque d’AVC, d’événement coronarien et d’insuffisance cardiaque, indépendamment de la pression artérielle systolique moyenne.   Choix des molécules Les différences d’efficacité des classes d’antihypertenseurs en termes de morbi-mortalité cardiovasculaire à même niveau tensionnel pourraient par conséquent être expliquées par leurs différences d’action sur la variabilité tensionnelle(33,34) ainsi que par leur action sur la pression centrale.   Les inhibiteurs calciques et les diurétiques thiazidiques présentent l’effet de classe le plus important sur la diminution de variabilité de la PA.   Le choix des médicaments antihypertenseurs repose également sur les effets pléiotropes spécifiques de certaines classes telles que inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (néphroprotection), inhibiteurs calciques (protection cérébrale). Les recommandations prônent une bithérapie, parfois une trithérapie, pour équilibrer le plus grand nombre de patients. Les associations médicamenteuses permettent parallèlement d’améliorer l’observance par la réduction du nombre de comprimés.   Actuellement, à la lumière des résultats de l’étude ACCOMPLISH(35), c’est l’association IEC/inhibiteur calcique qui fournit le niveau le plus élevé de prévention cardiovasculaire chez l’hypertendu à haut risque.   Le traitement antihypertenseur doit donc s’intégrer, d’une part, dans la maîtrise du risque cardiovasculaire global incluant la prise en charge des autres facteurs de risque et, d’autre part, dans une stratégie thérapeutique raisonnée et basée sur les résultats d’essais thérapeutiques randomisés contrôlés.   En pratique   La fréquence de l’inertie thérapeutique dans de nombreuses études observationnelles est mise en avant pour expliquer le contrôle insuffisant de la PA et, de manière paradoxale, chez les patients en prévention secondaire. La meilleure connaissance et le suivi des recommandations, encouragées par la diffusion de systèmes informatiques d’aide à la décision médicale et par l’obligation de formation médicale continue, représentent une étape essentielle dans le changement des habitudes de prescription. La valorisation de l’acte d’éducation thérapeutique est également importante, présentant, en plus de l’effet bénéfique sur l’observance du patient devenant acteur de la prise en charge de sa pathologie, une répercussion positive sur l’inertie médicale. En pratique, l’intensification thérapeutique n’est pas toujours évidente et les seuils trop stricts de PA notamment chez les patients en prévention secondaire ou chez les diabétiques sont revus à la baisse devant une augmentation paradoxale de la morbi-mortalité cardiovasculaire. Toutes ces raisons justifient l’attention du médecin et l’encouragent vers une approche centrée patient, fondement même de la pratique de l’evidence-based medicine où les avantages et risques de chaque option thérapeutique doivent être évalués au cas par cas. De plus, la prise en charge du patient hypertendu ne saurait être réduite au seul contrôle tensionnel en consultation, comme en témoigne l’émergence de concepts tels que pression ambulatoire, pression centrale et variabilité tensionnelle dans l’évaluation du risque cardiovasculaire.

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