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Insuffisance cardiaque

Publié le 04 mar 2008Lecture 5 min

Reste-t-il encore une place pour la digoxine ?

F. DIÉVART, Clinique Villette, Dunkerque

L’utilisation de la digoxine dans l’insuffisance cardiaque repose principalement sur les données de l’étude DIG, publiée en 1997, et sur des analyses complémentaires qui en ont été faites.

Conduite de l’étude DIG L’étude DIG (Digitalis Investigation Group) est un essai thérapeutique contrôlé, conduit en double aveugle contre placebo dans 186 centres aux États-Unis et 116 centres au Canada et ayant inclus un total de 7 788 patients. Cet essai a compris deux études : • une étude principale, dans laquelle 6 800 patients (5 281 hommes et 1519 femmes) ayant une insuffisance cardiaque symptomatique et une FEVG ≤ 45 %, entre digoxine et placebo ; • une étude associée, dans laquelle 492 patients ayant une insuffisance cardiaque et une FEVG > 45 % ont reçu de la digoxine et 496 ont reçu du placebo. Dans cet essai, 94 % des patients recevaient des IEC. Le taux d’utilisation des bêtabloquants n’était pas précisé.   Résultats principaux de l’étude DIG Dans l’essai principal, le traitement principal par digoxine ne modifie par la mortalité totale ni la mortalité par aggravation de l’insuffisance cardiaque ; mais il diminue le risque d’hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque. Les résultats chez les patients ayant une fraction d’éjection préservée ont été concordants avec ceux de l’étude principale.   Principales études complémentaires de l’étude DIG   Un effet différent chez les hommes et chez les femmes ? En 2002, dans le New England Journal of Medicine, est parue une analyse complémentaire et rétrospective de l’étude DIG indiquant que la digoxine aurait des effets différents chez l’homme et chez la femme.   Un possible effet bénéfique en cas d’IC plus sévère Dans une métaanalyse parue en 1990, l’effet de la digoxine sur des critères intermédiaires (fonction cardiaque, capacité d’exercice, symptômes…) était d’autant plus important que les patients avaient une forme évoluée de la maladie ; les marqueurs d’un tel bénéfice étaient : l’existence d’un troisième bruit cardiaque, une insuffisance cardiaque ancienne et une cardiomégalie à la radiographie thoracique. Dans l’étude DIG, l’analyse en sous-groupe prenant en compte l’effet du traitement sur le risque de décès ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque a été plus marqué : • lorsque la FEVG était < 25 % (RR : 0,68) que lorsqu’elle était comprise entre 25 et 45 % (RR : 0,80) ; • lorsque le patient est en stade NYHA III ou IV (RR : 0,70) que lorsqu’il est en stade I ou II (RR : 0,78).   Un effet potentiellement dépendant de la concentration sérique de digoxine Deux analyses complémentaires de l’étude DIG ont été publiées, évaluant la relation entre la digoxinémie et l’effet sur le pronostic : la première, dans le JAMA en 2003, a comparé trois groupes de patients, en fonction de leur digoxinémie à 1 mois (0,5 à 0,8 ng/ml, n = 572 ; 0,9 à 1,1 ng/ ml, n = 322 ; et > 1,2 ng/ml, n = 277) ; la deuxième, dans l’European Heart Journal en 2006, a comparé deux groupes de patients, ceux ayant une digoxinémie < 1 ng/ml et ceux ayant une digoxinémie > 0,99 ng/ml. Ces deux études sont concordantes pour indiquer une relation dose-effet : • plus la digoxinémie est basse (comprise entre 0,5 et 0,8 ng/ ml), • plus il est possible qu’il y ait une réduction de la mortalité, • plus la digoxinémie est élevée, plus il est possible qu’il y ait une augmentation de la mortalité (figure). Comparaison des taux de mortalité dans le groupe placebo (ligne pleine horizontale) et ceux dans le groupe ayant reçu la digoxine dans l’étude DIG, en fonction de la digoxinémie (d’après JAMA 2003). Ces données sont concordantes avec l’hypothèse neuro-humorale mais doivent cependant être envisagées avec prudence : • il s’agit d’une analyse rétrospective ; • tous les patients n’ont pas eu de digoxinémie à 1 mois ; • enfin, la digoxinémie peut refléter une altération de la fonction rénale qui serait, elle, le marqueur du mauvais pronostic associé aux digoxinémies les plus élevées.   Pas d’effet en cas de fraction d’éjection > 45 % Dans l’analyse complémentaire parue en 2006 dans Circulation, l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée a été définie par une FE > 45 % et 988 des patients inclus dans l’étude DIG correspondaient à cette définition. Ils étaient tous en rythme sinusal, leur fraction d’éjection médiane était à 53 %. Au terme d’un suivi médian de 37 mois, 102 patients (21 %) parmi les 492 sous digoxine et 119 patients (24 %) parmi les 496 sous placebo, ont eu un événement du critère primaire, c'est-à-dire une hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou un décès pour insuffisance cardiaque. Il n’y a pas eu de différence significative entre les groupes en ce qui concerne la mortalité toutes causes ou les hospitalisations toutes causes ou pour raison cardiovasculaire, de même que pour les taux d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et que pour le taux des hospitalisations pour angor instable. La digoxine ne modifie donc pas le pronostic des patients ayant une insuffisance cardiaque avec une FEVG > 45 %. Son effet dans cette population est globalement équivalent à celui constaté chez les patients ayant une altération de la fonction systolique.   Utilisation de la digoxine en 2007 : synthèse Toutes les données permettant de juger de la place de la digoxine ont été obtenues à une époque où les bêtabloquants n’étaient pas des traitements recommandés et utilisés dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque. Par ailleurs, la principale étude permettant de juger de l’apport de la digoxine a été conduite chez des patients en rythme sinusal et l’effet de la digoxine sur le pronostic de patients ayant une fibrillation auriculaire n’est pas connu. Il en ressort néanmoins, que la digoxine peut et doit être utilisée chez des patients restant symptomatiques malgré un traitement par IEC, bêtabloquants et diurétiques. Elle doit suivre et non précéder ou accompagner un traitement par IEC et bêtabloquants, qui sont les traitements prioritaires de première intention. Devant être proposée chez des patients restant symptomatiques, elle est, par la force des choses, associée à un traitement diurétique. Son effet réel chez des patients recevant un bêtabloquant n’est pas connu. La posologie de digoxine à utiliser doit permettre d’obtenir des concentrations sériques comprises entre 0,5 et 1,0 ng/ml. Si un bénéfice réel de la digoxine existe, il n’a été constaté qu’en présence de taux sériques faibles. La digoxine ne peut pas être recommandée pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée. Dans l’analyse complémentaire conduite chez les patients ayant une FEVG > 45 %, il n’a été noté aucun bénéfice du traitement. La digoxine est un traitement de seconde intention pour contrôler la fréquence cardiaque chez des patients ayant une fibrillation auriculaire et une insuffisance cardiaque. Dans cet objectif, les bêtabloquants sont le traitement de première intention. Une analyse en sous-groupe de l’étude DIG a montré que la digoxine pourrait augmenter la mortalité chez les femmes ayant une insuffisance cardiaque mais pas chez les hommes ; malgré les limites d’une telle analyse, la digoxine doit être utilisée avec parcimonie chez les femmes en insuffisance cardiaque.   En pratique   La digoxine peut et doit être utilisée chez des patients restant symptomatiques malgré un traitement par IEC, bêtabloquants et diurétiques. Elle doit suivre et non précéder ou accompagner un traitement par IEC et bêtabloquants, qui sont les traitements prioritaires de première intention. Devant être proposée chez des patients restant symptomatiques, elle est, par la force des choses, associée à un traitement diurétique. Son effet réel chez des patients recevant un bêtabloquant n’est pas connu.

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