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Valvulopathies

Publié le 16 jan 2007Lecture 7 min

Phénomène de Raynaud : comment le traiter ?

Y. ALLANORE, Service de Rhumatologie A, Hôpital Cochin, Paris

Le phénomène de Raynaud est très fréquent et les formes idiopathiques (maladie de Raynaud) sont de loin les plus nombreuses. Leur traitement repose principalement sur une hygiène de vie, mais celui des formes secondaires fait appel à des vasodilatateurs. La sclérodermie systémique est particulièrement liée à cette anomalie vasculaire qui pourrait en être un des dérèglements clés.

Définition Le phénomène de Raynaud, reconnu en 1862 par Maurice Raynaud, est un accès d’ischémie des doigts, et parfois des orteils, déclenché par le froid ou le stress et complètement réversible en quelques minutes car il résulte d’un spasme artériolaire. La vasomotricité cutanée des extrémités des membres possède une réactivité particulière en raison de son rôle effecteur de la thermorégulation. Les troubles vasomoteurs, qui s’intègrent dans les acrosyndromes vasculaires, s’expriment ainsi tout particulièrement aux extrémités qu’il existe ou non des anomalies structurales artériolaires. Le premier temps est la distinction sémiologique de cette entité des autres acrosyndromes vasculaires. Typiquement une crise vasomotrice est caractérisée par trois phases successives.   La phase syncopale Elle est marquée par une pâleur remontant de la distalité vers la racine du doigt et à limite nette, elle dure de quelques secondes à plusieurs minutes ; les phalanges des doigts deviennent blanches (figure 1), parfois ivoire, engourdies et hypoesthésiques du fait de l’ischémie. Le mécanisme est une vasoconstriction sympathique des artérioles terminales et des sphincters précapillaires qui exclut le lit capillaire. Figure 1. Phase syncopale des 4e et 5e doigts. La phase asphyxique Celle-ci est marquée par une cyanose ; les extrémités deviennent bleues (figure 2), elles restent froides et parfois dysesthésiques. C’est la phase veinulaire du phénomène. Figure 2. Phase asphyxique des 3e, 4e et 5e doigts. La phase d’hyperthermie réactionnelle Également appelée phase hyperhémique, elle est marquée par des doigts rouges et douloureux avec parfois une sensation de brûlures ; la réouverture du lit capillaire souligne plus ou moins nettement la fin de la crise. Il existe toutefois des formes incomplètes ou atypiques. Le phénomène de Raynaud semble présent chez 5 à 10 % de la population générale. Le sexe féminin, un climat froid, un travail en extérieur et un faible poids semblent être des facteurs de risque. Les diagnostics différentiels sont l’acrocyanose (acrosyndrome permanent avec aspect cyanique, indolore, volontiers humide avec hyperhidrose qui résulte d’une stase capillaro-veineuse), l’érythermalgie (vasodilatation déclenchée par la chaleur, douloureuse; elle peut révéler ou compliquer un syndrome myéloprolifératif, une vascularite, une intoxication aux métaux lourds ou un diabète) et les engelures (papules violacées œdémateuses à la face dorsale des doigts et orteils par hypersensibilité au froid) et les gelures (par froid intense, lividité, bulle puis nécrose).   Les étiologies Le phénomène de Raynaud est le plus souvent idiopathique mais il peut révéler des affections systémiques ou vasculaires avec au premier plan les connectivites chez la femme et les pathologies professionnelles ou l’athérosclérose chez l’homme.   La maladie de Raynaud Elle représente la majorité des phénomènes de Raynaud (80 % des cas), elle est bénigne dans son expression et son évolution. Elle dépend d’un vasospasme excessif sans lésion organique artérielle. Le principal problème est le préjudice esthétique. Le phénomène de Raynaud idiopathique prédomine chez la femme, débute à l’adolescence, touche les 2 mains de façon bilatérale et symétrique en épargnant les pouces. Les pouls radial et cubital sont présents à l’examen, il n’y a pas de troubles trophiques ni de nécrose et pas de maladie générale sous-jacente. La manœuvre d’Allen fait partie de son évaluation (tableau 1). Le traitement repose sur une hygiène de vie : éviction du tabac, du froid, des médicaments vasoconstricteurs. Si la gêne est importante, de petites doses d’inhibiteurs calciques peuvent être utiles en période froide. Le syndrome de Raynaud Lorsque les signes sont bilatéraux, le phénomène de Raynaud est un symptôme d’une maladie générale ou loco-régionale sous-jacente. Il résulte d’une atteinte de paroi artérielle, d’une modification du tonus vasculaire artériel, ou de modification du contenu des vaisseaux (viscosité plasmatique ou sanguine). Les nombreuses étiologies sont résumées dans le tableau 2. Un phénomène de Raynaud unilatéral est quasiment toujours secondaire. Il faut évoquer un syndrome du canal carpien (compression du sympathique au niveau du poignet d’où un vasospasme distal) ou un syndrome du défilé thoraco-brachial (même principe), une maladie professionnelle (marteau-piqueur), un syndrome du marteau hypothénar (syndrome des carreleurs : anévrisme à l’origine de l’artère ulnaire ou cubitale) enfin, une cause embolique ou tumorale. En cas de suspicion de syndrome de Raynaud, les explorations suivantes peuvent être proposées : • une capillaroscopie permet la visualisation des anses capillaires parallèles au rebord unguéal : les anses normales sont fines, 10 à 15 par mm, il n’y a pas d’œdème ou d’hémorragie péricapillaire. Les principaux signes pathologiques pour le diagnostic des maladies systémiques sont la raréfaction capillaire et la présence de mégacapillaires (très dilatés, parfois visibles à l’œil nu); • une évaluation biologique comportant un hémogramme, une mesure de la vitesse de sédimentation érythrocytaire, la recherche d’anticorps anti-noyaux et leur typage le cas échéant.   Traitement Le traitement sera celui de la cause le cas échéant : chirurgie du canal carpien, du syndrome du défilé, d’une artériopathie oblitérante,etc. Dans les formes associées aux connectivites, les cas les plus sévères sont rencontrés dans les sclérodermies systémiques (figure 3) et les connectivites mixtes. L’extrême réactivité au froid rend indispensable les mesures de protection physique : port de gants (moufles, chaufferette), écharpes, chapeaux. Les médicaments disponibles sont détaillés dans le tableau 3. Figure 3. Mains sclérodermiques avec aspect cutané luisant, tendu, dépigmentation, troubles circulatoires touchant tous les doigts, rétraction en flexion. Les inhibiteurs calciques ont démontré dans des études contre placebo leur intérêt pour réduire la fréquence et la sévérité des épisodes ischémiques digitaux ; leur tolérance est en général satisfaisante chez les patients avec activité vasculaire. Les inhibiteurs des récepteurs de type II à l’angiotensine et les inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine ont montré des résultats plus modérés et préliminaires. Les antiaggrégants ont fait l’objet d’une étude négative mais les critères de jugement sont délicats dans ce domaine et, en pratique, l’aspirine à faible dose est très souvent associée. La sympathectomie digitale, une métaanalyse menée sur ses effets a conclu à un niveau de preuve insuffisant pour recommander cette thérapeutique. Les prostacyclines, dans les formes plus sévères, avec ulcères, nécrose ou gangrène (figure 4), sont indiquées (indication officielle en cas de trouble trophique pour l’ilomédine). Elles sont utilisées en hospitalisation, par voie parentérale en traitement discontinu (8-12 heures par jour pendant 5 à 10 jours). Les formes orales ou inhalées semblent beaucoup moins efficaces. Parmi les perspectives, le bosentan a montré, dans une étude contrôlée sur 16 semaines, sa capacité à réduire le nombre de nouveaux ulcères (2,7 dans le groupe placebo contre 1,4 dans le groupe bosentan) au cours de la sclérodermie systémique. Toutefois, le nombre de patients développant un nouvel ulcère n’était pas différent entre les 2 groupes (58 vs 61 %) et il existait une tendance à une moins bonne cicatrisation des ulcères préexistants dans le groupe traité. Un essai contrôlé a montré des bénéfices microcirculatoires avec le cilostazol qui est un inhibiteur de phosphodiestérase et l’effet potentiel du sildénafil a été suggéré. Des dérivés de la pipéridine, qui agissent comme antagonistes sélectif alpha 2C adrénergiques, ont montré dans une étude contrôlée leur capacité à améliorer la reperfusion après un spasme induit par le froid. Figure 4. Complications vasculaires du syndrome Raynaud au cours de la sclérodermie systémique; ulcère pulpaire, nécrose et gangrène digitale. Raynaud et sclérodermie Le phénomène vasculaire spastique semble un des éléments fondamentaux de la sclérodermie systémique ; l’aspect de mains sclérodermiques est illustré en figure 3 et les complications vasculaires présentées en figure 4. L’atteinte microcirculatoire a notamment été bien démontrée au niveau myocardique. Elle serait à l’origine des anomalies de perfusion myocardique précoces et les phénomènes d’ischémie-reperfusion répétés favoriseraient la fibrose myocardique tardive et irréversible. En plus de leurs effets antispastiques, les inhibiteurs calciques dihydropyridiniques ont montré leur capacité à diminuer des marqueurs systémiques du stress oxydant et de lésion endothéliale dans cette maladie. Ces effets découlent probablement de leurs propriétés vasomodulatrices mais ces produits sont également capables de diminuer les surproductions d’anion superoxyde par les monocytes circulants, alors que les radicaux libres sont fortement suspectés de participer aux différents processus lésionnels de la maladie. Ainsi ces molécules pourraient avoir des mécanismes d’action multiples, ce qui renforce leur place comme un des traitements pivots de cette maladie. Il est recommandé une prescription systématique et prolongée de cette classe dans la sclérodermie systémique si possible à forte dose (60 mg/j de nifédipine ou 150 mg/j de nicardipine) avec un renforcement en période froide.

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