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Coronaires

Publié le 26 avr 2005Lecture 9 min

IRM et perfusion myocardique : intérêt dans le dépistage de l'ischémie myocardique

P. CROISILLE, Lyon

La scintigraphie myocardique de perfusion au thallium 201 (Tl 201) ou sestamibi (Tc 99 MIBI) reste la méthode de référence en routine clinique pour l’exploration de la perfusion myocardique ; sa valeur à la fois diagnostique et pronostique dans le spectre des situations cliniques de la maladie coronaire, et notamment pour le dépistage de l’ischémie myocardique, a été clairement établie et validée sur de très larges cohortes. Toutefois, l’IRM de perfusion peut désormais être considérée comme une technique alternative dont la valeur diagnostique est cliniquement validée, comme cela a été récemment souligné par le travail de consensus européen associant l’ESC (European Society of Cardiology) et la SCMR (Society of Cardiovascular Magnetic Ressource).

Principes techniques de l’IRM de perfusion myocardique Le principe de base de l’IRM de perfusion repose sur une imagerie obtenue simultanément à l’injection d’un traceur — ou agent de contraste — (gadolinium), réalisée en bolus grâce à un injecteur automatique par voie veineuse brachiale (0,025 à 0,1 mmol/kg, débit 4 à 6 cc/s). Les séquences d’imagerie actuelles permettent la réalisation de plusieurs coupes (3 à 6 habituellement) orientées en petit-axe, ou selon des incidences complémentaires en petit-axe et long-axe. Les plans de coupes sont étagés de la base à l’apex et sont répétés tous les cycles cardiaques durant toute la durée d’acquisition (1 à 2 minutes), de façon à couvrir le premier passage de l’agent de contraste (figure 1). Figure 1. Principe de l’IRM de perfusion au cours du premier passage. Après localisation de niveaux de coupes permettant d’étudier les niveaux basal, mi-ventriculaire et apical au minimum, les mêmes plan de coupes sont réalisés à chaque battement cardiaque (intervalle RR) au cours de l’injection en bolus du traceur, de façon à étudier la cinétique du rehaussement lié à la diffusion interstitielle du gadolinium (temps total d’acquisition de l’ordre de 1 à 2 minutes). On obtient une séquence dynamique d’images (1 image par cycle cardiaque) pour chaque niveau exploré, qui permet d’apprécier l’augmentation du signal myocardique consécutif à l’arrivée du contraste dans les capillaires et sa diffusion dans l’espace extracellulaire. Plus la perfusion régionale d’un territoire myocardique sera dense, plus la concentration locale en gadolinium sera importante et donc plus le signal régional observé au niveau des images sera élevé. L’acquisition doit être réalisée en apnée le plus longtemps possible, en particulier au cours de la phase initiale de rehaussement (15 à 20 secondes), pour réduire le plus possible les variations de signal dues au mouvement respiratoire. Différentes séquences d’imagerie pour l’étude de la perfusion sont actuellement proposées par les fabricants en sachant que le compromis recherché est une combinaison entre : • une résolution temporelle élevée permettant la réalisation d’un maximum de coupes en un minimum de temps, • une résolution spatiale élevée pour une identification des anomalies perfusionnelles sous-endocardiques, • une sensibilité élevée aux variations de signal induites par le passage du produit de contraste, • la meilleure linéarité possible entre l’intensité du signal observé et la concentration en gadolinium tissulaire effective avec une arrière- pensée de quantification de la perfusion. Parmi les séquences utilisées (écho de gradient rapide, écho de gradient avec lecture EPI, ou séquences SSFP), aucune n’a démontré une supériorité clairement établie en dehors d’avantages techniques en termes de linéarité (séquences EPI) ou de rapidité et résolution (séquences SSFP).   IRM de perfusion sous stress La combinaison d’un stress pharmacologique et de l’étude de la perfusion en IRM est indispensable pour le diagnostic d’une ischémie myocardique sur le modèle des explorations scintigraphiques. Toutefois, à l’inverse de la scintigraphie qui privilégie une épreuve d’effort au stress pharmacologique, la réalisation d’une épreuve effort n’est pas possible en pratique dans le confinement d’une IRM. Le stress repose donc systématiquement sur des vasodilatateurs artériolaires : dipyridamole (IV lente 0,56 mg/kg effectuée sur 4 min + imagerie à 8 min) ou adénosine (infusion 0,140 µg/kg/min + imagerie à 4 min), qui induisent une anomalie circulatoire dans le cadre d’une microangiopathie et/ou une hypoperfusion dans les régions vascularisées par des vaisseaux présentant des sténoses non critiques. L’injection d’aminophilline permet d’antagoniser l’effet du dipyridamole à l’issue de l’étude de la perfusion pour réaliser une étude de la perfusion au repos qui est réalisée secondairement après une dizaine de minutes. Dans le cas de l’adénosine, l’arrêt de l’injection suffit en raison de sa demi-vie très courte. Il faut noter que les effets secondaires sont nettement plus marqués et fréquents avec l’adénosine (survenue dans 80 % des cas) qu’avec le dipyridamole (50 % des cas). En revanche, les effets secondaires graves restent < 0,1 %, c'est-à-dire comparables à l’incidence observée au cours des épreuves d’effort. Il est indispensable que les patients bénéficiant d’une étude de la perfusion sous stress dipyridamole ou adénosine s’abstiennent de toute prise de café, thé, chocolat ou banane pendant les 24 heures précédant l’examen au risque d’une inefficacité prévisible du stress et donc d’un faux négatif.   Déroulement pratique de l’IRM Étape n°1 - Étude morphofonctionnelle en séquences ciné-IRM L’examen comportera toujours une exploration de la fonction contractile à la fois globale et régionale, qui consiste en une pile de coupes en incidence petit-axe associée à des incidences complémentaires long-axe 2 et 4 cavités. Cette étape permet de préciser la morphologie ventriculaire (épaisseur diastolique conservée ou remodelage myocardique avec amincissement pariétal), de quantifier la fonction VG globale (fraction d’éjection, volumes télédiastolique et systolique, masse myocardique), et de préciser qualitativement la fonction segmentaire régionale qui sera analysée selon le modèle de l’AHA en 17 segments.   Étape n°2 - Étude de la perfusion sous stress - Acquisition séquentielle dynamique réalisée sur 3 niveaux anatomiques au minimum (basal, mi-ventriculaire, apical), réalisés tous les intervalles RR, positionnés sur l’image télésystolique du ciné long-axe 2 cavités et/ou choisis à partir des ciné multicoupes SA ; - Stress pharmacologique : adénosine ou dipyridamole ; - Respect des contre-indications et des consignes de monitorage qui doit être continu pour la fréquence et le rythme cardiaque, les symptômes cliniques et périodiques toutes les minutes pour la TA (figure 2). Figure 2. Schéma général de l’IRM de perfusion combinée à une imagerie du rehaussement tardif : réalisation pratique. L’IRM de perfusion est consécutive à une injection en bolus de gadolinium (0,1 mmol/kg) et consiste en la réalisation de séries dynamiques (3 à 6 niveaux de coupes). À la fin de la séquence, le reste des 0,2 mmol/kg requis pour l’imagerie du rehaussement tardif est alors injecté. Les séquences inversion-récupération pour l’étude du rehaussement tardif sont réalisées à partir de la 10e minute postinjection. Étape n°3 - Étude de la perfusion au repos - Réalisée après l’étude sous stress pour les mêmes coupes ; - Permet de préciser l’existence d’anomalies de perfusion au repos, et d’éliminer d’éventuels artefacts ; - Sera systématiquement réalisée, sauf en cas de perfusion sous stress strictement normale. Étape n°4 - Étude du rehaussement tardif Éventuellement à l’issue de l’étude de la perfusion et de façon complémentaire (réalisé systématiquement par nombre d’équipes), une étude postgadolinium tardive peut-être réalisée pour compléter l’exploration à la recherche de séquelles postischémiques.   Diagnostic de la maladie coronaire par l’IRM de perfusion du premier passage Manning a été le premier à rapporter une étude clinique combinant l’utilisation de l’imagerie rapide avec injection par voie veineuse de gadolinium chez 12 patients porteurs d’une sténose coronaire significative. Même si cette étude n’était réalisée qu’au repos, elle a démontré qu’après un bolus de gadolinium, le myocarde ischémique présente un pic de rehaussement moins élevé et une ascension du signal moins rapide que le myocarde normalement perfusé. Cette première étude laissait entrevoir la possibilité de détecter les territoires hypoperfusés en IRM de perfusion. Depuis, plus d’une vingtaine d’études regroupant plus de 600 patients ont précisé la place de l’IRM de perfusion au cours du premier passage pour le bilan de la maladie coronaire. La plupart des études ont consisté en une évaluation qualitative de la perfusion où l’IRM de perfusion était réalisée au repos et sous stress pharmacologique (dipyridamole ou adénosine) et confrontée aux résultats de la coronarographie et/ou de la tomoscintigraphie utilisées comme méthodes de référence. Lorsque la méthode de référence pour la détection des anomalies segmentaires de perfusion est la coronarographie et qu’une analyse segmentaire par territoire vasculaire est réalisée, l’IRM de perfusion a une sensibilité moyenne de 82 % (72-94 %) et une spécificité de 89 % (87-96 %). Lorsque l’IRM est confrontée à la SPECT comme méthode de référence, sa sensibilité moyenne est alors de 84 % (80-94 %) et sa spécificité de 93,5 % (88-98 %). Lorsque l’on compare ces résultats à ceux des méthodes scintigraphiques (201 thallium ou Tc 99 MIBI), on s’aperçoit que l’IRM de perfusion a une performance proche de la scintigraphie puisque sa sensibilité varie de 65 à 82 % et que leur spécificité varie de 75 à 81 %. Si ces résultats semblent d’autant plus encourageants que les études réalisées n’ont pas suivi un même protocole standardisé, il n’en reste pas moins que des études multicentriques seront nécessaires pour préciser le rôle diagnostique et pronostique de l’IRM de perfusion pour la prise en charge de l’ischémie myocardique.   Analyse et interprétation : approche qualitative ou quantitative ? En routine diagnostique, l’analyse des séries dynamiques d’images est visuelle. Elle doit être réalisée en comparant les études, sous stress et au repos, visualisées en boucle dynamique mais aussi image par image, afin de comparer la présence sous stress. Par exemple, la comparaison d’une hypoperfusion dans un secteur myocardique qui n’existerait pas sur le même niveau au repos, telle une hypoperfusion induite par le stress pharmacologique indique ainsi la présence d’une sténose coronarienne significative ou d’une microangiopathie. L’identification d’un territoire myocardique hypoperfusé repose sur la mise en évidence d’une zone, généralement sous-endocardique, d’extension transmurale variable, qui se rehausse moins rapidement que le reste de la couronne myocardique, et qui éventuellement n’atteint pas le niveau de rehaussement du myocarde avoisinant. Cela est détectable lors du pic de rehaussement dans la cavité ventriculaire gauche, ou quelques images après, c'est-à-dire quelques cycles cardiaques plus tard (figure 3). Figure 3. Exemple de séquence de perfusion au repos et sous stress dipyridamole après injection de 0,1 mmol/kg de gadolinium, mettant en évidence sous stress un hyposignal sous-endocardique (flèches) et une hypoperfusion dans le territoire antérieur d’une ischémie en l’absence d’anomalie au repos. Comme souvent, l’analyse d’images fonctionnelles nécessite un apprentissage, portant autant sur la capacité de l’opérateur à identifier les artefacts que sa sagacité à mettre en évidence le retard d’opacification sous-endocardique, signature de l’hypodébit micro-circulatoire, c'est-à-dire de l’ischémie myocardique. Parmi les causes d’artefacts on retiendra notamment les artefacts de susceptibilité qui sont fréquents, souvent méconnus ou mésestimés, et à l’origine de faux positifs.   Analyse qualitative Lorsque l’étude de la perfusion est combinée à un stress pharmacologique pour l’étude de la réserve perfusionnelle, cette analyse pourra rester purement qualitative ou être semi-quantitative, en se basant sur la pente de la courbe entre la base et le maximum de la courbe de rehaussement. À partir des données sous stress et au repos, on peut définir un index de réserve perfusionnelle régionale qui correspond au rapport des pentes. Cette approche simple a été validée comme index permettant de détecter les anomalies de réserve perfusionnelle chez les patients coronariens.   Analyse quantitative Il est aussi possible d’analyser les données de perfusion avec une approche quantitative destinée à mesurer le débit de perfusion absolu. Cette approche nécessite le recours à des modèles d’analyse compartimentaux ou non, plus ou moins complexes, permettant comme cela a été récemment démontré par Christian et al., d’obtenir une excellente corrélation (r = 0,95) entre le débit de perfusion calculé en IRM et le débit mesuré à partir des microsphères pour les débits de 0 à plus de 5 ml/min/g. Néanmoins, ces approches ne sont pas encore utilisées en routine clinique. Selon l’approche utilisée, il faudra toutefois adapter la dose de gadolinium : • pour une approche qualitative ou semi-quantitative, la dose de chélates de gadolinium pour obtenir un rehaussement myocardique sans saturation du signal est de 0,05 à 0,1 mmol/kg injecté en bolus rapide ; • pour une approche quantitative, la dose est réduite à 0,025 mmol/kg.   Conclusion L’exploration des cardiopathies ischémiques en IRM aujourd’hui repose, outre sur l’étude morphofonctionnelle en ciné-IRM qu’il est indispensable de réaliser pour une évaluation conjointe de la fonction contractile globale et segmentaire, sur l’IRM de perfusion et l’étude du rehaussement tardif. Ces deux dernières approches permettent d’approcher l’état perfusionnel et la réserve perfusionnelle en combinaison à un stress pharmacologique et de localiser avec précision les lésions irréversibles postischémiques avec l’utilisation des séquences postgadolinium tardives.

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