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Vasculaire

Publié le 28 sep 2004Lecture 6 min

Comment préserver la valve aortique lors de la chirurgie des anévrismes de l’aorte ascendante ? Intervention de Yacoub ou intervention de David ?

P.-H. DELEUZE, W. KHOURY et O. BICAL, Fondation hôpital Saint Joseph et CMC Parly II

L’anévrisme de l’aorte ascendante est une indication chirurgicale quand il atteint ou dépasse 45 à 50 mm de diamètre. Cette indication peut être précipitée s’il existe une insuffisance aortique significative associée, avec début de retentissement ventriculaire.
Quand l’anévrisme est exclusivement sus-coronaire, le traitement chirurgical est le remplacement de l’aorte ascendante sus-coronaire par un tube prothétique en Dacron. Lorsque l’anévrisme implique la racine aortique, nommé typiquement « maladie annulo-ectasiante », le traitement chirurgical classique est un remplacement total de l’aorte ascendante et de la valve aortique avec réimplantation des coronaires (Bentall). Toutefois, la valve aortique est souvent normale, l’insuffisance aortique étant due à la simple dilatation de l’anneau.
La chirurgie de résection totale (anévrisme + valve) est donc illogique et le chirurgien doit tenter de préserver la valve aortique.

Traitement classique de la maladie annulo-ectasiante L’intervention de référence est la mise en place d’un tube « valvé » selon la technique de Bentall, modifiée et simplifiée depuis l’avènement des prothèses en Dacron totalement étanches. Les tubes valvés sont actuellement proposés avec des prothèses déjà montées en usine dans le tube en Dacron : prothèses mécaniques à double ailette (Saint-Jude et Carbomedics). Il est toujours possible pour le chirurgien de monter la prothèse de son choix (bioprothèse par exemple) dans un tube vierge ou d’utiliser une bioprothèse stentless en « full root ». C’est une technique bien réglée, à faible mortalité (3-5 %), mais dont l’inconvénient majeur est de sacrifier la valve aortique de sujets souvent jeunes, de nécessiter la mise sous anticoagulants à vie et de créer un risque d’endocardite.   Traitement actuel avec conservation de la valve aortique L’anévrisme de la racine aortique est souvent accompagné d’une fuite valvulaire aortique, même lorsque la valve est normale, c’est-à-dire tricuspide, souple, sans perforation, ni prolapsus. La dysfonction valvulaire est créée par la dilatation de la jonction sino-tubulaire, la distorsion ou la dilatation des sinus de Valsalva, entraînant un étirement des commissures valvulaires, associé ou non à une dilatation de l’anneau aortique, avec une fuite centrale pouvant atteindre un grade 3 ou 4. Dans ce cas, il est licite d’effectuer un remplacement de l’aorte ascendante par un tube en Dacron avec réimplantation des coronaires, associant la conservation de la valve native qui redeviendra étanche après le remodelage. Depuis quelques années, deux techniques de cure chirurgicale d’un anévrisme de la racine aortique avec conservation de la valve native, lorsque celle-ci est indemne, ont été proposées et validées. Dans les deux cas, l’anévrisme est réséqué en totalité en isolant les deux troncs coronaires avec une petite collerette de tissu aortique autour de chaque ostium. La valve aortique native est soigneusement préservée en ne laissant qu’une faible bande de tissu aortique le long de l’anneau aortique et des commissures afin de faciliter la suture ultérieure (figure 1). Les deux techniques ne varient que par le type de remodelage de la partie proximale du tube en Dacron. En effet, dans les deux cas, les ostia coronaires sont réimplantés dans le tube et la partie distale de ce tube suturée en termino-terminal à l’aorte distale recoupée. Figure 1. L'anévrisme a été réséqué ; ne subsistent que la valve aortique native et les deux coronaires. Intervention de Yacoub Proposée dès 1983, la technique repose sur une découpe particulière de la partie proximale du tube en Dacron en trois languettes équidistantes, dont la profondeur dépend de la hauteur des commissures aortiques du patient. Ces trois languettes viennent s’appliquer contre l’anneau aortique, dans chaque espace intercommissural, à la façon de pièces de puzzle. La suture est alors conduite tout le long, entre les bords de la valve native et le Dacron, formant une sinusoïde circulaire qui suit les contours de la valve native (figure 2). Figure 2. Intervention de Yacoub. Cette technique de « remodelage » a un taux de mortalité précoce équivalent à celui de l’intervention de Bentall et donne de bons résultats à long terme avec cependant 10 % de patients réopérés à 10 ans. Les limites de cette technique sont : - le risque immédiat de saignement important car la suture proximale est longue, sur un tissu aortique résiduel qui est parfois pathologique et fragile ; - un risque immédiat de fuite aortique résiduelle, significative en raison de la difficulté technique de la découpe du tube et du risque de torsion de la valve native. Dans ce cas, un remplacement valvulaire aortique dans la foulée est indispensable (20 % dans l’expérience de la Pitié rapportée aux Journées européennes 2004 de la SFC) ; - le risque ultérieur est celui d’une dilatation progressive de l’anneau aortique (qui a été laissé tel quel lors de ce type d’intervention), avec réapparition d’une insuffisance aortique significative.   Intervention de David Proposée plus tardivement, cette intervention repose sur la réimplantation de la valve aortique native à l’intérieur même du tube en Dacron laissé tel quel. Le tube est appliqué autour de l’anneau aortique grâce à des points en U passés dans l’anneau aortique sous les valvules, au niveau de la voie d’éjection du ventricule gauche (figure 3). La valve native est ensuite suturée à l’intérieur du tube à l’aide d’un surjet transfixiant qui rappelle les techniques utilisées pour les homogreffes ou les bioprothèses « stentless » (figure 4). Figure 3. Intervention de David. Figure 4. La valve native est suturée à l'intérieur du tube. Cette technique de « réimplantation » a un taux de mortalité précoce < 5 % et donne de bons résultats à distance avec peu de patients réopérés à 10 ans ; - par ailleurs, elle s’accompagne d’un faible saignement postopératoire car la suture est à l’intérieur du tube ; - le risque de dilatation ultérieure de l’anneau aortique est inexistant puisque le tube en Dacron circonscrit cet anneau aortique ; - dans les premières années, des ruptures de valvules aortiques ont été décrites : l’explication venait du fait que les valvules de la valve native claquaient contre le tube en Dacron de forme cylindrique et parallèle. Cet écueil a été remarquablement corrigé par l’avènement d’un nouveau tube en Dacron dit « Valsalva » (Sulzer-CarbomedicsTM), dont la partie proximale est faite d’une « jupe » à fibres inversées reproduisant de véritables sinus de Valsalva lors de la mise sous tension (figure 5). Figure 5. Tube "Valsalva" ; les fibres de Dacron sont longitudinales au niveau de la "jupe" proximale. Expérience personnelle Notre équipe chirurgicale a effectué 18 interventions conservant la valve aortique native, contre une centaine de patients opérés d’un Bentall avec tube « valvé ». La pratique de chirurgie conservatrice est récente et la mortalité précoce est faible (1 cas Yacoub) : - dix patients ont bénéficié au début de l’opération de Yacoub. Parmi eux, trois patients ont conservé une fuite aortique postopératoire grade II et un patient a été réopéré à 4 ans d’un remplacement, à l’intérieur du tube, de la valve aortique par une prothèse mécanique ; - les 8 derniers patients ont bénéficié de l’opération de David depuis l’existence du tube « Valsalva » ; - tous les patients ont eu des suites immédiates très simples et tous sont sortis avec une insuffisance grade 0 à I ; ce bon résultat s’est maintenu, contrairement à ce qui est observé avec l’intervention de Yacoub ; - enfin, il n’y a pas de corrélation entre l’importance de la fuite aortique préopératoire et le degré de fuite postopératoire.   Conclusion   Les techniques chirurgicales de conservation de la valve aortique native lors du traitement d’un anévrisme du culot aortique ont fait la preuve de leur efficacité à court et à long termes. Elles sont pratiquées lorsque la valve aortique native est indemne. Elles permettent d’éviter les anticoagulants au long cours et sont donc d’autant plus justifiées que le patient est jeune et que le risque de réopération est faible. À la lumière de notre expérience, l’intervention de David utilisant le nouveau tube Dacron « Valsalva » nous paraît la plus logique, la plus reproductible et la plus fiable.     Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.  

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