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HTA

Publié le 06 fév 2007Lecture 6 min

Quelle mesure de PA faut-il considérer après 65 ans ?

J.-J. MOURAD et V. NGUYEN, hôpital Avicenne, Bobigny

Les maladies cardiovasculaires représentent la première cause de mortalité après 65 ans et l’hypertension artérielle (HTA) en est un des facteurs modifiables les plus importants. Une attention particulière a été apportée ces dernières années à l’HTA du sujet âgé (définie par un âge > 65 ans), grâce à l’élaboration et à la publication d’essais thérapeutiques spécifiquement dédiés à cette tranche d’âge. Si les dernières recommandations ne définissent pas de seuil spécifique selon l’âge pour le diagnostic de l’HTA, elles mettent l’accent sur certains particularismes de la prise en charge du sujet âgé.

PAS versus PAD   D’un point de vue physiopathologique, la grande différence entre un hypertendu d’âge moyen et un hypertendu âgé réside dans le profil d’HTA. L’hypertendu âgé se présentera bien volontiers avec une hypertension à prédominance systolique, voire même systolique isolée. Les déterminants radicalement différents de l’élévation de la pression artérielle systolique (PAS) et diastolique (PAD) expliquent ces différences : la PAD est essentiellement dépendante de l’élévation des résistances périphériques alors que la PAS est essentiellement déterminée par la fraction d’éjection ventriculaire gauche et la rigidité de l’aorte. Cette dernière augmentant essentiellement avec l’âge et les facteurs de risque cardiovasculaire, on comprend aisément qu’après 55 ans, la PAS s’élève et dépasse facilement 140 mmHg. D’un point de vue épidémiologique, il est aujourd’hui clairement démontré que la PAS est le principal paramètre hémodynamique péjoratif après 55 ans. D’un point de vue thérapeutique, les essais prospectifs ayant inclus des patients présentant une HTA systolique isolée ont démontré le bénéfice du traitement antihypertenseur sur la prévention des événements cardiovasculaires. Ces essais ont également montré la difficulté réelle des stratégies thérapeutiques actuelles à normaliser ce paramètre hémodynamique, alors que la PAD est assez facilement contrôlée chez la majorité des patients(1). La normalité spontanée de la PAD, qui a même tendance à baisser après 55 ans), ou sa normalisation par les traitements antihypertenseurs, semble parfois faussement rassurer les praticiens malgré la constatation d’une PAS insuffisamment contrôlée. Il semble évident qu’une meilleure considération du caractère péjoratif de la PAS chez les sujets > 65 ans conduirait à une diminution significative de l’incidence annuelle des événements cardiovasculaires graves au sein de cette population. Les objectifs rappelés dans les dernières recommandations sont d’essayer d’atteindre la cible d’une PAS 140 mmHg pour la majorité des patients. Au-delà de 80 ans, le seuil de 150 mmHg a été jugé raisonnable par les experts(2).   Mesure au cabinet versus MAPA   La variabilité tensionnelle L’essentiel de la démonstration du caractère péjoratif de la PAS a été obtenu par des études épidémiologiques et des essais thérapeutiques utilisant, dans leur majorité, la mesure usuelle au cabinet médical de la pression artérielle. On connaît aujourd’hui les limites de cette mesure, en particulier après 65 ans. En effet, c’est dans cette tranche d’âge que la variabilité de la pression artérielle est la plus importante et peut conduire à ce que la mesure casuelle reflète moins le niveau tensionnel habituel du sujet. Le développement de la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) puis, plus récemment, de l’automesure tensionnelle a permis de confirmer une notion de bon sens : la répétition des mesures de pression artérielle et leur moyenne est plus corrélée au risque cardiovasculaire qu’une simple mesure isolée de la pression artérielle. Ces techniques de mesure ambulatoire ont permis aussi de démontrer qu’une partie substantielle de la population d’hypertendus > 65 ans ont une hypertension isolée de consultation (ou syndrome de « blouse blanche »). Dans certaines études, ce pourcentage a pu atteindre 25 %. Le risque essentiel des patients ayant ce profil d’HTA est la iatrogénie induite par un traitement par excès. Il a été, en effet, démontré qu’à moyen terme, les patients ayant une HTA isolée de consultation n’ont pas un pronostic différent de celui des normotendus. La simple mesure au cabinet médical ne permet pas de discriminer ces patients et justifie pleinement la réalisation de mesures ambulatoires pour épargner les contraintes d’un traitement à ces « faux positifs ». Pour autant, une fois le syndrome de « blouse blanche » détecté, il conviendra de ne pas poser le diagnostic définitif de normotension chez ces patients car il est maintenant prouvé que ce profil est à risque d’HTA permanente à un horizon de 7 à 10 ans(3). Ainsi, face à une HTA isolée de consultation, il conviendra d’être particulièrement vigilant et d’éviter la prescription médicamenteuse par excès. Il faudra privilégier plutôt le renforcement des règles hygiéno-diététiques visant à prévenir l’apparition d’une hypertension artérielle permanente qui ne pourra être détectée que par la pratique régulière de mesures ambulatoires.   Répéter les mesures La répétition des acquisitions ambulatoires de la pression artérielle par Holter est une limite que n’a pas l’automesure tensionnelle. La mise à disposition du grand public d’appareils validés permettant au sujet de mesurer son niveau tensionnel ambulatoire a permis d’alléger les contraintes techniques associées à la pratique du Holter tensionnel, même si les informations fournies par ce dernier sont plus pertinentes en termes de pronostic cardiovasculaire que les données d’automesure, notamment grâce à la mesure des pressions nocturnes(4).   L’automesure validée par l’HAS Néanmoins, à une large échelle, les dernières recommandations ont privilégié l’automesure tensionnelle pour des raisons évidentes de coût et de faisabilité. En effet, celles-ci prônent la réalisation d’une automesure de la pression artérielle chez un patient > 65 ans en prévention primaire, chez qui le diagnostic d’HTA est suspecté et ce, avant toute instauration d’un traitement pharmacologique. L’automesure pourra également être répétée au cours du suivi et, surtout en cas d’apparente résistance au traitement. La pratique régulière de l’automesure tensionnelle semble, enfin, favoriser l’observance et l’adhérence du patient à la prise en charge. Des règles simples de pratique (la règle des 3) permettent au sujet d’apporter au médecin des valeurs reproductibles et fiables de son niveau de pression artérielle facilitant la décision thérapeutique.   Pressions périphériques versus pressions centrales Les modifications structurales et fonctionnelles des organes cibles de l’HTA sont induites par l’hémodynamique locale à laquelle sont soumis les différents tissus. On sait depuis longtemps que si la pression artérielle moyenne est une donnée relativement constante chez un individu donné à un moment donné, les PAS et PAD varient le long de l’arbre artériel : en effet, la PAS augmente graduellement en s’éloignant du cœur. Conceptuellement, on peut comprendre que la pression artérielle mesurée sur le site huméral, ne soit que le reflet indirect de la PAS auxquels sont soumis le cœur, le cerveau et le rein par exemple. Néanmoins, après 55 ans, les pressions artérielles régionales ont tendance à s’égaliser et on peut considérer que la PAS humérale est très proche de celle qui serait mesurée au niveau de l’aorte ou de la carotide. En revanche, les modifications de pression induites par les médicaments antihypertenseurs peuvent avoir une amplitude différente le long de l’arbre artériel après 65 ans : c’est ainsi qu’il est aujourd’hui unanimement reconnu que la 1re génération des bêtabloquants induit une bien moindre amplitude de baisse de PAS au niveau central que celle constatée au niveau huméral. Ces discordances dans l’amplitude de la baisse tensionnelle observée au niveau périphérique et au niveau central pourraient, à elles seules, expliquer les différentes réductions constatées des événements cardiovasculaires dans les études LIFE et ASCOT. L’étude CAFE a apporté une élégante démonstration du rôle prépondérant de la PA centrale avec certains médicaments.   En pratique   En 2007, une prise en charge optimale de l’ hypertendu > 65 ans passe par une évaluation initiale et régulière du niveau de sa PAS, par automesure ou MAPA. Sa prise en charge thérapeutique doit répondre aux objectifs émis par les dernières recommandations en privilégiant des classes thérapeutiques agissant de manière satisfaisante sur les pressions centrales, en particulier systoliques. S’affranchir au cabinet médical des contraintes d’une mesure usuelle au profit de l’automesure permettrait de consacrer plus de temps à la recherche d’une hypotension orthostatique et à un interrogatoire dédié à l’observance, ce qui représenterait déjà un progrès substantiel dans la prise en charge des hypertendus âgés.

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