Chirurgie
Publié le 10 juin 2008Lecture 5 min
L'atrioseptostomie : une alternative dans le traitement de l'HTAP
L. DROGOUL , P. CERBONI , S. MOSCHIETTO, F. RAYBAUD, E. FERRARI, CHU de Nice
L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est une affection rare mais grave. Si des traitements récents semblent modifier l’évolution de cette maladie dans le bon sens, le pronostic à moyen terme reste sombre.
L’atrioseptostomie est une option thérapeutique chez les patients atteints d’HTAP sévère. Surtout développée dans des pays qui ne peuvent se permettre de rembourser le prix exorbitant des traitements de fond utilisés dans nos pays « riches » ; cette technique peut aussi avoir une place dans la prise en charge de cette maladie chez nos patients, comme l’illustre cette observation.
L'atrioseptostomie percutanée consiste à ponctionner le septum interauriculaire afin de créer un défect septal (par des inflations répétées au ballon) afin d’obtenir un shunt droit-gauche. Ce shunt doit permettre de décharger le cœur droit. Cette dérivation est aussi censée augmenter les pré- et postcharges du ventricule gauche avec une amélioration de la perfusion tissulaire. En revanche, ce shunt (qui sera toujours droit-gauche) va bien évidement créer une baisse de la saturation en oxygène qui doit être « contenue » et « contrôlée ». Toute la difficulté de l’indication mais aussi de la technique est là.
Cas clinique
Mme O… est une patiente de 43 ans suivie depuis 4 ans pour une HTAP sévère postembolique. Elle est hospitalisée en urgence pour une défaillance cardiaque droite. Elle a déjà présenté plusieurs épisodes de décompensation cardiaque droite avec aggravation progressive de son HTAP vers un stade IV de la NYHA et ce, malgré un traitement médical optimal (prostaglandine en continu après sildénafil et bosentan, diurétiques à fortes doses, oxygénothérapie longue durée et AVK).
Cette patiente a été proposée pour une endartériectomie pulmonaire mais récusée en raison d’une situation hémodynamique trop grave.
Le bilan biologique confirme des signes de gravité et de mauvais pronostic : le BNP est > 1200 pg/ml en plateau et, malgré le traitement diurétique de fond (furosémide 160 mg/j), la troponine Ic est élevée de façon significative à 0,45 unités. Un TDM thoracique écarte une récidive d’EP.
L’atrioseptostomie est proposée à cette patiente en attente d’éventuelle transplantation. La technique choisie est la moins agressive possible. L’abord est fémoral droit artériel et veineux. Un désilet 4F est introduit dans l’artère fémorale droite puis une sonde pigtail est positionnée dans la racine de l’aorte. La voie d’abord artérielle va permettre un recueil des gaz du sang pré-, per- et post-procédure afin d’ajuster au mieux la taille du shunt septal en fonction de la saturation artérielle en O2 et ou de la PAO2. La pigtail positionnée dans l’aorte ascendante va servir de repère pour la ponction trans-septale selon la technique décrite par A. Cribier et Eltchaninoff(1). Une sonde de Mullins est positionnée dans l’oreillette droite. La ponction trans-septale est réalisée à l’aiguille de Brockenbrough. Le guide 0,035 est positionné dans l’oreillette gauche si possible dans une des veines pulmonaires. Un ballon OTW de 4 mm est inflaté au niveau du septum (figure 1). Comme l’ont décrit précédemment dans leurs études les équipes de Sandoval et de Kurzyna, nous avons adapté la taille du « trou » à la saturation artérielle en O2, afin de ne pas la faire chuter à moins de 85 %. Cela a été obtenu avec des tailles croissantes de ballon jusqu’à 7 mm.
Figure 1. Dilatation au ballon du septum interauriculaire.
Le contrôle du shunt ainsi que le positionnement du ballon sur le septum étaient fait à la fois en scopie et par échographie cardiaque transthoracique. Un contrôle final du shunt est réalisé par une injection de produit de contraste dans l’oreillette droite (figure 2).
Figure 2. Contrôle du shunt OD/OG par injection de produit de contraste dans l’OD.
L’amélioration tant sur le plan clinique que biologique a été rapide avec une augmentation du périmètre de marche de 350 à 430 mètres ainsi qu’une diminution du taux de BNP de 1200 U à 421 U en 24 h. Un contrôle échographique à J2 visualise parfaitement le shunt avec un diamètre mesuré de 7,5 mm (figure 3). La patiente sort 48 h après l’intervention.
Figure 3. Visualisation du shunt en ETT.
Discussion
L’atrioseptostomie est une alternative thérapeutique(2) chez les patients atteints d’HTAP, utilisée notamment en « bridge » dans l’attente d’une transplantation. Elle peut être proposée aussi pour ceux qui s’aggravent sous traitement médical optimal sans espoir d’intervention rapide. Cette technique fait partie des recommandations de l’ACCP en 2004(3) (grade C) et doit être faite par des équipes entraînées. Les symptômes des patients s’aggravant de façon itérative sur le mode d’une insuffisance cardiaque droite malgré un traitement médical optimal représentent probablement la bonne indication.
La première atrioseptostomie dans cette indication a été réalisée en 1983 par Rich et Lamb(4) ; la technique utilisée était alors celle de Rashkind. L’idée est venue de créer un shunt après que quelques séries de la littérature aient constaté que parmi les patients porteurs d’une HTAP, ceux avec un syndrome d’Eisenmenger ou porteur d’un FOP avaient un meilleur taux de survie. Plusieurs séries ont ensuite été publiées avec de petits groupes de patients. Sandoval et coll.(5) ont présenté une série de 15 patients avec un taux de mortalité per procédure de 7 % et un taux de survie à 1,2 et 3 ans de 92 % contre respectivement 73 %, 59 % et 52 % dans un groupe témoin « historique » de patients atteints d’HTAP. Dans cette étude, la technique utilisée était celle de Rashkind. L’atrioseptostomie était faite grâce à des ballons de diamètre croissant en moyenne de 6 à 16 mm. Il y avait dans cette étude (avant l’avènement des traitements de fond) une amélioration significative de la classe fonctionnelle ainsi que du périmètre de marche 191 ± 101 avant versus 282 ± 73 après la création du shunt (p = 0,05).
Kurzyna a publié dans Chest en 2007(6) une série de 14 patients ayant bénéficié d’une atrioseptostomie. La mortalité à J30 était de 9 % avec une mortalité à 1 an de 63 %, sans différence significative sur la mortalité à 1 an (par rapport au taux de mortalité prédictible). Cependant, on notait une amélioration de la classe fonctionnelle NYHA de 3,2 ± 0,4 à 2,6 ± 0,7.
Un des problèmes soulevé par cette technique est la fermeture spontanée à distance du shunt créé (en moyenne dans 30 % des cas). Récemment a été publiée(7) la possibilité dans de recréer un shunt avec un système Amplatzer utilisé pour la fermeture de FOP « customisé » afin de créer un shunt définitif.
En pratique
L’atrioseptostomie est donc une thérapeutique à considérer dans le traitement de cette pathologie rare et grave qu’est l’HTAP. Cette technique est simple à mettre en œuvre et de faible coût. Elle doit néanmoins être réalisée par des équipes ayant une expérience à la fois de cette pathologie rare qu’est l’HTAP (pour une bonne indication) et aussi de la cardiologie interventionnelle (pour un minimum de complication).
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