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HTA

Publié le 28 fév 2006Lecture 9 min

Blocage combiné du système rénine-angiotensine

M. AZIZI, Paris et A. MIMRAN, Montpellier

XXVes Journées de l'hypertension artérielle

Le blocage du système rénine-angiotensine (SRA) avec les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou les antagonistes des récepteurs AT1 (ARA) est devenu l’une des approches thérapeutiques majeures en médecine.
En pathologie rénale, cette thérapeutique :
• réduit le débit de protéinurie et retarde l’apparition d’une insuffisance rénale,
• ralentit sa progression chez les patients ayant une néphropathie protéinurique chronique d’origine diabétique ou non.
En pathologie cardiovasculaire, l’utilisation de bloqueurs du SRA réduit la morbidité et la mortalité cardiovasculaire chez des patients ayant une insuffisance cardiaque ou une dysfonction ventriculaire gauche, et chez les patients ayant eu un infarctus du myocarde.
De plus, une forte dose d’IEC (ramipril 10 mg), réduit l’incidence de la mortalité de toutes causes ainsi que celle des événements cardiovasculaires et des accidents vasculaires cérébraux chez des patients à haut risque cardiovasculaire comme l’a montré l’essai HOPE.

Le concept du blocage combiné du SRA par les IEC et les ARA Un IEC administré à dose usuelle en monoprise quotidienne ne supprime pas totalement les concentrations d’angiotensine II tout au long du nycthémère, en particulier 24 h après la prise du médicament. De façon similaire, les doses usuelles des ARA en monoprise quotidienne ne bloquent pas les récepteurs AT1 (ARA) pendant 24 h. Ces deux notions ont conduit au concept du blocage combiné du SRA par la combinaison d’un IEC et d’un ARA.   Échappement biologique après administration d’un IEC ou d’un ARA L’échappement biologique observé après l’administration d’un IEC ou d’un ARA en monoprise quotidienne est dû à la conjonction de deux phénomènes : • l’élimination progressive du médicament à la fin de l’intervalle entre deux prises, • l’augmentation de la rénine dans le plasma consécutive à l’interruption du feedback négatif de l’angiotensine II sur la sécrétion de rénine.   Avantage du blocage combiné Ainsi, en raison de contre-régulations internes au SRA, le blocage complet de ce système n'est a priori pas possible si l'on ne vise qu'un seul de ces composants. Au lieu d'augmenter les doses d'un IEC ou d'un antagoniste de l'angiotensine II, le blocage du système à deux niveaux successifs, en neutralisant la contre-régulation interne, pourrait permettre d'obtenir un blocage plus complet et donc des effets biologiques plus marqués.   Conséquences biochimiques du blocage combiné du SRA par un IEC et un ARA Le blocage combiné du SRA associe les conséquences biochimiques de l’inhibition de l’enzyme de conversion et du blocage des récepteurs AT1. - Bien que la combinaison induise une plus forte libération de rénine que l'administration de chacun des deux médicaments en monothérapie, l’IEC peut influer favorablement la compétition entre l'angiotensine II endogène et l'antagoniste présent au niveau des récepteurs AT1 en diminuant les taux circulants d'angiotensine II. De façon réciproque, la présence d'un antagoniste au niveau des récepteurs AT1 diminuera les effets de l'angiotensine II générés quand les taux d'angiotensine I circulant sont élevés et que les concentrations de l’IEC décroissent au niveau des sites actifs de l'enzyme.   Peptides vasodilatateurs - En dehors d'un blocage plus complet des fonctions des récepteurs AT1, la combinaison d’un IEC et d’un ARA est susceptible d’induire aussi l’accumulation de peptides vasodilatateurs et natriurétiques comme la bradykinine et l’angiotensine I comme les IEC. La réduction de la dégradation de bradykinine par l’IEC active le récepteur b2 de la bradykinine et en conséquence, la libération de NO, de prostacycline et d’autres peptides vasodilatateurs dérivés de l’endothélium. L’augmentation de la concentration de l’angiotensine I pourrait potentialiser l’effet vasodilatateur de la bradykinine et de la stimulation de la libération de NO. - La combinaison est susceptible de stimuler aussi les récepteurs AT2, cependant moins qu’un ARA administré en monothérapie à cause de la présence de l’IEC. La stimulation du récepteur AT2 pourrait stimuler une cascade natriurétique et vasodilatatrice impliquant la bradykinine, le NO et le GMP cyclique.   Aldostérone - En revanche, contrairement à ce qui est observé pour la rénine active, la prorénine et l’angiotensine I qui augmentent de façon massive avec le blocage combiné, aucun effet additif de cette thérapeutique combinée n’a été détecté sur les concentrations d’aldostérone plasmatique en dehors de l’insuffisance cardiaque.   Blocage combiné et hypertension artérielle Des essais à court terme, réalisés chez des patients caucasiens ayant une hypertension à rénine basse, un diabète de type 2, ou ayant une insuffisance rénale progressive ont montré que l’administration d’un IEC et d’un ARA en combinaison induisait une baisse plus marquée de 3 à 6 mmHg de la pression artérielle 24 h après la prise des traitements comparativement à chacune des monothérapies. Ainsi, quelques études de petite taille semblent montrer l'efficacité de cette approche chez l'hypertendu. Néanmoins, dans cette indication, la combinaison d’un IEC et d’un ARA apparaît avoir la même efficacité antihypertensive que la combinaison d’un IEC avec un diurétique ou un inhibiteur calcique. La question qui reste en suspens est de définir précisément quel type de patients pourrait tirer bénéfice d'un blocage plus complet de son SRA sans augmenter les risques d'un tel traitement.   Blocage combiné du SRA et insuffisance cardiaque Au cours de l’ insuffisance cardiaque chronique stable, quelques études de petite taille ont montré que le blocage combiné du SRA avait un effet bénéfique supérieur à celui l’administration d’un IEC en monothérapie sur des critères intermédiaires tels que : • l’amélioration de la fonction ventriculaire gauche, • la capacité à l’exercice, la prévention du remodelage ventriculaire gauche, • la réduction de l’activation neurohormonale.   Des essais thérapeutiques en apparence contradictoires - Les effets cardioprotecteurs du blocage combiné du SRA ont été démontrés par les résultats de l’essai CHARM-Added (Candesartan in Heart failure – Assessment of Reduction in Mortality and morbidity). Ainsi, l’administration d’une forte dose de candésartan (titré à 32 mg/jour ; dose quotidienne moyenne de 24 mg) à des patients insuffisants cardiaques (FE inférieure ou égale à 40 %, stade II-IV) traités par une dose standard d’un IEC pendant au moins 6 mois, a réduit de 15 % (IC 95 % : 4-25 %, p=0,011) la survenue d’un décès cardiovasculaire ou d’ une réadmission pour poussée d’insuffisance cardiaque comparativement à un placebo. - Les résultats de l’essai VALIANT (Valsartan in Acute Myocardial Infarction) publiés après CHARM-Added apparaissent de prime abord contradictoires avec ceux de CHARM-Added. Dans l’essai VALIANT, 14 703 patients ayant fait un infarctus du myocarde compliqué d’une insuffisance cardiaque ou d’une dysfonction systolique du ventricule gauche à la phase aiguë, ont reçu de façon aléatoire soit : • une combinaison de valsartan 80 mg deux fois par jour et de captopril 50 mg trois fois par jour, • du valsartan 160 mg deux fois par jour en monothérapie, • du captopril 50 mg trois fois par jour en monothérapie débuté après une durée médiane de 8 jours après l’infarctus du myocarde. Dans cet essai, la combinaison valsartan + captopril n’a pas réduit de façon supplémentaire la mortalité totale, la mortalité cardiovasculaire et malgré l’incidence des événements secondaires par rapport au captopril ou au valsartan administrés en une monothérapie mais réduit significativement l’incidence cumulative des réadmissions pour infarctus du myocarde ou insuffisance cardiaque.   Comparaison des résultats des deux études La raison principale de la différence de résultats entre les deux essais réside essentiellement sur la différence de schéma thérapeutique utilisé. - Dans l’essai CHARM-Added, le candésartan était titré jusqu’à une dose de 32 mg administré en monoprise quotidienne et ajouté à un traitement par IEC préexistant, dont la dose n’était pas optimisée de façon concomitante au candésartan. - Dans l’essai VALIANT, la dose de captopril administrée en monothérapie ou en combinaison était titrée jusqu’à 50 mg trois fois par jour, et le valsartan était titré à une dose de 160 mg deux fois par jour. L’utilisation d’une forte dose de captopril (50 mg trois fois par jour) réduisait la probabilité de détecter une différence entre la combinaison et le groupe captopril car la dose de captopril utilisée était déjà au maximum de la courbe dose-réponse. Lorsque l’intervalle compris entre deux doses d’un IEC ou d’un ARA est court (administration 2 fois par jour ou 3 fois par jour), la réactivation neurohormonale intermittente entre chaque dose est plus efficacement neutralisée que lorsque l’intervalle entre les deux doses est de 24 h (administration 1 fois par jour) ou éventuellement encore plus longue si les patients sont non-observants au traitement. Ces deux essais montrent la nécessité cruciale du choix de la meilleure dose et de l’intervalle de dose optimal pour un bloqueur du SRA chez les patients à haut risque après infarctus du myocarde et chez les patients en insuffisance cardiaque chronique afin de neutraliser de façon plus complète et plus prolongée les effets de l’angiotensine II.   Blocage combiné et néphroprotection Les effets additifs de la combinaison d’un IEC et d’un ARA ont d’abord été démontrés sur le débit de protéinurie. Le blocage combiné du SRA avec des doses usuelles, voire maximales d’un IEC et d’un ARA réduit la pression artérielle, le débit de microalbuminurie et de protéinurie de façon plus importante qu’un IEC ou un ARA administrés en monothérapie, chez des patients diabétiques de type 1 ou de type 2, de même que chez des patients ayant une néphropathie protéinurique non diabétique.   Preuves cliniques La démonstration formelle des effets néphroprotecteurs du blocage combiné du SRA est venue avec le résultat de l’essai COOPERATE . Dans cet essai qui a inclus 263 patients avec une néphropathie chronique non diabétique ayant une protéinurie persistante (> 0,3 g par 24 h), l’administration d’une combinaison de trandolapril 3 mg par jour et de losartan 100 mg par jour a réduit de 60 % le risque de doublement de la créatinine ou de survenue d’une insuffisance rénale terminale par rapport au trandolapril 3 mg en monothérapie ou au losartan 100 mg administrés en monothérapie. Le bénéfice lié au traitement était indépendant du niveau initial de la protéinurie et de la réduction de la pression artérielle qui était similaire. La combinaison réduisait de façon massive le débit de protéinurie par rapport aux monothérapies (75 % pour la combinaison, 42% pour le losartan, 44 % pour le trandolapril).   Mécanismes des effets bénéfiques de la combinaison Les mécanismes des effets néphroprotecteurs de la combinaison d’un IEC et d’un ARA sont probablement multifactoriels. Ils impliquent des modifications de l’hémodynamique systémique et capillaire glomérulaire, une neutralisation plus complète des effets cellulaires de l’angiotensine II ou l’association des deux phénomènes.   Tolérance du blocage combiné du SRA Le prix à payer du blocage combiné en termes d’effets secondaires sera : • l'addition des effets secondaires, en particulier ceux qui dépendent de l'inhibition de l'enzyme de conversion (toux et oedème angioneurotique) • le risque potentiel d'un blocage complet du SRA dans les conditions où la pression artérielle et la perfusion rénale sont extrêmement rénine-dépendantes.   Augmentation du risque d’insuffisance rénale fonctionnelle Si la combinaison d’un IEC et d’un ARA est de plus en plus fréquemment utilisée, il est important de tenir compte de l’augmentation du risque d’insuffisance rénale fonctionnelle. Il existe incontestablement une augmentation de ce risque chez certains patients : les patients âgés, les patients en hypovolémie (diurétique à forte dose, vomissement, diarrhée..), ceux traités par des inhibiteurs de la COX ou ayant une sténose artérielle rénale, et au cours de l’anesthésie générale.   Autres effets indésirables - Dans l’essai CHARM-Added, 4,5 % des patients traités par candésartan avaient une hypotension significative entraînant un arrêt du traitement. - De plus, l’incidence d’une augmentation significative de la créatinine était pratiquement doublée dans le groupe candésartan (7,8 contre 4,1%) ainsi que l’incidence de l’hyperkaliémie, en particulier si les patients recevaient en plus de la spironolactone. - Le risque d’hyperkaliémie augmente aussi lorsqu’il existe une réduction du débit de filtration glomérulaire en dessous de 35 ml/min. - À côté de la surveillance de la concentration de potassium et de créatinine, en particulier chez les patients ayant une insuffisance rénale, l’hématocrite devrait être aussi surveillé car il existe un potentiel d’aggravation d’une anémie par la combinaison d’un IEC et d’un ARA. Une évaluation plus complète et plus rigoureuse de ces risques est donc nécessaire.   En conclusion   Les doses usuelles des IEC et des ARA ont d’abord été déterminées sur la base d’essais réalisés au cours de l’hypertension artérielle. Il est hautement probable que les doses nécessaires pour réduire le débit de protéinurie et ralentir la progression de l’insuffisance rénale chez les patients ayant une néphropathie, pour ralentir l’apparition de lésions vasculaires, et pour prévenir la morbi-mortalité cardiovasculaire chez les patients insuffisants cardiaques, soient plus élevées que celles sectionnées pour obtenir une réduction de la pression artérielle. Tous les résultats des essais contrôlés ont montré que plus la dose d’un IEC ou d’un ARA était élevée, plus l’effet bénéfique observé sur les organes cibles était important. Une alternative à l’augmentation des doses d’un bloqueur du SRA en monothérapie est le blocage combiné du SRA. L’administration d’un IEC et d’un ARA en combinaison en monoprise quotidienne permet de maintenir pendant 24 h un blocage complet et permanent du SRA. Il est néanmoins nécessaire de rester vigilant à la survenue possible d’effets secondaires avec cette stratégie thérapeutique.

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