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Cardiologie interventionnelle

Publié le 15 fév 2005Lecture 9 min

Quel traitement médical doit-on prescrire avant une angioplastie coronaire ?

D. CARRIÉ, CHU Toulouse Rangueil

La situation clinique est certainement l’élément déterminant dans la prise en charge thérapeutique avant toute angioplastie coronaire. Il faut donc opposer les situations aiguës, où la participation thrombotique est prépondérante, aux situations stables où la part athérosclérotique, voire fibrotique, est prédominante.

La gravité de l’athérosclérose coronaire est liée au risque permanent d’accident aigu (angor instable ou infarctus du myocarde) en rapport avec l’initiation du processus thrombotique à la surface d’une plaque rompue. En fonction du tableau clinique (syndrome coronaire aigu, angor stable, ischémie silencieuse, etc.), du choix de la procédure, des facteurs de gravité clinique, biologique et électrique, il existe des recommandations des sociétés savantes qui préconisent tel ou tel choix thérapeutique. Toutefois, ces stratégies élaborées à partir d’études bien conduites, randomisées, multicentriques ne représentent, comme le confirment les registres, qu’environ 50 % des patients tout-venant. C’est dire la difficulté pour les cliniciens de bien peser les indications thérapeutiques, d’autant plus que nos patients sont souvent âgés, insuffisants rénaux ou cardiaques et donc à plus haut risque à la fois de complications ischémiques mais aussi hémorragiques. Si le traitement anti-ischémique semble bien codifié, les statines semblent prendre une place considérable dans notre arsenal thérapeutique mais les antiagrégants plaquettaires (aspirine, thiénopyridines, inhibiteurs de la GPIIb/IIIa), en raison d’un risque d’occlusion coronaire aiguë toujours possible pendant et après l’angioplastie coronaire, restent la pierre angulaire du traitement médicamenteux avant tout geste interventionnel.   Syndrome coronaire aigu avec sus-décalage de ST C’est certainement une des indications médicamenteuses les plus controversées et les recommandations européennes actuelles pour la prise en charge de l’infarctus du myocarde en phase aiguë ne correspondent pas toujours à la réalité du terrain. Si l’angioplastie primaire ne peut être réalisée dans les 90 minutes suivant la prise en charge de la douleur ou si l’infarctus est vu très précocement (< 2 heures), la fibrinolyse préhospitalière réalisée avant la 6e heure de l’infarctus reste le traitement de choix, en association alors à l’héparinothérapie, à l’aspirine (250 à 500 mg IV) et le plus souvent au clopidogrel (300 mg en dose de charge). En se combinant à la revascularisation mécanique, cette fibrinolyse entre dans le cadre de l’angioplastie facilitée avec implantation de stent. Celle-ci nécessite une dose de charge de Plavix® avant la coronarographie, voire si besoin juste après le geste interventionnel pour limiter le risque hémorragique. Deux études en cours, COMMIT et CLARITY (en randomisant les patients présentant soit un infarctus dans les 24 premières heures, soit un infarctus thrombolysé dans les 12 premières heures permettront de mieux préciser la place de l’association clopidogrel-aspirine versus aspirine seule. Concernant l’utilisation des anti-GPIIb/IIIa dans ce type d’indications, plusieurs essais (RAPPORT, ISAR-2, ADMIRAL, CADILLAC, ACE) ont montré l’intérêt de l’abciximab associé à l’angioplastie primaire. Il existe une diminution des événements cliniques (décès, infarctus, revascularisations urgentes) à J30 et une reperfusion tissulaire plus efficace. Cette efficacité est d’autant plus nette que l’injection du produit est faite précocement et notamment avant l’arrivée en salle de cathéterisme (ADMIRAL). Toutefois, les preuves scientifiques actuelles sont incomplètes, contradictoires — l’étude ON-TIME n’avait pas montré que le tirofiban n’avait pas d’intérêt dans l’IDM aigu — et ne permettent pas, à l’inverse de la fibrinolyse, d’établir des recommandations précises à ce jour.   Syndrome coronaire aigu sans sus-décalage de ST Les critères cliniques, biologiques et électriques permettent de classer ce patient à haut risque ou bas risque de morbi-mortalité cardio-vasculaire.   Patients à haut risque Incontestablement, le sujet diabétique tire bénéfice d’un prétraitement par anti-GPIIb/IIIa avant toute angioplastie. • Une métaanalyse des études PRISM, PRISM-PLUS, PARAGON A-B, PURSUIT, publiée en 2001, retrouve une réduction de la mortalité à J30 sous anti-GPIIb/IIIa vs placebo de 6,2 à 4,6 % (p = 0,007) alors que ces résultats sont strictement similaires (3 % de mortalité) chez le sujet non diabétique. • De même, le sous-groupe de patients à troponine élevé dans la métaanalyse de Chan (JACC 2000) bénéficie d’une diminution de la mortalité ou des infarctus du myocarde à J30 sous anti-GPIIb/IIIa de 16,3 à 6,9 %. • À 1 an, le bénéfice de l’association stent-abciximab vs stent-placebo se maintient chez le diabétique (étude EPISTENT) en termes d’événements cardio-vasculaires combinés avec un taux de mortalité et d’infarctus de 4,9 vs 14 % (p < 0,005). • Si les études CURE et PCI-CURE, publiées en 2001, ont confirmé la nécessité absolue d’associer le clopidogrel à l’aspirine avec réduction à 30 jours et maintien à 9 mois du critère composite décès-infarctus de 12,6 à 8,8 % (p = 0,002), l’étude CREDO (2002) confirme tout le bénéfice d’un prétraitement par clopidogrel 6 à 24 heures avant l’angioplastie (8,3 vs 6,8 % d’événements combinés cardiovasculaires à J 28).   Dans ces conditions de double association aspirine-clopidogrel, quelle doit être la posologie de chacune des molécules ? Pour l’aspirine, il semble de façon assez uniforme qu’une dose de 160 à 250 mg soit la règle avant d’aborder une angioplastie coronaire. Pour le clopidogrel, un travail de Müller en 2001 a confirmé qu’une dose de charge de 600 mg suivie par un traitement au long cours de 150 mg permet d’inhiber plus de 70 % de l’agrégation plaquettaire induite par l’ADP alors qu’une dose de charge de 300 mg suivie par une posologie quotidienne de 75 mg n’inhibe que 55 à 60 % de cette même agrégation plaquettaire. C’est pourquoi et bien qu’il n’y ait pas de preuves scientifiques précises, de nombreuses équipes préconisent de fortes doses de clopidogrel (600 puis 150 mg) chez le sujet diabétique ou de plus de 80 kg. Peut-on associer aspirine-thiénopyridines et anti-GPIIb/IIIa ? Outre sa synergie biologique, cette triple association peut être cliniquement complémentaire. En effet, dans un sous-groupe de l’étude EPISTENT, un prétraitement par ticlopidine a apporté le même bénéfice qu’un prétraitement par abciximab. Dans TARGET, tous les patients recevaient soit du tirofiban, soit de l’abciximab. Les patients prétraités par une dose de charge de clopidogrel ont présenté moins d’événements cliniques à 30 jours. Actuellement, les sujets à haut risque, et notamment les diabétiques, doivent bénéficier de cette triple association avant tout geste interventionnel.   Patients à bas risque : existe-t-il des situations cliniques où l’emploi des anti-GpIIb/IIIa est inutile ? L’étude ISAR-REACT permet maintenant de répondre à cette question en comparant l’abciximab versus placebo chez des patients non diabétiques, à risque faible ou intermédiaire et recevant tous une dose de charge de 600 mg de clopidogrel. À 30 jours, le taux d’événements combinés (mortalité, infarctus du myocarde et revascularisation en urgence) est strictement identique entre les deux groupes (4,2 vs 4 %), avec un taux de transfusions significativement plus élevé dans le groupe abciximab (2,1 vs 0,9 %, p = 0,007). Cela permet, dans plus de la moitié des cas d’éviter un prétraitement par anti-GPIIb/IIIa. Deux autres études de conception superposable à ISAR-REACT contribuent à répondre aux autres questions posées au quotidien : • l’étude ISAR-SWEET chez le diabétique (701 patients inclus), dont les premiers résultats sont parus en fin d’année 2004 (Circulation 2004 ; 110 (24) : 3627-35) ; • l’étude ISAR-REACT 2 (1 800 patients) chez le sujet à haut risque, dont les résultats sont attendus fin 2005. Actuellement, le taux de prescriptions en Europe des anti-GPIIb/IIIa dans les syndromes coronaires aigus est de l’ordre de 20 %.   Héparinothérapie associée Contrairement aux anti-GPIIb/IIIa, la prescription des héparines de bas poids moléculaire (HBPM) est beaucoup plus élevée en Europe (85 %) qu’aux États-Unis (25 %). Il semble exister un léger avantage à prescrire une HBPM (énoxaparine) comparativement à une héparine non fractionnée (HNF). • L’étude A to Z a déjà montré un état de non-infériorité de l’énoxaparine comparativement à l’héparine. • Les études ACUTE-2 avec le tirofiban et INTERACT avec l’eptifibatide montrent à 30 jours un taux d’événements combinés (mortalité, infarctus, revascularisation en urgence) plus important sous héparine (16,5 %) que sous énoxaparine (12,5 %). • L’étude SYNERGY, publiée très récemment, confirme ce bénéfice.   Nouvelles molécules antithrombiniques Plus intéressant semble être le positionnement des nouvelles molécules inhibant directement la thrombine (effet anti-IIa), notamment la bivalirudine. • Une métaanalyse publiée en 2002 a déjà confimé le bénéfice net des inhibiteurs directs de la thrombine comparativement à l’héparine non fractionnée en termes de mortalité et d’infarctus chez des patients bénéficiant d’une angioplastie coronaire. • L’étude REPLACE-2 va plus loin encore en positionnant de façon égale la bivalirudine et les anti-GPIIb/IIIa (eptifibatide ou abciximab) associés à l’héparine non fractionnée lors d’angioplasties coronaires urgentes ou programmées. • L’étude TENACITY, par une double randomisation, permettra certainement de compléter les données actuelles en comparant, d’une part, les effets du tirofiban et de l’abciximab et d’autre part, ceux de la bivalirudine et de l’héparine. Enfin, si les études randomisées ne montrent pas de surrisque hémorragique létal sous anti-GPIIb/IIIa par rapport au placebo, cette possibilité existe dans le “ monde réel ”, d’autant plus que le sujet est âgé de plus de 75 ans, insuffisant rénal, hypertendu sévère, de sexe féminin, voire avec des antécédents cérébraux.   En dehors du syndrome coronaire aigu Cela correspond aux angioplasties programmées dans le cadre d’un angor stable, d’une ischémie silencieuse ou après confirmation de cette ischémie par des examens complémentaires tels que la scintigraphie myocardique ou l’échocardiographie de stress. La part thrombotique est, bien sûr, très réduite au détriment de celle athérosclérotique ou fibrotique. Globalement, un tiers des patients bénéficient d’angioplasties coronaires dans le cadre de ces tableaux cliniques. • L’attitude thérapeutique est bien codifiée avec un prétraitement par l’association aspirine-clopidogrel de la même façon que pour un syndrome coronaire aigu sans sus-décalage de ST. Là encore, il est recommandé d’administrer la dose de charge de clopidogrel au moins 6 heures avant la réalisation d’une angioplastie. • La posologie d’aspirine à 160 mg/j est aussi efficace que les posologies supérieures qui augmentent l’incidence des troubles gastro-intestinaux. • L’héparine non fractionnée ou de bas poids moléculaire est utile pour entourer le geste d’angioplastie, mais n’est pas indispensable en dehors de cette période. • La part réservée aux anti-GPIIb/IIIa est également parcimonieuse ; ils sont réservés aux complications thrombotiques durant la procédure interventionnelle.   Statines avant angioplastie coronaire Si les statines ont montré tout leur intérêt en prévention primaire ou secondaire dans des situations cliniques stables, peu d’études ont évalué leur bénéfice dans des situations coronaires aiguës et notamment avant angioplastie. Il semble toutefois que les statines ont un intérêt majeur dans les syndromes coronaires aigus en stabilisant les plaques coronaires rompues, en prévenant la rupture d’autres plaques vulnérables coexistantes et en améliorant la réponse vasculaire à l’angioplastie. Les études MIRACL et PROVE-IT ont confirmé le bénéfice d’un traitement par statines sur le taux d’événements cardio-vasculaires à moyen et long termes, d’autant plus que ce traitement est donné précocement et à fortes doses (80 mg d’atorvastatine). Ainsi, les statines améliorent le pronostic du coronarien, quel que soit le taux de cholestérol total. Les statines doivent être débutées au cours de l’hospitalisation afin d’accroître le taux de prescriptions et l’observance du traitement à long terme. Une forte dose de statines, prescrite dès la phase aiguë du syndrome coronarien, réduit les complications ischémiques précoces et améliore le pronostic à long terme. Toutefois, aucune étude ne permet actuellement de conclure à l’intérêt ou non de donner cette forte dose de statines avant l’angioplastie coronaire.   En résumé Avant toute angioplastie coronaire, il est important d’opposer les situations stables, où le risque thrombotique est réduit et le traitement médical bien codifié, aux syndromes coronaires aigus qui impliquent de bien stratifier le risque et d’adapter les recommandations actuelles en fonction des nombreux essais cliniques, notamment dans le cadre du traitement antiagrégant plaquettaire et antithrombotique.                               

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