Publié le 22 mar 2005Lecture 3 min
Quand prescrire de petites doses d'aspirine aux hypertendus ?
P.-F. PLOUIN, hôpital européen Georges Pompidou
L’aspirine à dose faible ou modérée est un traitement de prévention efficace et peu coûteux. Quels sont les bénéfices attendus, les risques et précautions à prendre ?
Chez l’hypertendu, la capacité de l’aspirine à prévenir les accidents cardio-vasculaires a bien été étudiée dans l’essai HOT (Hypertension Optimal Treatment), où les 18 792 participants ont reçu, après randomisation, un placebo ou 75 mg par jour d’aspirine en double insu.
Cette simple mesure a réduit de 15 % l’ensemble des événements cardio-vasculaires, dont une réduction de 36 % des infarctus du myocarde. En revanche, il n’y a pas eu de bénéfice pour la prévention des accidents vasculaires cérébraux.
L’effet secondaire prévisible de l’aspirine a été un faible risque d’hémorragie, en particulier digestive : il y a eu 1,4 % de saignements importants sous aspirine, contre 0,8 % sous placebo.
Ces différences d’incidences — réduction des accidents cardio-vasculaires et augmentation des saignements — sont toutes significatives. Il n’y a pas eu d’augmentation des accidents vasculaires cérébraux hémorragiques. Par ailleurs, il n’y a pas eu d’interaction entre la prise d’aspirine et l’efficacité des médicaments antihypertenseurs, y compris les inhibiteurs de l’enzyme de conversion.
Les auteurs ont conclu qu’il est utile de prescrire de l’aspirine aux hypertendus, avec deux précautions :
• il faut chercher les antécédents ou les coprescriptions qui peuvent augmenter le risque d’hémorragie digestive ;
• il est prudent de contrôler d’abord la pression artérielle, dans l’arrière-pensée d’un risque hémorragique cérébral, si la prescription d’aspirine était contemporaine d’une poussée hypertensive.
Sur cette base, je donne de l’aspirine à la dose de 75-100 mg à la majorité de mes patients hypertendus (Kardegic® 75 mg, Aspegic® ou Catalgine® 100 mg) :
• hypertendus de plus de 60 ans ou femmes ménopausées, ou ayant d’autres facteurs de risque ;
• notamment les hypertendus ayant un diabète ou une insuffisance rénale ou, à plus forte raison, un antécédent d’accident coronaire, vasculaire cérébral, ou d’artérite ;
• en l’absence de facteurs de risque supplémentaires, dans le cas où une imagerie de dépistage a trouvé des plaques athéroscléreuses sur l’aorte ou les vaisseaux périphériques.
Ma perception du risque digestif fait que je ne donne pas d’aspirine à tous les hypertendus, me limitant aux cas d’hypertension avec d’autres facteurs de risque cardio-vasculaire. Je reconnais néanmoins que les prescripteurs systématiques ont de bons arguments.
Pour des raisons de sécurité, je ne commence cette prescription qu’après avoir obtenu un bon contrôle tensionnel (systolique à moins de 140 mmHg dans le cas général, à moins de 130 mmHg chez les diabétiques). Chez les personnes à risque digestif ou qui ne supportent pas l’aspirine (antécédent de gastralgie, d’ulcère ou d’hémorragie digestive, allergie, prise connue ou probable d’anti-inflammatoires), je remplace l’aspirine par un comprimé quotidien de clopidogrel (Plavix® 75).
Il est important de souligner deux points :
• cette prescription est particulièrement utile à la prévention cardio-vasculaire en cas d’insuffisance rénale, ce qui est parfaitement démontré par une analyse spécifique des données de l’essai HOT ;
• cette mesure, si simple, est particulièrement négligée chez les femmes, comme d’ailleurs bien d’autres mesures de prévention.
C’est l’occasion de souligner que les femmes, en particulier ménopausées, sont à haut risque cardio-vasculaire lorsqu’elles sont hypertendues et que toute négligence est, chez elle, condamnable.
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