HTA
Publié le 08 juin 2004Lecture 6 min
Questions d’actualité dans l’hypertension et les dyslipidémies
En marge des dernières sessions de l’ACC, un symposium organisé avec le concours des laboratoires Pfizer a permis cette actualisation. Depuis deux décennies, on se demande si les résultats obtenus par telle ou telle classe thérapeutique antihypertensive sont dus seulement à la baisse des chiffres tensionnels ou à un effet de la molécule antihypertensive elle-même.
B. Williams (Leicester, Royaume-Uni) montre que, dans l’étude HOPE par exemple, les résultats obtenus avec Triatec® chez des patients coronariens sont essentiellement dus à la baisse de la pression artérielle et non pas aux effets directs de l’IEC.
Le bénéfice apporté par un abaissement marqué du LDL est démontré par les études REVERSAL et PROVE-IT.
HTA : que choisir ?
La seule manière de démontrer s’il y a un avantage à donner telle ou telle classe thérapeutique est de les comparer entre elles, comme cela a été fait dans CAPPP, STOP 2 ou ALLHAT. Dans ces trois études, il n’y a pas eu de différence significative entre les molécules, sauf dans des cas bien spécifiques.
B. Williams a repris ainsi des métaanalyses comparant deux classes thérapeutiques dans différentes pathologies :
- dans la survenue de cardiopathies ischémiques, il existe une égalité parfaite entre les IEC et les diurétiques ou les bêtabloquants, les inhibiteurs calciques (IC) et diurétiques ou bêtabloquants, les IEC ou les IC ;
- dans la survenue d’un accident vasculaire cérébral chez un hypertendu, il existe une légère différence, mais non significative, en faveur des IC comparativement aux bêtabloquants, diurétiques ou IEC.
L’orateur conclut qu’à ce jour, les effets des molécules antihypertensives sont essentiellement liés à leur capacité à baisser les chiffres tensionnels et à les contrôler à long terme.
HTA : au-delà du contrôle
Le vrai problème est bien celui du contrôle de la pression artérielle, tel que le montrent les résultats des grandes études récentes, et plus particulièrement l’étude ALLHAT. W. Cushman (Memphis, États-Unis) a repris les essais thérapeutiques montrant qu’une monothérapie antihypertensive permet de contrôler 50 % des patients hypertendus avec une PAD < 90 mmHg. Or, pour atteindre les cibles tensionnelles, aussi bien sur la systolique que sur la diastolique, telles que définies par les recommandations internationales, on remarque qu’il faut au moins deux principes thérapeutiques en associations.
Par exemple, dans l’étude ALLHAT, qui est un essai comparatif de plusieurs molécules antihypertensives chez des patients hypertendus légers à modérés, seulement 26 % ont été contrôlés avec une monothérapie. En moyenne, il faut deux, voire trois molécules pour contrôler la pression artérielle. Toutes les autres études récentes vont dans ce sens (IRMA, INVEST, HOPE, RENAAL, etc.) Le non-recours à l’association de différentes classes thérapeutiques explique en grande partie pourquoi les études épidémiologiques réalisées aux États-Unis (et la situation est identique en Europe) montrent un pourcentage très faible de patients contrôlés. C’est la raison pour laquelle les experts du JNC VII recommandent de prescrire d’emblée une bithérapie chez les patients hypertendus de stade II.
A. Chobanian, premier rapporteur du JNC VII, s’est inspiré de ces études pour justifier le bien fondé des dernières recommandations qui ont remis à l’honneur les bêtabloquants et les diurétiques en première intention ; ce choix aurait peu d’importance car sachant que la majorité des patients hypertendus traités à long terme nécessiteront plus qu’une monothérapie. Cependant, il est vrai que chaque molécule a ses spécificités, ainsi que le montre l’étude ALLHAT, dans laquelle la dihydropyridine de référence, Amlor®, est significativement plus efficace que les autres classes thérapeutiques en termes de survenue des AVC, et prévient, à égalité avec les IEC, les nouveaux cas de diabète (8,5 %), contrairement aux diurétiques (11 % de nouveaux cas).
Et si les statines n’étaient pas équivalentes ?
Dans le traitement des dyslipidémies, le problème ne se pose pas (ou plus) en ces termes. En effet, il était entendu que les statines sont sensiblement équivalentes, à égalité de baisse du LDL. L’étude REVERSAL (Reversing Atherosclerosis with Aggressive Lipid Lowering), présentée par S. Nissen (Cleveland, États-Unis) lors de L’AHA en 2003, est la première étude comparative quantitative entre deux statines qui modifie ce point de vue. Elle a démontré, grâce à une technique de visualisation de ces plaques par échographie intracoronaire, que l’atorvastatine à 80 mg/j chez des coronariens permet de stabiliser le volume de la plaque d’athérome coronaire (– 0,4 %). À l’inverse, sous pravastatine à 40 mg/j a été observée une augmentation du volume de la plaque (+ 2,7 % ; p = 0,02) ; 673 patients âgés de 27 à 78 ans ont subi, à 18 mois d’intervalle en moyenne, deux coronarographies avec écho intracoronaire sur le même segment d’artère coronaire présentant une plaque athéromateuse quantifiable.
À l’entrée dans l’étude, le LDL cholestérol était de 1,50 g/l dans les deux groupes. À la fin de l’étude, il était en moyenne à 1,10 g/l dans le groupe pravastatine et à 0,79 g/l dans le groupe atorvastatine (p < 0,001). La CRP, qui était identique dans les deux groupes à l’entrée, a diminué de 5,2 % dans le groupe pravastatine et de 36,4 % dans le groupe atorvastatine (p < 0,001).
Ainsi, il existe une relation inverse entre le pourcentage de progression de l’athérosclérose et le pourcentage de régression du LDL-C pour les deux drogues : 10 % de régression du LDL entraîne une diminution de 1 % du volume de la plaque. Cependant, comme le souligne, S. Nissen dans l’article paru dans le JAMA (JAMA 2004 ; 291 : 1071-1080), la baisse du LDL-C seule n’explique pas les différences obtenues en termes d’efficacité : bien que les deux droites de régression soient parallèles, la progression du volume de la plaque est inférieure d’environ 20 % avec l’atorvastatine comparativement à la pravastatine, à égalité de baisse du LDL-C. Cela suppose que d’autres facteurs entrent en ligne de compte ; l’hypothèse la plus probable est la diminution beaucoup plus importante de la CRP dans le groupe atorvastatine, comme celle des autres agents athérogènes tels que les triglycérides.
Les effets bénéfiques du traitement intensif par atorvastatine pendant 18 mois ne sont pas accompagnés d’une augmentation des effets indésirables.
Les résultats de cette étude dite « mécanistique » ont été confirmés avec la présentation de l’étude PROVE-IT lors de l’ACC en mars 2004 ; cette étude a comparé les deux mêmes molécules aux mêmes dosages chez des patients ayant un syndrome coronarien aigu qui ont été traités par l’une ou l’autre dès la sortie de l’hôpital, pendant deux ans en moyenne. Le risque d’événement cardio-vasculaire majeur a été de 26,3 % dans le groupe pravastatine et de 22,4 % dans le groupe atorvastatine, d’où une diminution du risque relatif de 16 % (p = 0,005). La diminution du risque relatif est apparue dès le 30e jour, et s’est maintenue à 2 ans.
Une dernière étude, CARDS (Collaborative AtoRvastatin Diabetes Study), confirme l’effet des statines, du moins, indépendamment, en partie de la baisse du LDL. CARDS a évalué l’atorvastatine 10 mg versus placebo chez des diabétiques sans signes cliniques de pathologie cardio-vasculaire, ayant un profil lipidique avec un LDL-C à 1,59 g/l et des TG élevés. Cet essai ayant inclus 2 838 patients diabétiques de type 2 présentant au moins un autre facteur de risque coronarien a été interrompu avant terme ; en effet, les résultats de l’analyse intermédiaire ont démontré l’efficacité de l’atorvastatine comparativement au placebo (p < 0,005) sur le critère de jugement primaire, qui était le délai d’apparition d’un événement cardio-vasculaire majeur (insuffisance coronaire, décès, infarctus non mortel, nécessité d’une revascularisation ou AVC). Les résultats définitifs seront présentés prochainement.
Toutes ces études, réalisées dans le domaine de l’hypertension ou des dyslipidémies, ont cependant beaucoup de mal à modifier notre pratique quotidienne, comme l’a souligné E. Topol (Cleveland, États-Unis). Ainsi, le NHANES, organisme américain de surveillance dans le domaine de la santé, a montré que seulement 24 % des patients hypertendus sont contrôlés ; 6,8 % des hyperlipidémiques seulement ont un cholestérol total < 2,00 g/l et 7,3 % des diabétiques ont une HbA1c < 7 % une pression artérielle et un CT < 2,00 g/l. Or, on remarque par ailleurs que le nombre d’individus dans une collectivité américaine qui peuvent se targuer de n’avoir aucun de ces trois facteurs de risque majeurs est passé de 42 % en 1991 à 36 % en 2001. Même si l’on commence à découvrir des mutations de gènes pouvant intervenir dans l’expression de telle ou telle maladie cardio-vasculaire, il n’en demeure pas moins que les facteurs de risque traditionnels que sont la cigarette, l’obésité, l’HTA, le diabète ou les dyslipidémies doivent encore être mieux pris en compte que par le passé.
Pendant que se tenait l’ACC, les journaux américains ont tous titré sur le fait que l’obésité était devenue, aux États-Unis, le principal facteur de risque cardio-vasculaire, devançant le tabagisme, et qu’il était temps que la population américaine agisse avec beaucoup plus d’efficacité sur les facteurs de risque dits réversibles.
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