Publié le 24 mar 2009Lecture 6 min
Artériopathie oblitérante des membres inférieurs : quel traitement de fond ?
Y. KAGAN, Fondation de Rothschild
Que l’AOMI soit asymptomatique ou qu’elle se traduise par une ischémie d’effort, l’enjeu principal est de réduire le risque cardiovasculaire global, coronarien et cérébrovasculaire. Pour ce faire, le traitement est actuellement bien codifié, reposant sur la triade antiagrégants plaquettaires-statines-IEC.
Les mesures thérapeutiques sont de trois ordres :
– réduire le risque coronarien et cérébrovasculaire associé à l’AOMI ;
– lutter contre les facteurs de risque cardiovasculaires ;
– améliorer le périmètre de marche en cas de claudication intermittente.
Pour ce faire, existent des mesures médicamenteuses et d’hygiène de vie.
Une triade médicamenteuse de base
Elle repose sur l’association antiagrégant plaquettaire + statine + IEC. L’efficacité d’au moins un produit de chacune de ces classes est démontrée avec un haut niveau de preuve au stade de claudication intermittente. Au stade d’AOMI asymptomatique, il n’y a pas de preuve directe stricto sensu. Toutefois, leur emploi est raisonnable du fait du terrain et du risque cardiovasculaire et cérébrovasculaire comparables. D’autre part, nombre de patients artéritiques d’âge avancéd’AOMI asymptomatiques dans l’avancée en âge, le sont parce que leur niveau d’activité physique est insuffisant pour démasquer cliniquement une ischémie d’effort.
Quoi qu’il en soit, les artéritiques sont actuellement insuffisamment traités en France, 13 % seulement d’entre eux bénéficiant de cette « trithérapie » contre 30 % des sujets ayant des antécédents coronariens ou ischémiques cérébraux.
Antiagrégants plaquettaires
Les antiagrégants plaquettaires sont indiqués car ils réduisent significativement le risque d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral. Une métaanalyse de 2002 portant sur 42 essais regroupant 9 214 malades ayant une AOMI montre une réduction de 23 % du risque absolu d’événements ischémiques graves chez ceux recevant un antiagrégant, qu’il s’agisse de patients claudicants, ou ayant subi une angioplastie périphérique ou bien un pontage.
L’aspirine est l’antiagrégant classique, utilisé à faible dose. Dans l’essai CAPRIE, le clopidogrel prescrit à la dose de 75 mg/j s’est avéré significativement plus efficace que 325 mg/j d’aspirine pour réduire les complications athérothrombotiques et, en particulier, la survenue d’infarctus du myocarde avec une réduction du risque relatif de 23,7 % dans le groupe des patients ayant une AOMI.
Statines
D’une façon générale, l’efficacité des statines sur la prévention du risque ischémique dans les populations à risque (insuffisance coronaire, antécédents cérébrovasculaires et AOMI) a été démontrée avec la simvastatine à la dose de 40 mg/j, indépendamment de la cholestérolémie initiale chez les patients avec un cholestérol total > 1,35 g/l significatif sur la claudication en améliorant le périmètre de marche.
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine
L’étude HOPE a permis d’établir que la prescription de 10 mg de ramipril chez les patients à haut risque cardiovasculaire (insuffisance coronaire, antécédents d’AVC, AOMI, diabète avec au moins un autre facteur de risque) réduisait la morbimortalité cardiovasculaire, indépendamment de son action sur les chiffres tensionnels. Une métaanalyse récente a confirmé l’efficacité des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) : ramipril 10 mg, perindopril 8 mg, trandolapril 4 mg chez les sujets à risque cardiovasculaire.
Les IEC doivent cependant être maniés avec une grande précaution. En effet, on estime qu’entre 22 et 45 % des sujets porteurs d’AOMI ont également une sténose artérielle rénale. Les IEC sont, certes, dans ce cas, efficaces. Mais ils font aussi courir un risque d’insuffisance rénale aiguë chez les patients ayant une sténose artérielle bilatérale (1 fois sur 3). C’est dire qu’ils doivent être instaurés de façon progressive, par paliers de 2 à 4 semaines, sous surveillance attentive de la pression artérielle et de la créatininémie.
Et les autres médicaments ?
Médicaments sans utilité dans l’AOMI
Les vasodilatateurs traditionnellement employés n’ont aucun bénéfice démontré.
Les anticoagulants oraux n’ont aucune place dans l’AOMI non opérée ; leur indication reste discutée, en balance avec les antiagrégants plaquettaires, chez les patients ayant subi un pontage veineux.
Médicaments importants souvent associés : remarques d’emploi
Ils ont pour objectif :
– de combattre les comorbidités cardiovasculaires ;
– de lutter contre les facteurs de risque cardiovasculaires (HTA, diabète, hypercholestérolémie).
Diurétiques
En ce qui concerne les diurétiques, le furosémide est incontournable en cas d’insuffisance cardiaque à fonction systolique altérée tandis que les thiazidiques font partie du 1er choix d’une stratégie antihypertensive. Les diurétiques, qui nécessitent toujours un suivi rigoureux chez toute personne âgée, notamment en été ou en situation aiguë intercurrente (fièvre, diarrhée), doivent être maniés avec encore plus de prudence en cas d’AOMI, une hypovolémie aiguë pouvant déclencher une ischémie critique.
Inhibiteurs calciques
Le traitement antihypertenseur privilégie les IEC puisque ces derniers sont indiqués dans l’artérite. Si une bithérapie est nécessaire, il serait plus judicieux d’essayer les inhibiteurs calciques, afin de ne pas être confronté au risque hypovolémique des diurétiques.
Les bêtabloquants, qui font partie du traitement de fond de l’insuffisance coronaire et de l’insuffisance cardiaque, ne sont pas contre-indiqués dans l’AOMI au stade d’ischémie d’effort. Ils ne sont récusés qu’en cas d’ischémie critique.
L’existence d’une AOMI est un argument pour optimiser l’équilibre glycémique. Quant à l’hypercholesterolémie, on a vu que, de toutes façons, l’usage des statines fait partie du traitement de fond de l’AOMI.
Conseils d’hygiène de vie
Lutte contre les facteurs de risque
Il n’est jamais trop tard pour interrompre le tabagisme dont la poursuite double le risque d’amputation en cas de claudication intermittente.
La réduction d’une surcharge pondérale est logique à condition de ne pas être plus délétère qu’utile. Il s’agit de ne pas risquer la dénutrition dans le grand âge.
En ce qui concerne l’activité physique, l’entretien de la marche est le meilleur moyen possible de réduire une claudication intermittente en optimisant le développement de la circulation collatérale.
Hygiène et surveillance des pieds
Il s’agit d’un certain nombre de mesures bien connues (voir encadré dans l’article de mai dernier de la série sur l’AOMI), valables pour tout artéritique et pas seulement réservées aux diabétiques. Même si le risque local est nettement inférieur au risque général (figure), ces mesures n’en sont pas moins indispensables.
Figure. Claudication intermittente : devenir à 5 ans.
Une tierce personne familiale ou soignante est très souvent nécessaire chez la personne âgée dès lors qu’il existe des troubles de la sensibilité, de la vue ou de la mobilité rendant illusoire ces soins locaux.
Et en cas de claudication intermittente persistante ?
Un geste de revascularisation n’est envisagé qu’en cas de claudication restant invalidante après au moins 3 mois d’un traitement médical bien conduit. Nous nous situons ici dans le cadre de la discussion d’un geste à visée avant tout fonctionnelle, où ni le membre ni le pronostic vital ne sont a priori engagés comme ils peuvent l’être dans l’ischémie critique.
L’existence d’un âge avancé n’est pas en soi un obstacle à la revascularisation. La décision dépend du terrain médical et de la topographie des lésions. Simplement, il ne faut pas faire courir plus de risque au patient en intervenant qu’en s’abstenant. Le risque à évaluer est lié, d’une part, au geste mais aussi à l’artériographie préalable : embolie de cholestérol, insuffisance rénale au produit de contraste. Un geste de revascularisation plus précoce peut toutefois se discuter en cas de lésion proximale (aorto-iliaque ou fémorale commune) invalidante ou menaçante (sténose serrée sans circulation collatérale). Les revascularisations distales (fémoro-poplitées) ne s’envisagent, a priori, pas à ce stade.
La méthode est chirurgicale (pontage) ou autant que possible endoluminale (angioplastie avec ou sans stent). Le choix dépend du site et de l’extension des lésions, et de l’évaluation du risque anesthésique.
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