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Échocardiographie

Publié le 20 mar 2007Lecture 10 min

L'échographie du cœur droit : un examen simple et rapide

T. DAMY, L. HITTINGER et J.-L. DUBOIS-RANDÉ, Fédération de Cardiologie, hôpital Henri Mondor, Créteil

L’apparition d’une dysfonction ventriculaire droite est un élément pronostique important dans les pathologies pulmonaires et cardiaques. La mesure de la fonction ventriculaire droite peut-être réalisée aisément par des paramètres échocardiographiques simples. Cette évaluation doit faire partie de toute échocardiographie au même titre que l’analyse de la fonction ventriculaire gauche.

Pourquoi analyser la fonction ventriculaire droite ? Le ventricule droit (VD) est longtemps resté le parent pauvre de l’échographiste du fait de la complexité de sa géométrie et de sa physiologie induisant des mesures difficiles et peu reproductibles. De nouveaux paramètres ont été validés ces dernières années, ce qui entraîne un regain d’intérêt pour l’analyse du VD. Par ailleurs, il a été récemment démontré que la dysfonction VD est un élément majeur du pronostic dans l’insuffisance cardiaque. Ainsi, l'équipe de Tavazzi, en étudiant les données hémodynamiques de 377 patients en attente de transplantation cardiaque, a montré que les patients à plus haut risque de décès étaient les patients associant une dysfonction ventriculaire gauche, une dysfonction ventriculaire droite et une hypertension artérielle pulmonaire. L’échocardiographie doit donc comporter, après l’analyse de la fonction ventriculaire gauche et de ses pressions de remplissage, l’analyse de la fonction ventriculaire droite. Il est désormais possible de mesurer toutes les caractéristiques du ventricule droit avec notamment sa morphologie, sa contractilité, sa cinétique, sa fonction diastolique, sa postcharge, et sa précharge. Mais le VD a une physiologie qui lui est propre et certaines notions sont importantes à connaître.   L’anatomie et la physiopathologie du VD Le VD à une forme pyramidale. Il est constitué de trois grandes parties : - une partie sous-tricuspidienne, qui est une chambre de remplissage, - une partie antéro-apicale trabéculée, - et une chambre de chasse lisse ou infundibulum. Une grande partie de la contractilité du VD est assurée par une bande musculaire, appelée éperon de Wolf. Cet éperon musculaire sépare la chambre de chasse et la chambre de remplissage. Il descend en oblique jusqu'à l'anneau triscupidien. La contraction de l'éperon de Wolf entraîne un déplacement antérieur de l'anneau triscupidien. Cette excursion antérieure de l'anneau triscupidien atteint 20 à 25 mm à l'état normal alors que les autres parois du VD (antéro-apicale) ne se déplacent que de 6 mm. L'importance de son déplacement en fait un paramètre facilement mesurable. En raison de parois fines (2 à 3 mm), le VD se comporte comme une chambre de compliance. Autrement dit, il se dilate en réponse à une augmentation brutale de sa volémie ou de sa postcharge. Cette dilatation s'associe à un aplatissement du septum interventriculaire en systole. En cas de persistance de l'élévation de la postcharge, le VD va s'hypertrophier. La persistance de l'augmentation de sa postcharge va modifier la cinétique septale qui va inverser sa courbure, devenant concave vers le ventricule droit (septum paradoxal). À terme, le septum paradoxal va participer à l'apparition d’une dysfonction diastolique du ventricule gauche. Ainsi, la dysfonction ventriculaire droite peut être une conséquence de la dysfonction diastolique mais elle peut également en être la cause.   Les paramètres échocardiographiques du VD   Mesure des dimensions La taille du VD est classiquement mesurée en comparaison à celle du ventricule gauche. Ainsi, la taille normale du VD est estimée, à l'état normal, aux deux tiers de celle du ventricule gauche. Le rapport des diamètres est donc un indice facilement mesurable. Les diamètres ventriculaires sont mesurés en incidence quatre cavités. Pour le ventricule droit, ce diamètre est mesuré au niveau du plan de l'anneau tricuspide entre le septum et sa paroi latérale (norme : 35 ± 4 mm). Un rapport inversé témoigne d'une dilatation du VD. Toutefois, cette mesure est mise en défaut dès lors qu'il existe une dilatation du ventricule gauche. Il peut être intéressant alors de mesurer la surface télédiastolique du VD pour conclure ou non à sa dilatation (surface normale < 20 ± 4 cm2). Le ventricule droit peut s'hypertrophier face à une augmentation chronique de sa post-charge. L'épaisseur de la paroi du VD est mesurée en parasternale grand axe (normale < 5 mm).   Mesure de la fonction pompe : fraction de surface et débit Il est possible de mesurer la fonction pompe du VD par plusieurs techniques : fraction de surface ou d’une fraction de volume (fraction d'éjection). Les surfaces systolique et diastolique sont mesurées en coupe 4 cavités (4c), et la fraction est calculée suivant la formule : (surface diastolique-surface systolique)/surface diastolique. La valeur normale est supérieure à 46 ± 7 %, pour Trizuli. Cette mesure est corrélée à la mesure isotopique dans l'étude de Kaul, qui avait inclus 30 patients normaux ou coronariens (r = 0,80). Les mesures des surfaces systoliques et diastoliques considérées comme normales sont respectivement 20 ± 4 cm2 et 11 ± 3 cm2. Il est également possible de mesurer une fraction d’éjection par la technique Simpson monoplan 4C. Ces mesures ont été corrélées aux mesures réalisées en mesure isotopique par scintigraphie ou par IRM par plusieurs équipes ; leurs résultats sont peu différents de ceux obtenus par des mesures plus complexes associant différents plans. Toutefois, les mesures de la fraction d'éjection et de la fraction de surface s’avèrent délicates dans la pratique quotidienne. En effet, il est souvent difficile de visualiser l'endocarde du VD en raison de nombreuses trabéculations de sa paroi antéro-apicale, d'une cavité de petite taille et/ou de la présence de matériel intracavitaire (sonde de PM ou de DAI). De plus, les mesures systolique et diastolique des volumes ou des surfaces du ventricule droit sont d'autant plus délicates que le déplacement systolique de la paroi libre du VD est faible (< 5 mm en cas de dysfonction VD). Le débit du ventricule droit est calculé en multipliant le volume d'éjection systolique à la fréquence cardiaque. Le volume d'éjection est calculé à partir de la surface de l'anneau pulmonaire (pD2/4) multipliée par l'ITV sous-pulmonaire. Cette mesure est peu utilisée, en dehors de l'évaluation des communications interauriculaires, du fait de la difficulté à évaluer correctement le diamètre de l'artère pulmonaire.   Mesure de la contractilité : TAPSE et DTI de l'anneau tricuspidien L’analyse de la contractilité cardiaque se base sur la physiologie du VD. L'excursion antérieure de l'anneau tricuspidien est un bon reflet de la contractilité du ventricule droit. Deux paramètres sont mesurables en coupe 4 cavités axée sur le ventricule droit. Tout d'abord, le TAPSE (Tricuspide Annular Plane Systolic Excursion) mesuré en mode TM. L'abaissement d'une ligne TM sur la partie latérale de l'anneau tricuspidien permet de mesurer son excursion systolique (figure 1). L’intérêt de cette mesure est sa reproductibilité, sa simplicité et son accessibilité à tous les appareils échocardiographiques. Figure 1. Mesure du TAPSE de deux patients avec fonction ventriculaire gauche < 35 %. A : TAPSE = 23 mm, contractilité droite conservée. B : TAPSE = 14 mm; altération modérée de la contractilité du ventricule droit. Kaul et al. ont affiné cette mesure par la corrélation à la fraction d'éjection isotopique chez 30 patients : – 5 mm correspondent à une FEVD à 20 %, – 10 mm à 30 %, – 15 mm à 40 %, – et 20 mm à 50 %. L'équipe de Tavazzi a comparé chez 140 patients avec dysfonction ventriculaire gauche (FEVG < 35 %) la mesure du TAPSE et de la fraction de surface. Ces deux mesures sont corrélées respectivement à la fraction d'éjection mesurée par cathétérisme droit (r = 0,62 ; r = 0,69). Les reproductibilités intra- et interobservateurs étaient meilleures avec le TAPSE qu'avec la fraction de surface (respectivement : 0,94 vs 0,85 et 0,93 vs 0,81). Le TAPSE a aussi une valeur pronostique dans l'infarctus du myocarde quelle que soit sa topographie. Un TAPSE < 15 mm est retenu comme un élément de mauvais pronostic. Le DTI de l’anneau tricuspidien En plaçant le curseur du Doppler tissulaire sur la partie latérale de l'anneau tricuspidien, on visualise des ondes St', Et' et At' (figure 2). L’onde St' mesure la vitesse de déplacement longitudinal de l'anneau tricuspidien. La normale est > 15 cm/s. Dans l’insuffisance cardiaque, une mesure < 11,5 cm/s est péjorative, comme l'a démontré Meluzin. Enfin, il faut souligner qu'il existe une bonne corrélation entre l’onde St' et le TAPSE. Figure 2. Mesure la vitesse maximale de l'onde St' mesurée en Doppler tissulaire. Une valeur < 11,5 cm/s dans l'insuffisance cardiaque est un facteur de mauvais pronostic. A : onde St' mesurée à 4 cm/s, altération importante de la contractilité du ventricule droit. B : onde St' mesurée à 14 cm/s, contractilité ventriculaire droite quasi-normale. Analyse de la cinétique du ventricule droit L'analyse de la cinétique du VD est importante dans le contexte d'infarctus du VD. Elle doit comporter l'analyse de tous les segments du ventricule droit sans oublier sa paroi inférieure ou diaphragmatique visible en coupe 2C et/ou en coupe petit axe. Ces anomalies segmentaires de la cinétique peuvent être isolées ou associées à une dysfonction systolique et/ou une dysfonction diastolique du ventricule droit. Analyse de la fonction diastolique du VD La fonction diastolique du VD peut être mesurée par le Doppler pulsé tricuspidien par l'étude des ondes Et, At et leur rapport (Et/At). Un rapport Et/At > 2 est en faveur de pression de remplissage VD augmentée et/ou de restriction. Toutefois, ces mesures doivent être moyennées sur plusieurs cycles du fait de variations importantes lors de la respiration. L'étude du flux de l'insuffisance pulmonaire est utile en cas d'anomalie de la compliance du VD. En effet, lorsque la pression VD augmente rapidement en diastole, elle atteint une valeur plateau (dip-plateau) ; cela se traduit par la diminution rapide de la régurgitation pulmonaire et donc une diminution de son temps de décroissance. Ainsi, une PHT du flux d'IP < 150 ms signe l'atteinte hémodynamique du VD dans l'infarctus inférieur.   Mesure de la postcharge et de la précharge du VD La mesure de la postcharge VD, c’est-à-dire des pressions pulmonaires, fait partie de l’examen échocardiographique de base et est classiquement estimée par la mesure du gradient de pression entre l’OD et le VD en systole, autrement dit par la mesure du pic de vitesse de l’IT avec laquelle l’équation de Bernoulli ((PVD-POD) = 4VmaxIT2) nous permet d’estimer le gradient de pression entre ces deux cavités en additionnant la pression de l’oreillette droite. Toutefois, il existe certaines limites à cette mesure : l’absence d’insuffisance tricupside visualisée (50 % des patients normaux, 20 % des patients en insuffisance cardiaque) et la présence d’une insuffisance tricuspide importante (flux laminaire en pulsé). Pour démasquer les IT, il est possible, à partir une coupe parasternale grand axe, de becquer la sonde vers la gauche et d’obtenir une coupe axée sur le VD et ses valves septales et postérieures. Enfin, en présence d’une IT importante, le flux d’insuffisance pulmonaire peut être utilisé. Dans ces deux cas, il faudra estimer la pression auriculaire droite (c’est-à-dire la précharge du ventricule droit). L’estimation la plus simple de la pression dans l’oreillette droite est d’estimer le diamètre maximal de la veine cave inférieure et sa variation en fonction du cycle respiratoire (cf. Cardiologie Pratique n°781).   Évaluation d’une fuite tricuspidienne La mesure de l’IT est importante ; elle peut se faire par l’importance de la fuite en Doppler couleur en réalisant une cartographie du jet se propageant dans l'oreillette droite, par l'étude de la zone de convergence (PISA, figure 3A) ou par la recherche d’un reflux dans les VSH avec une inversion de l’onde S (figure 3D). En pratique quotidienne, l'évaluation de l'importance de l'insuffisance tricuspide permet d'éviter de sous-estimer la valeur des pressions artérielles pulmonaires (figure 3B et 3C). Figure 3. IT importante. A : mesure de la PISA. B : flux d'IT laminaire sous-estimant les PAPS (PAPS = 15 mmHg + Pod (estimée à 15 mmHg) = 30 mmHg). C : mesure des PAPS sur l'insuffisance pulmonaire : PAPS = 3 x 4 (VprotoD)2 – 2 x 4 (VtéléD)2 + Pod = 3 x 21 – 2 x 5 + 15 = 68 mmHg. D : reflux dans les veines sus-hépatiques de l'IT, avec inversion du flux en systole. Évaluation des résistances artérielles pulmonaires L’estimation des résistances pulmonaires reste un enjeu important dans les stades évolués de l’insuffisance cardiaque, notamment dans l’évaluation de faisabilité de la greffe cardiaque (risque de défaillance VD du greffon). Ces résistances sont calculées en cathétérisme par l’équation suivante : (PAPm-Pcap)/Qcard (PAPm : pression artérielle pulmonaire moyenne, Pcap: pression capillaire, Qcard : débit cardiaque). Deux équipes ont décrit des techniques pour mesurer les résistances artérielles pulmonaires à l’échographie. • Stein a estimé les différents paramètres de l’équation par leur mesure directe en échocardiographie et a obtenu des corrélations à 0,84 chez 21 patients insuffisants cardiaques. Cette technique est complexe puisqu'elle nécessite la présence d'une insuffisance mitrale, d'une insuffisance pulmonaire, d'une insuffisance tricuspide et la mesure de la pression artérielle concomitamment. La PAPm est mesurée à partir de la PAP systolique (PAPs, mesurée sur le flux d'IT) et de la PAP diastolique (PAPd) calculée à partir de la vitesse télédiastolique de l'insuffisance pulmonaire (PAPm = PAPd - 1/3 (PAPs - PAPd). La pression capillaire est estimée à partir de la pression artérielle systémique diastolique de laquelle est soustrait le gradient de pression entre l'oreillette gauche et le ventricule à l'ouverture des sigmoïdes aortiques. Cette dernière mesure est effectuée à partir du flux d'insuffisance mitrale et de sa vitesse à l'ouverture des sigmoïdes aortiques (temps de prééjection aortique) (Pcap = PAdia - 4Vim-ao 2). • Abbas a démontré, en utilisant 44 patients ayant des pathologies cardiopulmonaires diverses (FEVG moyenne : 54 %), une bonne corrélation (0,93) entre les résistances mesurées en cathétérisme et le rapport de la Vmax de l’IT (m/s) et de l’ITV sous-pulmonaire (cm). Ce rapport serait proportionnel au rapport ((PAPmoy-Pcap)/Qcard). Un rapport > 0,2 prédirait des résistances > 2 unités Wood. Quoi qu’il en soit, ces techniques complexes restent à confirmer par d’autres études comportant exclusivement des patients chez lesquels la mesure des résistances influera sur la prise en charge. En conclusion L’échographie du VD (mesure TAPSE, PAPS, quantification de l’IT) est un examen rapide, simple, et de valeur pronostique non négligeable dans l'évaluation des pathologies pulmonaires et cardiaques.

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