Valvulopathies
Publié le 04 nov 2008Lecture 5 min
Prise en charge d’un rétrécissement aortique décompensé
B. IUNG, Hôpital Bichat, Paris
Les Journées françaises de l'insuffisance cardiaque
Le rétrécissement aortique calcifié (RAC) est la cardiopathie valvulaire la plus fréquente dans les pays occidentaux. Bien que les recommandations précisent clairement qu'une intervention est indiquée dès l'apparition des premiers symptômes, certains patients sont pris en charge à un stade évolué de leur cardiopathie. L'insuffisance cardiaque résulte le plus souvent de la conjonction d'un RAC serré et d'une dysfonction ventriculaire gauche témoignant du dépassement des capacités d'adaptation du myocarde face à l'augmentation de postcharge ou d’une pathologie myocardique autonome. La décompensation cardiaque peut être une complication évolutive d'un RAC connu mais elle peut également être révélatrice de la valvulopathie. Dans l'Euro Heart Survey, un RAC était diagnostiqué chez 7 % des patients se présentant avec un tableau d'insuffisance cardiaque aiguë. Si le traitement médical est bien codifié, le principal problème est celui de la décision d'intervention chez ces patients à haut risque.
Traitement médical
La prise en charge médicale initiale d'une sténose aortique décompensée ne présente pas de spécificité particulière et doit suivre les recommandations du traitement de l'insuffisance cardiaque. En particulier, le recours aux vasodilatateurs n'est pas contre-indiqué et améliore les paramètres hémodynamiques des patients présentant une sténose aortique avec dysfonction ventriculaire gauche décompensée. De même, le recours aux inotropes est possible, notamment la dobutamine, avec les précautions d'utilisation usuelles.
Traitement chirurgical
Les éléments de la décision
• Histoire naturelle
La valeur pronostique péjorative de l'insuffisance cardiaque est associée à une médiane de survie inférieure à 2 ans. Dans une série récente, l'association d'une insuffisance cardiaque et d'une FEVG < 50 % est associée à une médiane de survie inférieure à 1 an chez les patients présentant un RAC serré.
• Risque opératoire
La mortalité opératoire du remplacement valvulaire aortique chez des patients présentant un RAC avec dysfonction ventriculaire gauche est estimée entre 10 et 20 % dans les principales séries récentes (tableau 1), alors qu'elle est inférieure à 5 % en population générale.
• Résultats tardifs
Si la mortalité opératoire est élevée, la survie postopératoire est généralement bonne et n'est pas associée à une surmortalité tardive, en particulier s'il n’existe pas de coronaropathie sévère.
En pratique, la décision d'intervention doit s'efforcer d'évaluer individuellement le rapport bénéfice/risque en fonction des caractéristiques du patient.
Stratification du risque
Une étude néerlandaise effectuée dans les années 1990 a montré que l'insuffisance cardiaque et la dysfonction ventriculaire gauche sont les deux facteurs pronostiques majeurs de l'histoire naturelle du RAC. Malgré une mortalité opératoire accrue, les patients présentant un RAC serré en classe III ou IV de la NYHA et une dysfonction ventriculaire gauche étaient ceux qui tiraient le plus bénéfice de la chirurgie de remplacement valvulaire aortique comparativement à l'histoire naturelle. Une étude américaine plus récente ne comportant que des patients avec une FEVG < 35 % aboutissait aux mêmes conclusions concernant le bénéfice de la chirurgie.
La stratification du risque doit tenir compte non seulement de la sévérité de la cardiopathie, mais aussi de l'ensemble des caractéristiques des patients. Il est donc nécessaire d'estimer le risque opératoire en fonction de l'ensemble de tous ces paramètres à l'aide de scores de risque multivariés validés tels l'Euroscore.
La prise en compte de l'âge et des comorbidités est également justifiée car ce sont des déterminants importants de l'espérance de vie indépendamment de la cardiopathie.
Dans le cas particulier du RAC avec dysfonction ventriculaire gauche, la présence d'une réserve contractile, évaluée d'après l'échocardiographie sous dobutamine à faible dose, est un autre élément de stratification individuelle du risque. Les patients présentant une réserve contractile ont une mortalité opératoire plus faible et une survie tardive meilleure que ceux n'ayant pas de réserve contractile. Toutefois, même les patients n'ayant pas de réserve contractile sont susceptibles de tirer un bénéfice fonctionnel de l'intervention chirurgicale.
La présence d'une réserve contractile n'est donc pas un critère de décision isolé pour l'indication opératoire mais doit être pris en compte avec l'ensemble des autres facteurs.
Recommandations
Il convient tout d'abord de s'assurer que le RAC est serré.
Le seuil admis est une surface < 1 cm² ou, mieux, 0,6 cm²/m² de surface corporelle.
Les chiffres de surface doivent toutefois être confrontés à ceux du gradient et de la fonction ventriculaire gauche car l'estimation de la surface est plus sujette aux erreurs de mesure, en particulier en cas de dysfonction ventriculaire gauche.
Les recommandations de la Société européenne de cardiologie soulignent qu'il n'existe pas de seuils de dysfonction ventriculaire gauche devant contre-indiquer la chirurgie de remplacement valvulaire aortique tant que le gradient aortique moyen est > 40 mmHg. En cas de RAC serré avec dysfonction ventriculaire gauche et faible gradient (gradient aortique moyen < 40 mmHg), la recommandation d'intervention est de classe IIa ou IIb en fonction de la présence d'une réserve contractile, sous réserve de l'absence de comorbidité sévère.
Les alternatives au remplacement valvulaire aortique chirurgical
Dilatation aortique percutanée
La dilatation aortique percutanée a l'avantage d'être moins invasive que la chirurgie chez ces patients à haut risque, mais présente l'inconvénient de n'améliorer la fonction valvulaire que de façon limitée et transitoire. Cela explique que la dilatation aortique percutanée n'améliore pas le pronostic du RAC par rapport à l'histoire naturelle. La dilatation aortique percutanée peut être discutée chez des patients en état hémodynamique précaire, notamment en choc cardiogénique ou en insuffisance cardiaque réfractaire, afin de pouvoir envisager secondairement une chirurgie ou l'implantation d'une prothèse percutanée dans de meilleures conditions (recommandation de classe IIb ESC et ACC/AHA).
Implantation d'une prothèse aortique percutanée
L'expérience récente montre que l'implantation d'une prothèse aortique par voie percutanée est faisable et s'accompagne d'une amélioration durable, tout du moins à moyen terme, de la fonction valvulaire (figure 1).
Figure 1. Récupération de la fonction ventriculaire gauche après implantation d'une prothèse aortique par voie percutanée.
Figure 1A. Avant la procédure. Surface aortique 0,8 m2, gradient moyen 35 mmhg, FR 18 %, FE 30 %. Figure 1B. 1 mois après la procédure. Surface aortique 1,4 cm2, gradient moyen 9 mmHg, FR 27 %, FE 45 %.
Toutefois, les résultats à moyen terme sont largement influencés par l'âge et les comorbidités. La place exacte des techniques percutanées par rapport au remplacement valvulaire aortique chirurgical demeure donc à préciser à l'aide d'études prospectives, en particulier d'études randomisées.
En pratique
La prise en charge d'une décompensation cardiaque chez un patient présentant un RAC serré doit utiliser toutes les ressources du traitement médical de l'insuffisance cardiaque, en particulier les vasodilatateurs et les inotropes. Malgré une fréquente amélioration de l'état hémodynamique, le pronostic spontané est particulièrement péjoratif, ce qui justifie d'envisager sans tarder l'indication d'un remplacement valvulaire aortique, malgré un risque opératoire accru dans ce contexte ;
Les indications opératoires doivent être portées sur une base individuelle prenant en compte la sévérité de la cardiopathie, la présence d'une réserve contractile, l'âge et les comorbidités ;
Les indications de dilatation aortique percutanée sont très limitées et concernent certains patients dont elle peut améliorer temporairement l'hémodynamique afin d'envisager secondairement une intervention curative ;
Les techniques d'implantation de prothèses par voie percutanée, transfémorale ou transapicale, permettent une amélioration durable de la fonction valvulaire et représentent donc un véritable traitement curatif, particulièrement intéressant chez les patients à haut risque.
Malgré une fréquente amélioration de l'état hémodynamique, le pronostic spontané justifie d'envisager sans tarder l'indication d'un remplacement valvulaire aortique, malgré un risque opératoire accru.
Malgré les innovations thérapeutiques et l'amélioration de l'évaluation individuelle du rapport bénéfice/risque des différentes interventions, il n'en demeure pas moins que le RAC décompensé en insuffisance cardiaque est une pathologie de mauvais pronostic. Cela souligne l'importance d'envisager une intervention un stade bien plus précoce, dès l'apparition des symptômes, à un stade où le rapport bénéfice/risque des interventions est nettement plus élevé.
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