Publié le 21 sep 2004Lecture 9 min
Cardiologie Pratique a 20 ans - 2 décennies d’essais cliniques
Accidents vasculaires cérébraux
Prévention d’un premier AVC
Les AVC représentent la troisième cause de mortalité dans le monde après les affections cardio-vasculaires et les cancers. Aux États-Unis, on dénombre chaque année plus de 700 000 AVC responsables de 150 000 décès. En France, on compte 125 000 nouveaux cas d’AVC par an. Leur incidence augmente exponentiellement avec l’âge : 1/1 000 avant 50 ans et 20/1 000 après 80 ans.
Contrôle des facteurs de risque
Le contrôle de l’HTA et de l’hypercholestérolémie assure la meilleure prévention des AVC.
En ce qui concerne le cholestérol, l’étude prospective HPS (Lancet 2002 ; 360 : 7-22), réalisée en préventions primaire et secondaire de la maladie coronaire, est la première à avoir démontré que la simvastatine diminue significativement le risque d’AVC chez les sujets à haut risque cardio-vasculaire. Dans cette étude, réalisée chez 20 636 patients des deux sexes à haut risque cardio-vasculaire et ayant un taux de cholestérol total > 1,35 g/l (3,5 mmol/l) avec un suivi de 5 ans, une dose unique de simvastatine 40 mg/j, vs placebo, a diminué de 27 % (2p < 0,00001) le risque relatif de survenue d’un AVC ischémique et ce, quels que soient le sexe, l’âge (avant 65 ans ou après 75 ans), le taux basal du cholestérol total (< 1,93 g/l, soit 5,0 mmol/l, ou ≥ 2,32 g/l, soit 6,0 mmol/l) et du LDL cholestérol (< 1,16 g/l, soit 3,0 mmol/l, ou ≥ 1,35 g/l, soit 3,5 mmol/l).
Traitement antithrombotique
Prévention des AVC ischémiques athérothrombotiques : aspirine
Chez les sujets sains, l’aspirine est sans effet sur le risque d’AVC ischémique, mais réduit significativement le risque d’infarctus du myocarde non mortel au prix d’une augmentation du risque hémorragique.
- C’est ce qu’avaient montré les études BMD (BMJ 1988 ; 296 : 313-6) et PHS (N Engl J Med 1989 ; 321 : 129-35).
- C’est ce qu’ont confirmé les métaanalyses de Hennekens (N Engl J Med 1988 ; 318 : 923-4), de la Task Force américaine (Ann Intern Med 2002 ; 136 : 161-72) et d’Eidelman (Arch Intern Med 2003 ; 163 : 2006-10).
Dans cette dernière étude, portant sur 5 essais regroupant 55 580 su-jets, avec un suivi moyen de 3,6 à 6 ans, l’aspirine 75 à 500 mg/j, vs placebo, a diminué significativement de 32 % le risque relatif de survenue d’un premier infarctus du myocarde et de 15 % celui d’un événement vasculaire, mais n’a pas eu d’effet significatif sur le risque de survenue d’un AVC non mortel ou d’un décès vasculaire.
En contraste, chez les sujets à risque, l’aspirine diminue significativement la fréquence des événements cardio-cérébro-vasculaires, mais toujours au prix d’une augmentation du risque hémorragique.
Dans la métaanalyse ATT (BMJ 2002 ; 327 : 71-86), portant sur 287 études regroupant 212 000 patients à haut risque en raison d’une affection cardio-vasculaire aiguë ou ancienne ou de la présence de facteurs y prédisposant, le traitement antiagrégant plaquettaire, essentiellement aspirine 75-150 mg/j, vs placebo, a réduit d’environ 25 % l’incidence de survenue d’un événement vasculaire grave associant infarctus du myocarde non mortel, AVC non mortel ou décès d’origine cardio-vasculaire ; par ailleurs, l’aspirine a réduit chacun de ces événements respectivement d’environ 33 , 25 et 17 %.
Prévention des AVC emboliques
Les sources d’embolies cérébrales d’origine cardio-aortique sont nombreuses (thrombus auriculaire ou ventriculaire gauche, valvulopathie mitrale, prothèse valvulaire, infarctus du myocarde récent, cardiomyopathie dilatée, endocardite infectieuse, foramen ovale perméable, anévrisme du septum interauriculaire, troubles du rythme cardiaque, athérome aortique), mais la fibrillation auriculaire, cause la plus fréquente, est la seule à avoir fait l’objet de grands essais cliniques.
- Anticoagulants oraux
Chez les patients en arythmie complète par fibrillation auriculaire, les anticoagulants diminuent significativement le risque thromboembolique, notamment cérébral.
- Cela est surtout vrai lorsque la fibrillation auriculaire complique l’évolution d’une cardiopathie rhumatismale. Cela reste vrai lorsque la fibrillation auriculaire n’est pas liée à une valvulopathie rhumatismale.
• Huit essais randomisés ont montré l’efficacité de la warfarine, vs placebo, en prévention primaire d’un AVC thromboembolique (études AFASAK 1, BAATAF, SPAF 1, CAFA, SPINAF, SPAF 2, SPAF 3 et AFASAK 2).
- Inhibiteurs directs de la thrombine
En présence d’une fibrillation auriculaire non liée à une valvulopathie, le ximélagatran, inhibiteur oral direct de la thrombine, est aussi efficace que la warfarine en prévention des AVC et des embolies systémiques.
- C’est ce qu’ont montré les études SPORTIF III (Lancet 2003 ; 362 : 1691-8) et SPORTIF V (American Heart Association, Orlando, 2003).
- L’analyse des résultats combinés de ces deux études a montré que la warfarine, vs ximélagatran, a tendance à augmenter le risque d’hémorragies majeures (2,5 vs 1,9 % ; p = 0,054) et que le ximélagatran augmente significativement le taux des enzymes hépatiques > 3 fois la limite supérieure (6,0 vs 0,8 % ; p < 0,001) et ce, précocement (6 premiers mois de traitement), mais toujours transitoirement (résolution spontanée de l’anomalie, que le traitement soit interrompu ou poursuivi).
- Aspirine
En présence d’une fibrillation auriculaire non liée à une valvulopathie rhumatismale, l’aspirine est moins efficace que les anticoagulants en prévention d’un premier AVC.
- Dans l’étude AFASAK 1 (Lancet 1989 ; 1 : 175-9), l’aspirine 75 mg/j s’est comportée comme le placebo et n’a pas modifié de façon significative le nombre des accidents thromboemboliques (essentiellement AVC) et des décès d’origine vasculaire.
- Dans l’étude SPAF 1 (Circulation 1991 ; 84 : 527-39), l’aspirine 325 mg/j, vs placebo, n’a diminué que de 44 % (p < 0,01) le taux des AVC, des AIT et des embolies systémiques, alors que la warfarine le diminuait de 67 % (p = 0,01).
- Dans l’étude SPAF 2 (Lancet 1994 ; 343 : 687-91), il en a été de même et la warfarine, vs aspirine 325 mg/j, a réduit d’environ 40 % le risque de survenue d’un AVC.
Prévention de la récidive d’un AVC
- Une fois l’AVC survenu, le risque de décès est plus élevé chez la femme (1 sur 6) que chez l’homme (1 sur 11) et environ un tiers des patients décèdent dans l’année suivante. En raison de l’importance des séquelles physiques ou psychiques, 25 à 50 % des survivants restent plus ou moins dépendants d’une tierce personne pour leurs activités quotidiennes. Le risque de récidive est d’environ 30 % à 5 ans et, à plus long terme, le risque de mortalité (surtout d’origine cardiaque) est deux fois plus élevé que celui de la population générale de même âge.
- La prévention de la récidive d’un AVC repose sur la correction des facteurs de risque cardio-vasculaire, l’institution d’un traitement antithrombotique et la cure d’une éventuelle sténose carotide serrée, en cas d’AIT ou d’AVC mineur.
Contrôle des facteurs de risque
Après un AVC, le contrôle de la pression artérielle réduit significativement le risque de récidive.
- C’est ce qu’avaient suggéré les données provenant de la métaanalyse INDANA (Stroke 1997 ; 28 : 2557-62), réalisée par Gueyffier, et de l’étude PATS (Chin Med J 1995 ; 108 : 710-7 et J Am Coll Cardiol 1998 ; 31 suppl A : 211A), dont les patients n’étaient d’ailleurs pas tous hypertendus.
- C’est ce qu’a confirmé l’étude PROGRESS (Lancet 2001 ; 358 : 1033-41), réalisée en double aveugle chez 6 105 patients hypertendus (48 %) ou non hypertendus (52 %) qui avaient fait, dans les 5 ans précédents, un AIT ou un AVC sans séquelle invalidante majeure ; dans cette étude, avec un suivi de 4 ans, un traitement actif comprenant, en sus du traitement conventionnel, perindopril 4 mg/j, éventuellement associé à indapamide 2-2,5 mg/j, vs placebo, a réduit significativement de 28 % (p < 0,0001) le risque de survenue d’un nouvel AVC (critère principal), de 26 % (p < 0,001) l’incidence des événements cardio-vasculaires majeurs (décès d’origine vasculaire, infarctus du myocarde et AVC non mortel) et de respectivement 34 et 45 % les démences et les troubles cognitifs secondaires à un nouvel AVC (critère secondaire).
Pour ce qui est de l’hypercholestérolémie, aucun essai publié à ce jour n’avait pour but principal d’étudier l’action des statines en prévention de la récidive d’un AVC.
On est donc dans l’attente des résultats de l’étude SPARCL (Stroke 2002 ; 33 : 646-55) qui a pour but de déterminer si l’atorvastatine 80 mg/j, administrée vs placebo, réduit les récidives de l’AVC (critère principal : délai de survenue du premier AVC mortel ou non mortel).
Prévention de la récidive d’un AVC athérothrombotique
Traitement antithrombotique
Après un premier AVC ou AIT, l’aspirine réduit le risque de récidive et celui d’infarctus du myocarde et décès d’origine vasculaire.
- C’est ce qu’ont montré l’étude canadienne CCS (N Engl J Med 1978 ; 299 : 53-9) et l’étude SALT (Lancet 1991 ; 338 : 1345-9), réalisées chez respectivement 585 patients et 1 360 patients qui avaient déjà fait un AIT cérébral ou oculaire.
- Dans la métaanalyse ATT (BMJ 2002 ; 384 : 71-86), portant sur 195 études regroupant 136 640 pa-tients à haut risque de présenter une occlusion vasculaire, le traitement antiagrégant plaquettaire (aspirine essentiellement, à la posologie de 75-325 mg/j) a réduit de 25 % (p < 0,0001) le risque relatif de survenue d’un AVC non mortel, de 30 % (p < 0,0001) celui d’un AVC ischémique mortel ou non mortel et a augmenté de 22 % (p < 0,01) celui d’une hémorragie cérébrale mortelle ou non mortelle. L’effet bénéfique de l’aspirine a cependant largement contrebalancé l’augmentation du risque de saignement extracrânien majeur, estimé à environ 1 à 2 cas supplémentaires/an pour 1 000 patients traités.
En pratique, l’aspirine est préconisée à de faibles posologies (50-325 mg/j), qui sont aussi efficaces et mieux tolérées sur le plan gastrique.
C’est ce qu’ont montré les études UK-TIA (J Neurol Neurosurg Psychiatry 1991 ; 54 : 1044-54), Dutch-TIA (N Engl J Med 1991 ; 325 : 1261-6) et ESPS 2 (J Neurol Sci 1996 ; 143 : 1-13).
Le dipyridamole, prescrit isolément ou en association avec l’aspirine, vs placebo, s’est montré efficace en prévention secondaire des AVC ischémiques athérothrombotiques dans la seule étude ESPS 2 (J Neurol Sci 1996 ; 143 : 1-13).
- Dans cette étude, réalisée chez 6 602 patients âgés en moyenne de 67 ans qui avaient présenté dans les 3 mois précédents un AIT ou un AVC ischémique confirmé, avec un suivi de 2 ans, le dipyridamole 400 mg/j, évalué vs placebo, a diminué de 16,3 % (p = 0,039) le risque d’AVC, de 15,4 % (p = 0,015) le risque combiné de survenue d’un AVC ou d’un décès et de 18,3 % (p < 0,01) le risque de survenue d’un AIT.
- Dans cette même étude, l’association aspirine 25 mg-dipyridamole 200 mg x 2/j, évaluée vs placebo, a diminué de 37,0 % (p < 0,001) le risque relatif de survenue d’un AVC, de 24,4 % (p < 0,001) le risque combiné de survenue d’un AVC ou d’un décès et de 35,9 % (p < 0,001) celui d’un AIT.
La ticlopidine et le clopidogrel ont démontré leur efficacité en prévention de la récidive d’un AVC.
- Dans l’étude TASS (N Engl J Med 1989 ; 321 : 501-7) et dans l’étude CATS (Lancet 1989 ; 1 : 1215-20) réalisée chez plusieurs milliers de patients ayant présenté un AVC athérothrombotique, la ticlopidine 500 mg/j, administrée vs placebo (étude CATS) ou vs aspirine (étude TASS), a diminué de 21 à 23 % (p = 0,02) le risque de survenue d’un AVC mortel ou non mortel.
- Dans l’étude CAPRIE (Lancet 1996 ; 348 : 1329-39), réalisée chez 19 185 patients qui avaient un antécédent d’AVC, d’infarctus du myocarde ou une artériopathie des membres inférieurs, avec un suivi de 1,9 an, le clopidogrel 75 mg/j, vs aspirine 325 mg/j, a globalement diminué de 8,7 % (p = 0,043) le risque relatif de survenue du critère combiné associant AVC, infarctus du myocarde ou décès d’origine vasculaire.
- Anticoagulants oraux
Il n’est pas démontré que les anticoagulants oraux soient plus efficaces que l’aspirine en prévention de la récidive d’un AVC athérothrombotique (non lié à une embolie d’origine cardiaque).
Dans l’étude WARSS (N Engl J Med 2001 ; 345 : 1444-51), réalisée chez 2 206 patients qui avaient présenté dans les 3 jours précédents un AVC ischémique non lié à une embolie d’origine cardiaque, avec un suivi de 10,2 ± 7,5 mois, il n’a pas été noté de différence significative sous warfarine (INR : 1,4-2,8), vs aspirine 325 mg/j, quant au critère principal associant survenue d’un AVC ischémique ou d’un décès de toutes causes dans les 2 ans après la randomisation et quant au risque d’hémorragies majeures qui est demeuré faible.
Prévention de la récidive d’un AVC embolique
Anticoagulants oraux
Lorsque l’AVC est d’origine embolique, et c’est le cas notamment en présence d’une fibrillation auriculaire, le traitement anticoagulant oral diminue significativement le risque de récidive.
Dans l’étude EAFT (Lancet 1993 ; 342 : 1255-62), réalisée chez 1 007 patients qui présentaient une fibrillation auriculaire non liée à une valvulopathie rhumatismale et qui avaient fait dans les 3 mois précédents un AIT ou un AVC mineur, les anticoagulants, prescrits vs placebo, ont diminué significativement de 47 % (p = 0,001) le taux annuel des événements majeurs, à savoir décès d’origine vasculaire, AVC non mortels, infarctus du myocarde non mortels ou embolies systémiques, et de 66 % (p < 0,001) le taux annuel des AVC mortels ou non mortels. Les anticoagulants se sont également avérés significativement plus efficaces que l’aspirine en prévention des événements majeurs qu’ils ont diminué de 40 % (p = 0,008), surtout grâce à une réduction de 62 % des AVC mortels ou non mortels (p < 0,001).
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