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Thrombose

Publié le 12 sep 2006Lecture 8 min

Devant une thrombose veineuse : quels examens biologiques demander ?

L. DROUET, hôpital Lariboisière, Paris

Les examens biologiques font partie du panel des examens à notre disposition que l’on peut envisager d’utiliser à différentes époques de la pathologie ; plusieurs types d’examens sont possibles :
• pour aider dans la démarche diagnostique,
• pour aider dans la démarche étiologique,
• pour aider à la mise en route et au suivi du traitement,
• pour aider à la décision de l’arrêt du traitement,
• pour rechercher les récidives ou le risque de récidive.
Cela fait théoriquement beaucoup d’examens possibles mais sont-ils tous validés et sont-ils tous utiles ?

Examens pour aider dans la démarche diagnostique À l’heure actuelle, les D-dimères font partie de la majorité des algorithmes diagnostiques. Trois points sont à considérer. Les D-dimères sont validés comme test d’exclusion diagnostique. Ils sont utilisés en association avec un score de probabilité clinique. Cependant, ils ont des limites, selon les populations auxquelles ils s’adressent. En effet, quand il s’agit de patients hospitalisés, en particulier pour une pathologie chirurgicale, ou de patients âgés voire très âgés, le pourcentage d’élévation des D-dimères est tel que l’intérêt de leur réalisation pour l’exclusion d’un diagnostic de pathologie thromboembolique est extrêmement limité. Quand ils sont associés à un score de haute probabilité, le risque de pathologie thromboembolique est tel que la suite des examens diagnostiques est le plus souvent enclenchée indépendamment de l’attente du résultat des D-dimères. Tous les tests évaluant les D-dimères n’ont pas les mêmes sensibilité et spécificité. Il faut donc être attentif aux unités d’expression de positivité du test. En effet, certains tests sont exprimés en équivalents fibrinogène et d’autres en équivalents D-dimères ; par conséquent, en fonction du test, le cut-off habituel est à 500 ng/ml pour ceux qui sont exprimés en unité équivalents fibrinogène, valeur habituellement connue, alors que d’autres tests exprimés en unité équivalent D-dimères ont un seuil de positivité > 250 ng/ml, cela amène à faire extrêmement attention à la fois aux tests utilisés par le laboratoire, validés ou non validés, et aux valeurs d’exclusion du test utilisé par ce même laboratoire. Peut-on dans les années à venir envisager une amélioration de ce test ? Pas du test par lui-même mais peut-être d’une association. En effet, un processus de résorption d’une fibrine extravasculaire (hématome, épanchement séro-fibrineux, zone d’inflammation, etc.), génère des D-dimères que l’on ne distingue pas des D-dimères de thrombose. On peut espérer, dans les années à venir, voir apparaître les paramètres d’activation de la fibrino-formation-paramètres facilement mesurables, dont la positivité, associée à celle des D-dimères, aurait un intérêt peut-être dans le sens du diagnostic positif, mais cela reste à évaluer.   En pratique Les D-dimères sont un test d’exclusion diagnostique de la pathologie thromboembolique à utiliser au moment du diagnostic en faisant attention aux écueils techniques.   Examens pour aider dans la démarche étiologique   Les facteurs biologiques de thrombophilie identifiés en 2006 sont : • les déficits de fonction des principaux inhibiteurs de la coagulation : - protéine C (RR 20 à 50), - protéine S (RR 15 à 30), - antithrombine (RR 30 à 150), • la mutation Leiden sur le gène du facteur V responsable de la résistance à la protéine C activée (RR 5 à 10), • la mutation G20210A sur le gène du facteur II (RR 3 à 7) • les augmentations du facteur VIII (> 150 %, > 200 % , 250 % confèrent un risque très significatif (RR 6 à 15), • les hyperhomocystéinémies (RR 1 à 3), • les antiphospholipides (anticoagulants circulants, anticardiolipines). Rechercher tous les facteurs de thrombophilie, car : • le type d’accident thrombotique n’est pas suffisamment spécifique d’un type d’anomalie pour orienter le diagnostic ; • pour les uns, cela se justifie par la fréquence, pour les autres, par la gravité ; • les facteurs fréquents, du fait même de cette fréquence, peuvent s’associer ou être à l’état homozygote et alors devenir plus graves. Si ce bilan est négatif et que l’on soupçonne une thrombophilie familiale, y a-t-il d’autres anomalies à rechercher ? Les augmentations des facteurs autres que le F VIIIc (les augmentations du facteur IX et du facteur XI) confèrent un risque, mais nettement moindre que celles du facteur VIIIc. Les autres thrombophilies sont vraiment très exceptionnelles et sont alors recherchées en milieu très spécialisé. Pour quel type d’événement thromboembolique veineux (ETEV) va-t-on le rechercher ? Cette recherche sera effectuée surtout s’il s’agit : • d’un ETEV chez un sujet jeune, • d’une première TVP par rapport à une récidive, • d’une récidive ou d’une localisation controlatérale de TVP par rapport à homolatérale, • d’un ETEV idiopathique par rapport à provoquée, • d’une TVP par rapport à une TVS, • d’une TVS sur veine saine par rapport à une TVS sur veine variqueuse. Pourquoi va-t-on faire cette recherche ? Va-t-elle changer la prise en charge ? Les thrombophilies les plus graves (déficits quantitatifs en antithrombine, anticoagulant circulant) induisent souvent un traitement de durée prolongée, voire définitif, alors que les thrombophilies les plus fréquentes (type mutation hétérozygote du facteur V de Leiden qui portent un risque relatif faible (incidence 5 à 10) et encore plus faible de récidive (1,5 à 205) vont induire des attitudes préventives mais, jusqu’à présent, cela ne faisait pas modifier significativement la prise en charge de l’accident thromboembolique actuel. La récente étude Wodit (Warfarin Optimal Duration Italian Trial) montre que prolonger à 12 mois le traitement de l’événement thromboembolique d’un patient thrombophile diminue son risque de récidive ultérieure qui devient non significativement différent, comparativement à celui du non-thrombophile (RR : 1,35). L’intérêt est donc de rechercher : • les exceptionnelles thrombophilies graves qui font changer la prise en charge de l’accident thromboembolique actuel ; • les thrombophilies fréquentes qui font changer la prévention pour le futur, voire dans la famille si on les recherche, et donc peut-être, incitent à allonger le traitement de l’ETEV actuel à 12 mois ? • l’hyperhomocystéinémie, bien qu’elle soit un faible facteur de risque thromboembolique veineux, sa découverte permet d’essayer de corriger par un supplément vitaminique B régulier potentiellement bénéfique pour prévenir les récidives veineuses et surtout pour limiter la détérioration artérielle. On peut aboutir à une recommandation de durée du traitement de l’ETEV dans laquelle l’existence ou non d’une thrombophilie participe à la décision (tableau). Dans le bilan biologique étiologique à côté des facteurs de thrombophilie viennent les examens biologiques pouvant être inclus dans la recherche d’une néoplasie causale. Le bilan minimal comporte une numération formule sanguine et un bilan inflammatoire. En plus des tests spécifiques, en fonction de l’indication (types frottis), deux types de tests méritent d’être envisagés : • les marqueurs tumoraux qui ont une faible rentabilité pour rechercher un cancer mais qui sont très utiles pour suivre l’évolution d’un cancer (après avoir mis évidence leur positivité dans la forme initiale du cancer) ; • les D-dimères présentent un intérêt certain dans ce cadre : la non-normalisation attendue des D-dimères sous traitement anticoagulant bien conduit est un argument en faveur d’un cancer sous-jacent.   Examens biologiques pour aider à la mise en route et au suivi du traitement Le bilan biologique avant la mise en route du traitement comporte au minimum : • une numération formule sanguine, en particulier pour rechercher anémie thrombopénie ; • un TP-TCA-fibrinogène pour rechercher un trouble de la coagulation préexistant ; • les D-dimères font habituellement partie de l’algorithme diagnostique ; • une créatinémie pour évaluer la fonction rénale (clairance) pour la mise au traitement initial par HBPM ; • un bilan hépatique en cas de doute pour la mise au traitement AVK. L’AMM des HBPM requiert un contrôle de la numération plaquettaire deux fois par semaine pendant le traitement HBPM. En cas de doute sur une allergie cutanée, le suivi de l’éosinophilie est utile. Cette demande est une spécificité française (non exigée dans les autres pays, y compris européens). Le suivi du traitement AVK repose sur l’INR, certes pour éviter les surdosages mais aussi pour la qualité du traitement antithrombotique ; une étude très instructive vient de démontrer que la mauvaise qualité de l’anticoagulation est un facteur de risque de récidive thrombotique à moyen terme (RR : 3). On ne fera que répéter que notre prise en charge spécifiquement française de l’anticoagulation n’est pas bonne par manque d’éducation des patients et d’organisation de l’anticoagulation et tous les moyens modernes d’aide : logiciel clinique d’anticoagulation, auto-surveillance sont à inclure dans notre pratique quotidienne pour améliorer la qualité, diminuer les risques iatrogènes et augmenter l’efficacité.   Examens biologiques pour aider à la décision d’arrêt du traitement La non-normalisation des D-dimères chez les patients correctement anticoagulés est prédictive du risque de récidive, qui elle-même présage d’un risque de néoplasie sous-jacente. Une néoplasie est un facteur de récidive thrombotique sous traitement et à l’arrêt du traitement AVK. Par conséquent, de plus en plus souvent, les patients cancéreux ayant fait un accident thrombotique sont maintenus sous HBPM au long cours (du moins aussi longtemps que le cancer n’est pas en rémission complète).   Examens biologiques pour aider à dépister les risques précoces de récidive Un faisceau de données cohérentes est venu conforter les premières observations montrant qu’une réaugmentation précoce des D-dimères (3 à 4 semaines) après l’arrêt du traitement AVK est un facteur prédictif de récidive thrombotique (RR : 6). La valeur prédictive est d’autant plus forte que l’augmentation des D-dimères est associée à la persistance d’une thrombose veineuse résiduelle ou à un taux augmenté de facteur VIII.   Conclusions Les examens biologiques doivent être intégrés dans la démarche de diagnostic et de prise en charge des ETEV. Reste la question : quand prescrire le bilan de thrombophilie ? Le mieux est de le faire immédiatement dès le diagnostic : ils pourront éventuellement influer sur la prise en charge et ne seront pas artefactués par le traitement. Toutefois, certains paramètres sont modifiés, surtout la protéine S qui peut être consommée en période thrombotique aiguë. En pratique, ce bilan est souvent difficile à réaliser dans le climat de l’urgence initiale si ce n’est pas dans le cadre d’une procédure bien établie. Le bilan peut être fait sous traitement AVK établi et interprété à l’exception théoriquement des facteurs vitamine K-dépendants (protéines C et S). Si leur taux est en rapport avec la diminution des autres facteurs vitamines K-dépendants, on peut être sûr qu’il ne sont pas affectés par un déficit. Il n’y a que quand ils sont plus bas qu’il faut un dosage à distance du traitement AVK pour s’assurer de leur déficit Trois à 4 semaines après l’arrêt du traitement AVK, tout peut être réalisé et interprété ; on peut ajouter au bilan de thrombophilie le dosage des D-dimères, dont l’intérêt potentiel a été démontré pour dépister un risque de récidive ; c’est donc une troisième option qui présente souvent les avantages de la facilité. Que faire quand on ne sait pas quoi faire du bilan de thrombophilie ? Quand tout le bilan de thrombophilie est négatif et que l’ETEV apparaît donc « idiopathique », le recours à un avis spécialisé se conçoit si l’on a des arguments montrant que le patient (et/ou sa famille) est atteint d’une thrombophilie exceptionnelle et pour rechercher des anomalies plus rares et plus difficiles à mettre en évidence. Quand le bilan de thrombophilie est positif, le recours à un avis spécialisé se conçoit surtout pour la prise en charge particulière des antiphospholipides ; pour la confirmation et surtout le sous-typage des déficits en antithrombine, protéine C, protéine S, et les prises en charge particulières, voire les études familiales.

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