Publié le 02 mar 2010Lecture 6 min
Que peut-on attendre de l'échocardiographie 3D ?
E. DONAL, CHU Rennes
Depuis les années 90, il est fait mention dans la littérature médicale et dans les congrès du développement de l’échocardiographie tri-dimensionnelle. Cet avènement de l’imagerie cardiaque 3D, à partir des ultrasons, prend du temps. Les premiers travaux nécessitaient un temps d’analyse important à partir d’images de qualité médiocre. Le Volumetrics était utilisé dans les années 90 et fonctionnait avec une sonde faite de cristaux oeuvrant en parallèle.
Depuis, les constructeurs ont développé des logiciels permettant un traitement grandement facilité des données contenues dans un volume 3D acquis de la masse cardiaque ou d’une de ses parties. Les transducteurs, d’abord grâce à la technologie matricielle, connaissent actuellement une mutation permettant l’échocardiographie trans-oesophagienne 3D temps réel en 1 cycle cardiaque, là où il fallait encore 4 cycles sur les machines développées il y a 2 à 3 ans.
Il est donc possible aujourd’hui en pratique de s’équiper d’un échocardiographe permettant des acquisitions 3D et d’utiliser cette technologie en routine. Nous insisterons sur les principales indications de cette, désormais disponible, technologie de l’échocardiographie 3D :
1- la mesure des volumes ventriculaires et de la fraction d’éjection,
2- l’évaluation de la cinétique segmentaire et des asynchronismes mécaniques du ventricule gauche,
3- l’évaluation des volumes atriaux et du ventricule droit,
4- l’évaluation des valvulopathies,
5- l’aide aux procédures de cardiologie interventionnelle et chirurgicale.
La mesure des volumes ventriculaires et de la fraction d’éjection
Jusqu’à présent, personne ou presque ne se satisfait de la mesure des volumes et de la fraction d’éjection ventriculaire gauche à partir de la méthode recommandée : le Simpson biplan. En effet, la mesure est difficile, relativement peu reproductible et, de plus, basée sur une hypothèse géométrique parfois éloignée de la réelle géométrie ventriculaire (anévrismes, troubles segmentaires de la cinétique, gros bourrelet sous-aortique, etc.). L’échocardiographie trans-thoracique 3D temps réel devrait donc apporter là une solution pertinente pour notre quotidien. Il devient possible, grâce à un logiciel dédié, moyennant moins de 5 minutes d’analyse, de réellement mesurer les volumes du ventricule et la fraction d’éjection (figure 1). Cette méthode nécessite l’acquisition d’un volume cardiaque sur 4 cycles cardiaques pour les machines actuelles et seulement un seul cycle sur les machines nouvellement commercialisées. Les logiciels permettront un découpage aisé du volume. La méthode se doit d’être semi-automatique pour permettre une mesure sur le plus grand nombre possible de plans. Elle a été comparée par plusieurs équipes à la méthode de référence, l’IRM. La comparaison est le plus souvent flatteuse et pour le moins nettement plus favorable à l’échocardiographie que le 2D. Dans les études effectuées par les promoteurs de la technique, la corrélation à l’IRM est excellente, la reproductibilité très satisfaisante mais quelques limites demeurent : la qualité de l’image et la capacité de faire rentrer dans le volume d’acquisition -que l’on va ensuite traiter- l’intégralité du volume des ventricules les plus larges. Il faut donc se former, pratiquer et espérer des progrès des transducteurs à venir. Il faut, en effet, rester prudent car la résolution spatiale et temporelle de l’imagerie 3D temps réel fait que les contours sont quelques peu flous. Ainsi, la mesure semi-automatique des volumes est le plus souvent sous-estimée par rapport à l’IRM même quand un seul logiciel de traitement est utilisé pour traiter les images des deux modalités. Ceci s’explique a priori par une trop grande imperfection du repérage automatique des limites endocardiques. De fait, il faut souvent forcer la machine à suivre les contours internes de l’endocarde plutôt que la laisser interpréter les trabéculations comme la limite endocardique (ce qui conduit à sous-estimer les volumes).
Figure 1. Exemple de mesure 3D de la fraction d’éjection et des volumes ventriculaires gauches (global et régionaux).
Notons qu’en mode dit « tri-plan temps réel », il est facilement possible d’utiliser les produits de contraste ultrasonore pour les patients les moins échogènes (figure 2) et ainsi remédier à cette sous-estimation des volumes.
Figure 2. Exemple d’échocardiographie tri-plan avec utilisation de contraste pour opacification de la cavité et ainsi obtention d’une meilleure image des contours endocardiques.
L’évaluation de la cinétique segmentaire et des asynchronismes mécaniques du ventricule gauche
Le mode tri-plan permet, y compris en utilisant les produits de contraste, d’effectuer une échocardiographie de stress en ne déplaçant aucunement la sonde (figure 2).
L’échocardiographie 3D temps réel permet aussi selon la modalité permettant la mesure des volumes globaux, de suivre automatiquement les volumes régionaux. C’est-à-dire que le logiciel segmente les volumes VG en 16 ou 17 segments comme recommandé. Il devient possible ainsi de repérer les segments hypo-, a- ou dys-kinétique, et dans les cardiomyopathies, de définir les segments ventriculaires gauches qui conduisent à des asynchronismes de variations régionales de volume ventriculaire (figure 3).
Figure 3. Exemple d’un ventricule gauche sans dysfonction ni asynchronisme et un autre avec dysfonction ventriculaire gauche et asynchronisme mécanique intra ventriculaire gauche.
L’acquisition d’un volume permet aussi à l’échocardiographie d’être comme le scanner ou l’IRM, une imagerie de coupes. Il est possible de couper automatiquement le ventricule en 9 coupes et de suivre la cinétique de ces coupes au cours d’un stress.
L’évaluation des volumes atriaux et du ventricule droit
Chacun est conscient de l’importance pronostique de la fonction ventriculaire droite et des dimensions de l’oreillette gauche. Pour autant, chacun connaît aussi les limites de la mesure de la fraction d’éjection de surface du ventricule droit en coupe 2D apical 4 cavités et le caractère fastidieux de la mesure du volume de l’oreillette gauche en utilisant la technique du Simpson biplan. Les logiciels de traitement des volumes 3-D permettent désormais d’appliquer la même approche semi-automatique que pour la mesure des volumes ventriculaires gauche à la mesure du ventricule droit et de l’oreillette gauche. Il y a peu de littérature disponible concernant ces deux applications. Il apparaît nécessaire, néanmoins, d’avoir une excellente imagerie pour que la mesure semi-automatique des volumes ventriculaires droits soit pertinente.
L’évaluation des valvulopathies
L’échocardiographie 3D temps réel trans-thoracique peut être une aide pour l’évaluation de la valve mitrale. Il est possible en post-traitement de trouver le meilleur plan de coupe pour une mesure de la surface anatomique d’un rétrécissement mitral, et qualitativement, d’utiliser l’échocardiographie 3D pour mieux analyser les prolapsus valvulaires complexes. Cette utilisation de l’échocardiographie 3D trans-thoracique nécessite néanmoins, une imagerie de qualité suffisante et une certaine expertise. Cette réserve exprimée, l’approche 3D semble incontestablement être une aide pour l’évaluation des prolapsus complexes.
Ceci est sans doute encore plus vrai avec l’échocardiographie trans-oesophagienne (ETO) 3D temps réel. Jusqu’à ces toutes dernières années, le 3D était accessible en ETO mais pas en temps réel ce qui en limitait considérablement l’utilisation.
Par contre, l’avènement d’une sonde permettant aisément de passer du ETO 2D à l’ETO 3D temps réel ouvre de nouvelles perspectives. En effet, là, la qualité de l’image est souvent bonne et l’analyse de la valve mitrale possible. Il faut reconnaître néanmoins que l’aide du Doppler couleur reste insuffisante et qu’une courbe d’apprentissage est, à l’évidence, requise.
Pour l’étude de la valve aortique, l’ETO 3D temps réel est assez facile. Elle permet une étude du culot aortique et de découper « idéalement » celui-ci, pour mesurer l’aorte ou la surface anatomique de la valve aortique (figure 4).
Figure 4. Exemple d’une échocardiographie trans-oesophagienne 3D d’une valve aortique percutanée Edward-Sapiens.
L’aide aux procédures de cardiologie interventionnelle et chirurgicale
La qualité de la visualisation des valves, du septum inter-atrial en fait un outil de choix pour apprécier un rétrécissement mitral, un culot aortique et le positionnement d’une valve lors d’une procédure de pose d’une valve aortique percutanée.
L’image 3D mais aussi en deux plans orthogonaux aide à la fermeture de communications inter-atriales (figure 5).
Figure 5. Exemple d’une échocardiographie 3D d’une communication inter-atriale et sa fermeture.
En pratique
Les progrès technologiques sont incontestables. Il devient même possible d’envisager de coupler imagerie 3D et étude des déformations myocardiques (strain) (figure 6). Reste à faciliter la réalisation des mesures à partir d’acquisition 3D, mais aussi à améliorer encore les transducteurs pour avoir une meilleure résolution spatiale et temporelle ainsi qu’un meilleur Doppler couleur.
Si l’échocardiographie 3D était du domaine de quelques experts il y a quelques années, il convient désormais d’y être attentif, commencer à se former et sans doute en envisager l’acquisition à plus ou moins brève échéance.
Figure 6. Exemple d’étude des déformations myocardiques (strain par speckle tracking) à partir d’une image 3D acquise en trans-thoracique.
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