Publié le 13 nov 2007Lecture 3 min
Organisation de la prise en charge de l'infarctus en réseau : au bon moment, au bon endroit
L. BELLE, CH d’Annecy et F.-X. AGERON SAMU 74 et CH d’Annecy
La prise en charge de l’infarctus du myocarde (IDM) avec sus-décalage du segment ST (STEMI) est une urgence médicale. Il existe une relation claire entre la réalisation d’une reperfusion, les délais de réalisation de celle-ci et la mortalité.
Améliorer la prise en charge
Dans la pratique, environ 30 % des patients victimes de STEMI ne sont pas reperfusés et seule une minorité accède à une reperfusion dans les délais recommandés :
– « Door-needle » < 30 min pour la fibrinolyse,
– et « Door-balloon » < 90 min pour l’angioplastie primaire.
L’enthousiasme pour l’angioplastie primaire doit s’accompagner d’un réel effort de réduction des délais « Door-balloon ». L’évaluation de ces délais représente un indicateur indiscutable de la qualité de la prise en charge. La gestion initiale du STEMI requiert de nombreux intervenants.
Il devient nécessaire de définir, a priori, les stratégies de prise en charge en fonction des conditions géographiques locales et de l’offre de soin. Les cardiologues et les urgentistes doivent s’entendre sur des protocoles pour une pratique plus homogène. On assiste actuellement à l’émergence d’un nouveau concept de « réseau » pour améliorer les organisations régionales ou infrarégionales. Ces réseaux mettent en place une évaluation de leurs pratiques avec un retour d’information aux acteurs de terrain.
À Vienne, en Autriche (Kalla, Circulation 2006 ; 113 : 2398), à Minneapolis (Henry, Circulation 2007 ; 116 : 721) ou dans le Minnesota (Ting, Circulation 2007 ; 116 : 729) aux États-Unis, des réseaux de prise en charge ainsi définis viennent de prouver qu’une meilleure organisation permet d’augmenter les taux de reperfusion, les chances de bénéficier d’une angioplastie primaire plus rapidement et d’améliorer le taux de survie.
Après les immenses progrès techniques et scientifiques réalisés dans les dernières décennies, l’heure est à l’adhésion en pratique, aux preuves apportées par l’« evidence-based medicine » (EBM), développée par les multiples grandes études randomisées. Nous assistons actuellement à la preuve de l’efficacité de ces systèmes de soins.
Une expérience alpine
Dans les Alpes, le RENAU (réseau nord alpin des urgences) et le RESURCOR (réseau des urgences coronaires) essaient de répondre à ces objectifs depuis 2002 (Ferrier, Arch Mal Cœur 2007 ; 100 : 13). Le RESURCOR regroupe 4 centres de cardiologie interventionnelle (un CHU, un CHG, une clinique privée et un PSPH), 17 services d’urgence, 12 services de cardiologie, 3 SAMU et 12 SMUR. Un algorithme décisionnel a été élaboré pour proposer le mode de reperfusion en fonction du statut clinique du patient et du délai d’accès à l’angioplastie (tableau 1). Cet arbre décisionnel est réévalué régulièrement, en fonction notamment des résultats issus du registre permanent de la prise en charge du STEMI (Fourny, Arch Mal Cœur 2006 ; 99 : 798). Ce registre des STEMI montre que les délais d’accès à la reperfusion se sont améliorés dans le temps, avec un accès direct et systématique pour tous les patients, dans l’un des 4 centres de cardiologie interventionnelle, et un accès direct en salle de cathétérisme en cas d’indication d’angioplastie primaire ou de sauvetage (tableau 2) (Debaty, Arch Mal Cœur 2007 ; 100 : 105).
Dans les zones les plus éloignées d’un centre de cardiologie interventionnelle, des médecins correspondants-SAMU fibrinolysent les patients avant l’arrivée du SMUR, ce qui a permis un gain médian de plus d’une heure par rapport à la fibrinolyse préhospitalière (Belle, Arch Mal Cœur 2007 ; 100 : 158). Ces médecins ont aussi été formés pour réaliser une défibrillation. Les traitements adjuvants à la reperfusion sont proposés par le bureau du réseau, en accord avec les recommandations internationales : les HBPM ou l’héparine et 300 mg de clopidogrel en cas de fibrinolyse, les anti-GPIIb/IIIa préhospitaliers, 600 mg de clopidogrel et l’héparine en cas d’angioplastie primaire. Tous les patients victimes de STEMI admis dans un centre de cardiologie interventionnelle retournent rapidement et de façon sécurisée, dès le deuxième jour, vers le centre de proximité. Le RENAU et le RESURCOR ont pour vocation d’organiser, d’homogénéiser, de synchroniser les prises en charge. En urgence, le patient doit arriver au bon endroit pour le traitement le plus efficace, le plus proche de son domicile. C’est issues du terrain que les décisions se prennent collégialement et de façon consensuelle. Un site internet permet de diffuser l’information et de communiquer plus facilement (www.renau.org).
Les réseaux de prise en charge, l’amélioration des organisations, l’adhésion progressive à l’EBM et l’évaluation continue des pratiques sont en train de transformer l’essai marqué par la progression de la science au cours de ces 20 dernières années.
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