Thrombose
Publié le 03 nov 2009Lecture 4 min
Embolie paradoxale secondaire à une embolie pulmonaire
A. THO, M. BENHAMOU, N. DGERBI, A. PROTON, Nice
Nous décrivons le cas d’une patiente de 59 ans qui consulte pour un tableau d’ischémie aiguë du membre inférieur gauche. L’origine embolique est évoquée sur l’aspect de l’artériographie. L’examen clinique montre également des signes d’embolie pulmonaire confirmée par l’angioscanner. L’évolution est favorable sous traitement anticoagulant (héparine non fractionnée intraveineuse puis antivitamine K). L’échographie transœsophagienne permettra la mise en évidence d’un foramen ovale perméable. Le cas de cette patiente pose le problème de la fermeture d’un FOP dans le cas d’une embolie paradoxale.
Compte tenu de l’existence d’une HTAP chronique importante à 4 mois de l’évènement justifiant le maintien d’une anticoagulation efficace, il a été décidé de ne pas entreprendre de procédure de fermeture en l’absence de récurrence sous traitement.
Cas clinique
Madame C., 59 ans, est hospitalisée en urgence dans notre service pour des douleurs du membre inférieur droit. Ses antécédents sont représentés par une extrasystolie ventriculaire traitée par sotalol, un tabagisme, une hypertension artérielle traitée par spironolactone et une obésité.
L’anamnèse retrouve l’apparition brutale d’une douleur intense du membre inférieur droit avec impotence fonctionnelle. Il existe également une dyspnée au moindre effort évoluant depuis 3 jours. On note un long voyage en voiture quinze jours auparavant. Il existe un tirage sus-sternal, la saturation en oxygène est à 85 % en air ambiant et la tension artérielle est normale. L’examen clinique montre des signes d’ischémie aiguë du membre inférieur droit. L’électrocardiogramme est reproduit ci-après (figure 1). Devant ce tableau, une artériographie (figure 2) est réalisée en urgence qui montre un embole suspendu de l’artère fémorale superficielle droite avec absence de flux d’aval.
Figure 1. Électrocardiogramme 12 dérivations : cœur pulmonaire aigu.
Figure 2. Artériographie des membres inférieurs : embole suspendu de l’artère fémorale commune droite.
L’instabilité clinique n’autorise pas une prise en charge chirurgicale ; une héparinothérapie intraveineuse est débutée.
Par ailleurs, la dyspnée, une hypoxie-hypocapnie à la gazométrie et des D-dimères à 3300 µg/l motivent la réalisation d’un angioscanner thoracique (figure 3) qui montre une embolie pulmonaire (EP) bilatérale proximale. L’écho-Doppler veineux des membres inférieurs révèle un thrombus fémoro-poplité à droite. L’échocardiographie trans-thoracique met en évidence des signes de cœur pulmonaire aigu, en l’occurrence une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) à 80 mmHg et un ventricule droit dilaté (VD/VG > 1). La coupe sous-xyphoïdienne permet de suspecter un anévrisme du septum interauriculaire (ASIA). La réalisation d’une échocardiographie trans-œsophagienne à distance de l’épisode aigu va mettre en évidence la présence d’un foramen ovale perméable (FOP) (figure 4). En revanche, l’ASIA est à la limite de la significativité (figure 5).
Figure 3. Angioscanner thoracique : embolie pulmonaire bilatérale proximale.
Figure 4. Échographie transœsophagienne : ASIA à la limite de la significativité.
Figure 5. Échographie transœsophagienne : épreuve de contraste avec solution saline montrant un FOP après manœuvre de Vasalva.
Le bilan étiologique à visée carcinologique est négatif de même que le bilan de thrombophilie.
L’évolution clinique est favorable sous héparinothérapie intraveineuse ; en effet, les signes d’ischémie aiguë ainsi que la dyspnée régressent en quelques heures après le début du traitement. La patiente sort au dixième jour après un relais par antivitamine K (AVK) sous le traitement suivant : fluindione 20 mg, candésartan 80 mg, diltiazem 120 mg.
L’échocardiographie transthoracique à 4 mois de l’événement montre un cœur pulmonaire chronique postembolique avec persistance d’une discrète dilatation du ventricule droit, un début d’hypertrophie et une HTAP à 70 mmHg par le flux d’insuffisance tricuspide. La patiente est asymptomatique tant au niveau respiratoire que de son membre inférieur.
Il est décidé de ne pas fermer le FOP dans la mesure où il n’existe pas de bénéfice que cela soit en matière d’allégement thérapeutique ou d’amélioration de la qualité de vie (compte tenu de la nécessité de maintenir un traitement par AVK dans le cadre de la prise en charge du cœur pulmonaire chronique postembolique). Cette décision devra bien entendu être réévaluée en fonction de l’évolution clinique ultérieure de la patiente (régression de l’HTAP ou récurrence thromboembolique sous traitement).
Discussion
Le FOP a une prévalence d’environ 30 % dans la population générale et est associé à un ASIA chez 20 % de cette même population(1). Les embolies paradoxales et l’imputabilité d’un FOP ± ASIA ont été bien étudiées dans le cadre des AVC ischémiques « idiopathiques » du sujet jeune (population où sa prévalence est plus importante).
Dans ce cadre nosologique, quelques publications suggèrent que la fermeture du FOP pourrait être une alternative au traitement par AVK ; l’ESC propose un consensus d’expert à ce sujet(2). Les cas d’embolie paradoxale secondaire à une élévation des pressions droites ne sont pas rares, notamment en cas d’EP massive : dans ce cas, il n’existe aucune recommandation thérapeutique et la littérature ne rapporte pas d’étude suffisamment puissante pour guider le praticien.
Si la seule étiologie retrouvée à l’ischémie est l’association avec un FOP/ASIA, la fermeture du FOP paraît au moins aussi efficace que le traitement AVK (l’absence d’événement est de plus de 90 % à 1 - 2 ans, voire 5 ans selon les études(3,4).
Dans le cas de l’EP avec HTAP, si celle-ci ne régresse pas ou bien s’il existe un facteur de récurrence thromboembolique (telle une thrombophilie), il paraît moins licite d’arrêter le traitement anticoagulant et de fermer le FOP. La fermeture empêchera, certes, la récidive de l’embolie paradoxale mais pas la formation de thrombi (entraînant la récidive de TVP et/ou EP).
La littérature décrit quelques cas de patients traités par anticoagulant chez lesquels le suivi ne montre pas de récurrence(5, 6). Le recours au filtre cave y est également décrit(7).
Bien entendu l’attitude thérapeutique doit être discutée au cas par cas en l’absence de recommandations.
En pratique
Chez notre patiente, il a été décidé de maintenir un traitement AVK au long cours en raison d’une HTAP résiduelle et, pour l’instant, en l’absence de récidive, le FOP sera respecté, celui-ci n’étant pas massivement perméable (moins de dix bulles lors de la manœuvre de Vasalva sans shunt droit-gauche spontané).
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