Cardiologie générale
Publié le 02 mar 2010Lecture 7 min
Guide des « Bonnes pratiques » : une coordination entre cardiologue/pneumologue/somnologue
Le cardiologue est aujourd’hui confronté au constat que nombre de ses malades souffrent d’apnées. Cela pourrait être une simple maladie associée, mais en fait il y a intrication avec la plupart des maladies chroniques cardiaques et vasculaires. Ces apnées représentent un véritable facteur de risque des pathologies traitées par le cardiologue. Il est donc important, sinon urgent, d’adapter une véritable stratégie diagnostique, qui ne peut se faire qu’avec l’aide d’autres spécialistes, dont le pneumologue – somnologue, l’ORL, l’endocrinologue et le médecin traitant.
État des lieux
La première étape est une bonne connaissance clinique du SAS
Le syndrome d’apnée hypopnée obstructif du sommeil (SAHOS) a une prévalence de 2 à 4 % dans la population (hommes et femmes confondus). Nous l’avons vu, son profil clinique est caractéristique, associant globalement : IMC élevé, ronchopathie, somnolence. Il est souvent détecté en milieu cardiologique en raison de ses complications potentielles : HTA (profil non dipper, HTA résistante). Il est retrouvé chez un tiers des coronariens, en arrière-plan de nombreux AVC, et souvent associé au syndrome métabolique.
Par ailleurs, chez l’insuffisant cardiaque évolué (NYHA III/IV), il faut savoir dépister un syndrome d’apnée centrale du sommeil (SAC), dont la présentation clinique est différente de celle du SAHOS, avec un malade plus « fatigué » que somnolent, se plaignant d’un mauvais sommeil, ce qui conduit à découvrir après bilan diagnostique une respiration périodique pendant le sommeil s’apparentant à une respiration de Cheyne-Stokes, essentiellement nocturne, de plus mauvais pronostic si elle est diurne.
Cela implique que les sociétés savantes aient la volonté de mettre en place dans les congrès de cardiologie et de pneumologie, des exposés, des ateliers sur le sujet. Ainsi, la Société de pneumologie de langue française organise depuis 5 ans dans son congrès annuel un atelier sur les relations cardio-respiratoires dans le SAHOS-SAC, que nous animons.
Les moyens techniques de détection en milieu cardiologique
En dehors de la clinique et des moyens polygraphiques de dépistage, des outils spécifiques permettant au cardiologue de dépister l’existence d’un SAS commencent à apparaître. Ils doivent « idéalement » se coupler aux moyens techniques actuels d’investigations quotidiennes du cardiologue. Ils doivent être « un indicateur fiable » de la présence de ce facteur de risque important qu’est le SAS.
Ainsi, depuis quelques années, certains Holters couplés à un logiciel VLFI (suite aux travaux de Roche sur la relation entre les variations RR/ECG et la probabilité d’un SAHOS) sont présents sur le marché, avec une sensibilité de l’ordre de 60 %. L’association avec des paramètres supplémentaires, par exemple l’étude des variations QT (travaux récents de Nalivaiko) ou l’étude SaO2, pourrait optimiser sa fiabilité. Enfin il existe sur le marché des outils de dépistage, comportant 1 ou 2 capteurs (flux, saturation, ronflement), qui peuvent en l’état actuel constituer un instrument pratique de dépistage du SAHOS.
Toutefois, ces technologies évoquées correspondent à la classe IV de la classification de SERIES. Cette classification d’Outre Atlantique est une sorte de référentiel, en terme de fiabilité de détection, comparativement « au gold standard » que constitue la polysomnographie, classe I.
En dehors de toute formation spécifique diagnostique, en cas de dépistage positif (ou négatif dans un contexte clinique évocateur), il est indispensable d’adresser les patients au pneumologue spécialisé dans l’étude des troubles respiratoires pendant le sommeil, pour confirmation diagnostique et choix du traitement.
Divers matériels de détection sont en cours d’élaboration, avec des spécificités de plus en plus pointues, y compris dotés de la possibilité de dissocier apnées obstructives (SAHOS) et apnées centrales (SAC), indications importantes en milieu cardiologique.
Le passage « de relais » entre les deux spécialités cardiologique et pneumologique doit se faire dans les deux sens, pour la meilleure qualité de soins apportée aux malades porteurs d’un SAHOS (recherche de complications et choix thérapeutique). Le pneumologue-somnologue peut alors prendre le relais en réalisant soit une polygraphie ventilatoire (PV) soit une polysomnographie (PSG). Cette dernière étudie plus précisément l’aspect quantitatif et qualitatif du sommeil du sujet étudié.
À l’inverse, le pneumologue interrogera son collègue cardiologue en demandant une MAPA, un Holter, une épreuve d’effort, pour débusquer une complication suspectée sur le SAS étudié.
Traitement
Le bilan pré-thérapeutique indispensable comprend, outre un bilan minimal cardiologique, une étude de la fonction respiratoire diurne et une recherche d’anomalies ORL. En fonction de ce bilan, diverses voies thérapeutiques peuvent être proposées :
La ventilation par pression positive continue (PPC)
Sa prise en charge est possible, en France, chez un malade somnolent chez qui un examen polygraphique ou polysomnographique trouve au moins 30 apnées/hypopnées par heure. Cette prise en charge peut être acceptée pour des malades qui présentent moins de 30 événements par heure, avec une pathologie cardiovasculaire chronique (HTA réfractaire, cardiopathie ischémique, etc.), avec un index d’éveil ≥ 10 (ce qui sous-entend la pratique d’une polysomnographie).
Divers types d’algorithmes de PPC peuvent être proposés sur un SAS :
- pression fixe : choix d’un niveau de pression, en centimètres d’eau, à partir duquel la composante obstructive est stabilisée, issu d’une « titration » ;
- pression autopilotée : sur une fourchette programmée à l’avance, par exemple 4 à 12 centimètres d’eau, l’appareil délivre une pression variable en fonction de l’obstruction pharyngée, à lever. Certaines peuvent, dans leur compte rendu d’observance, différencier les apnées centrales des apnées obstructives, et permettent une véritable titration, voire un changement de type de ventilation.
Des algorithmes plus élaborés ont été développés pour optimiser le confort du patient (Type A- FLEX C-FLEX, etc.)
D’autres types de ventilations existent :
- la BIPAP ou ventilation à deux niveaux de pression (indiqué chez les malades non adaptés du fait d’une pathologie respiratoire sous-jacente par exemple) ;
- les BIPAP ASV ou servo-pilotées, ou auto-asservies (figure 1), initialement adaptées au traitement des seules apnées centrales mais dont les algorithmes permettent aujourd’hui le traitement des apnées obstructives, mixtes et centrales. Elles sont d’indication plus spécifique chez les patients cardio-respiratoires, notamment insuffisants cardiaques avec respiration périodique centrale.
Certaines de ces machines nécessitent, dans un premier temps, une titration EPAP (niveau de pression pour stabiliser les apnées obstructives). D’autres réalisent automatiquement les titrations EPAP/IPAP (inspiratoire).
Figure 1. BIPAP ASV Récentes. 2 Types de masques usuels.
La mise en route de ces matériels spécifiques (BIPAP, ASV) chez des patients IC (en implémentation thérapeutique cardiologique maximum, souvent déjà dotés d’un stimulateur et traités par oxygénothérapie) justifie une prise en charge particulière et attentive : surveillance tensionnelle, SaO2, suivi ECG.
Les indications de la ventilation, du type de masque et du choix des pressions thérapeutiques sont des prescriptions médicales. Le prescripteur est responsable des résultats et doit proposer des solutions en cas d’échec du traitement ou en cas d’éventuels effets secondaires.
L’orthèse d’avancée mandibulaire (OAM) (figure 2)
Il s’agit d’un appareil dentaire nocturne dont le but est, schématiquement, de « tirer le maxillaire inférieur en avant afin d’optimiser l’espace rétro-basilingual, en diminuant les résistances. Il diminue d’environ 50 % les apnées. Globalement, son indication et sa prise en charge par les caisses est recommandée par l’HAS mais non effective pour un SAHOS modéré entre : 5 et 30 apnées/hypopnées. Elle est prise en charge pour deux orthèses inscrites, à ce jour, sur la liste LPP pour les SAHOS sévères (IAH > 30). Ce peut être aussi une alternative à une intolérance à la PPC (10 à 30 % des malades).
Figure 2. Orthèse d’avancée mandibulaire.
Son intérêt sur les complications cardiovasculaires du SAHOS paraît étayé par quelques études.
Pour son adaptation, « un articulé dentaire suffisant » est indispensable. La collaboration avec un spécialiste dentaire particulièrement compétent est essentielle.
La prothèse dorsale pour apnée positionnelle dorsale (figure 3)
Elle peut être évoquée lorsqu’il s’agit d’un syndrome d’apnée/hypopnée positionnel dorsal pur ou nettement dominant.
Figure 3. Prothèse Dorsale (mise au point CHU POITIERS), commercialisée récemment.
Une prise en charge diététique adaptée est très souvent nécessaire pour une réduction de l’IMC. Elle doit viser les effets délétères de l’obésité centrale, périviscérale, rencontrée dans nombre de SAHOS. Elle peut être associée à une réhabilitation cardiorespiratoire.
Aujourd’hui, la PPC apparaît comme « le gold standard » du traitement du SAHOS.
Une fois la PPC prescrite, une surveillance spécifique médico-administrative impose :
des règles de prescriptions :
- elle est soumise, pour remboursement à une législation des caisses : présence d’un index d’apnées (IHA) ≥ 30/h ; présence d’arguments cliniques, cardinaux de SAHOS ; l’existence d’un sommeil fractionné > 10 micro éveils (EEG, en PSG) est un argument de prescription, outre l’IHA ;
- la confirmation de l’indication de PPC est demandée entre 3 et 5 mois après la dotation, par les caisses via le prestataire, puis de façon annuelle ;
- tout ceci active la rédaction de divers documents : DEP-sécurité sociale, fiche de surveillance clinique justificative, document polygraphique original, certification d’utilisation moyenne > 3 heures de la machine, par le patient et confirmation du prestataire de service. Il est possible que, dans les prochains mois, ce temps d’utilisation passe à un minimum de 5 h par nuit. Ces documents sont de plus en plus complexes justifiant les compétences de praticiens spécialisés).
des règles d’adaptation et de surveillance :
- la PPC, traitement le plus fréquemment prescrit, reste « un outil de ventilation positive, donc un appareil respiratoire », sorte de « prothèse ventilatoire ». Cela nécessite, en amont ou en aval de sa prescription, souvent un bilan technologique respiratoire : exploration fonctionnelle respiratoire, gazométrie, parfois un examen radiologique thoracique, et une surveillance clinique respiratoire ;
- ses effets secondaires éventuels, ses relations avec certaines thérapeutiques et avec certaines pathologies doivent bien sûr faire l’objet de connaissances spécifiques.
En pratique
Le SAHOS est un facteur de risque cardiovasculaire important. Il doit être pris en compte par le cardiologue au même titre, par exemple, que le tabagisme ou le diabète.
Certains indicateurs « d’orientation diagnostique » doivent se développer à la disposition du monde cardiologique.
La prise en charge du SAHOS (choix thérapeutique et suivi) doit être confiée dans un deuxième temps à un praticien compétent en somnologie, le plus souvent pneumologue-somnologue confirmé.
Dans l’autre sens, le milieu pneumologique doit être « instruit » des facteurs de risque cardiovasculaire du SAHOS et des nécessaires explorations en conséquence qu’il doit confier au milieu cardiologique.
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