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Valvulopathies

Publié le 18 jan 2005Lecture 10 min

Valvulopathies - Un festival de questions pratiques

J.-L. MONIN, CHU Henri Mondor, Créteil

AHA 2004

L’intérêt de ces sessions réside surtout dans la présentation de larges études de cohorte abordant des questions cliniques importantes et non résolues dans le domaine des valvulopathies.
Doit-on rétablir le rythme sinusal en périopératoire de chirurgie valvulaire ? Quel risque opératoire pour la chirurgie non cardiaque en cas de valvulopathie aortique ? Quels types de prothèse valvulaire privilégier chez les sujets jeunes ? etc.
Les réponses à ces problèmes importants sont loin d’être acquises et le mérite de ces études est souvent de rappeler que nous n’avons pas de données suffisantes pour établir des recommandations précises, ce qui devrait logiquement encourager la réalisation d’études randomisées prospectives. Ce type d’études est trop rare dans le domaine des valvulopathies pour une raison bien simple : le peu d’intérêt financier des éventuels promoteurs qui préfèrent investir dans d’autres pathologies (insuffisance cardiaque, syndrome métabolique, dyslipidémies, HTA), beaucoup plus rentables en termes de prescription de médicaments.

Chirurgie de la valve mitrale et aortique   Influence de la fibrillation auriculaire sur la mortalité à long terme après chirurgie valvulaire M. Chaput et al (abstract 1722) L’impact de la fibrillation auriculaire sur la mortalité et les embolies artérielles postopératoires en chirurgie valvulaire est mal connu. Pour étudier cette question, les données concernant le statut rythmique, les complications emboliques et la mortalité ont été collectées de manière prospective dans une large cohorte de patients (n = 5 489) opérés entre 1979 et 2003 au Heart Institute de Montréal (Canada). Au terme d’un suivi long et exhaustif (aucun perdu de vue en 25 ans !), il s’avère que la survie postopératoire à 20 ans est significativement réduite en cas de fibrillation auriculaire (FA) préopératoire (25,7 % contre 35,3 % en l’absence de FA, p < 0,0001). Cependant, la FA préopératoire n’est pas un facteur de risque indépendant pour la mortalité (risque relatif [RR] = 1,04, p = 0,6) et la cardioversion préopératoire n’a aucun effet bénéfique (FA vs rythme sinusal, RR = 1,06, p = 0,6). Le seul facteur prédictif d’embolie postopératoire est la chirurgie de la valve mitrale (RR = 1,55, p = 0,02) et non la FA pré- ou postopératoire. Les auteurs concluent que la FA influe sur la mortalité postopératoire parce qu’elle est le témoin d’un stade avancé de la maladie valvulaire. Cependant, la cardioversion n’influe pas sur le pronostic pour deux raisons : le taux relativement élevé de récidives de FA après cardioversion et la dysfonction ventriculaire gauche sous-jacente liée au stade plus évolué de la maladie.   Resténose mitrale après valvuloplastie percutanée : chirurgie ou nouvelle dilatation ? J.-B. Kim et al (abstract 1714) Le but de cette étude était de comparer le pronostic à long terme après remplacement valvulaire mitral ou redilatation percutanée en cas de resténose après une première valvuloplastie mitrale percutanée (VMP). Parmi une cohorte de 888 patients ayant bénéficié d’une VMP entre 1988 et 2003 (Séoul, Corée), une resténose est survenue chez 91 patients (10 %) dont 32 ont eu une deuxième VMP et 59 un remplacement valvulaire. Le taux d’événements (décès, accident vasculaire cérébral ou insuffisance cardiaque) a été identique dans les deux groupes jusqu’à 3 ans (survie sans événement : 96,6 % chez les opérés contre 90 % en cas de redilatation, p = 0,215). Ultérieurement, on observe une divergence des courbes actuarielles en faveur du remplacement valvulaire (survie sans événement à 6 ans : 92,9 vs 75,1 %, p = 0,033 ; à 9 ans : 89,2 vs 40,1 %, p = 0,002). Les auteurs concluent qu’en cas de resténose après VMP, le remplacement valvulaire mitral assure un meilleur pronostic à long terme, comparé à une nouvelle dilatation.   Risque opératoire de la chirurgie non cardiaque en cas de rétrécissement aortique M. Zahid et al (abstract 1718) Le taux de complications péri-opératoires en chirurgie non cardiaque liées à la présence d’un rétrécissement aortique calcifié (RAC) reste mal défini. D’après la base de données américaine des malades hospitalisés (National Hospital Discharge Survey database), 13 467 patients porteurs d’un RAC plus ou moins serré, ayant subi une intervention de chirurgie non cardiaque entre 1996 et 2001, ont été appariés avec 26 934 patients du même âge, indemnes de pathologie valvulaire. La présence d’un RAC était associée à un taux plus élevé d’infarctus et de décès périopératoires (infarctus : 5,9 vs 1,3 %, p < 0,001 ; décès : 4,7 vs 2,6 %, p < 0,001). L’analyse multivariée, après ajustement sur l’âge et les principaux facteurs de risque opératoire (maladie coronaire, HTA, diabète), montre que la présence d’un RAC est un facteur de risque opératoire indépendant, avec augmentation du risque d’événement cardiaque périopératoire de 34 % (RR = 1,34, intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,22-1,48, p < 0,001). La sévérité du RAC n’a pas été évaluée dans cette étude, par contre l’équipe de Rotterdam a montré récemment que plus le RAC est serré, plus le taux de complications péri-opératoires est important (Kertai et al. Am J Med 2004 ; 116 : 8-13).   Insuffisance mitrale   Valeur pronostique du taux de BNP dans l’insuffisance mitrale D. Detaint et al (abstract 1715) Suite des travaux de D. Detaint et M. Sarano (Mayo Clinic, Rochester, États-Unis) sur le BNP dans l’insuffisance mitrale (cf. compte-rendu de l’ESC, Cardiologie Pratique n° 702). Le taux de BNP a été mesuré chez 124 patients (âge : 63 ± 15 ans, 61 % d’hommes) présentant une IM organique (figure 1) et comparé aux données hémodynamiques (orifice régurgitant mitral, volumes ventriculaires et auriculaire gauche) et à l’évolution clinique. Les résultats montrent que le taux de BNP est corrélé à l’âge, aux symptômes et à la présence d’une fibrillation auriculaire. Au cours d’un suivi moyen de 4 ans, 7 patients sont décédés et 11 patients traités médicalement ont présenté un épisode d’insuffisance cardiaque. En analyse multivariée, le taux de BNP (et non les paramètres de quantification de l’IM) est un marqueur indépendant de la mortalité à moyen terme (RR pour chaque incrément de 10 pg/ml : 1,23 ; IC 95 % [1,07-1,48], p = 0,004) et la survenue d’événements cardiaques (RR idem par incrément de 10 pg/ml : 1,09 ; IC 95 % [1,001-1,19], p = 0,04). Figure 1. Prolapsus mitral étendu du feuillet postérieur (P1-P2), avec insuffisance mitrale de grade 4/4. Le taux de BNP plasmatique a une valeur pronostique indépendante dans l’insuffisance mitrale organique. En conclusion, le BNP est actuellement en cours de validation dans les pathologies valvulaires comme biomarqueur du retentissement cardiaque et comme un élément déterminant du pronostic ; de ce fait, les neurohormones devraient, dans un avenir proche, occuper une place importante dans les stratégies diagnostique et thérapeutique chez les patients valvulaires.   Poids pronostique de l’insuffisance mitrale sur l’évolution à long terme après revascularisation myocardique J. N. Schroder et al (abstract 1987) La valeur pronostique de l’insuffisance mitrale des cardiomyopathies a été soulignée récemment par l’équipe de M. Sarano (Mayo Clinic) et celle de L. Piérard (Lièges). Cette notion est confirmée par cette large cohorte rétrospective : 3 180 patients opérés de pontages coronaires entre 2000 et 2003 à la Duke University. L’analyse statistique ne concerne que les patients ayant une IM minime à modérée, évaluée par échographie transœsophagienne peropératoire avant pontages aorto-coronaires isolés (exclusion des IM importantes et des patients ayant eu une chirurgie mitrale). Cette étude confirme que la présence d’une IM minime à modérée est un facteur de mauvais pronostic postopératoire (figure 2), le risque de décès à long terme étant augmenté de 40 % (RR = 1,382, p = 0,0005) ainsi que le risque combiné de décès/insuffisance cardiaque (RR = 1,31, p = 0,033). Figure 2. Valeur pronostique de l’insuffisance mitrale dans les cardiopathies ischémiques après revascularisation myocardique. D’après J. N. Schroder et al. Après ajustement sur les autres facteurs de risque habituels, la présence d’une IM minime à modérée demeure un facteur pronostique indépendant. Paradoxalement, et c’est le problème majeur soulevé par ces patients, les auteurs rappellent qu’aucune étude n’a encore démontré le bénéfice d’un geste mitral associé aux pontages dans ce contexte.   Survie postopératoire après correction chirurgicale d’une insuffisance mitrale sévère avec fraction d’éjection < 30 % N. Joshi et al (abstract 1988) Un autre problème délicat est celui des patients ayant une IM importante (le plus souvent organique) et une dysfonction systolique VG sévère (définie par une fraction d’éjection < 30 %), les recommandations actuelles n’étant pas en faveur de la chirurgie, notamment lorsqu’une plastie mitrale n’est pas réalisable. La base de données de l’université de Loma Linda (Californie) a permis d’étudier rétrospectivement 969 patients avec IM sévère et FEVG < 30 %, dont 65 (7 %) ont été opérés (41 remplacements valvulaires et 24 plasties mitrales). Les patients opérés avaient un profil de risque plus élevé que le groupe traité médicalement, avec une prévalence plus élevée de maladie coronaire associée (80 vs 61 %, p < 0,0001), de diabète (38 vs 22 %, p = 0,01) ou d’hypertension (64 vs 49 %, p = 0,01). Par ailleurs, les deux groupes étaient comparables en termes d’âge, de sexe et de traitements médicaux (notamment bêtabloquants et IEC). Les résultats montrent une amélioration significative de la survie à 3 ans chez les patients opérés par rapport au traitement médical (60 vs 40 %, p = 0,02). Les facteurs pronostiques indépendants sont la chirurgie et le traitement par bêtabloquant ou IEC. En conclusion, malgré un risque opératoire élevé, la chirurgie semble significativement améliorer la survie de ces patients, de même que le traitement par bêtabloquants ou IEC.   Accidents thromboemboliques après plastie mitrale : étude multicentrique prospective P. Meurin et al (abstract 1989) Cette étude du groupe de réadaptation cardiaque de la Société Française de Cardiologie aborde le problème du traitement antithrombotique après plastie mitrale. Deux cent cinquante et un patients consécutifs (âge moyen : 59 ± 13 ans, 70 % d’hommes) admis dans 13 centres de réadaptation cardiaque après plastie mitrale entre septembre 2002 et juillet 2003 ont été inclus et suivis en moyenne 6 semaines après la chirurgie. Les traitements prescrits (non randomisés) étaient des antivitamines K (AVK, n = 170, 68 %), de l’aspirine (n = 40, 16 %), l’association AVK + aspirine (n = 15, 6 %) ou aucun traitement antithrombotique (n = 26, 10 %). Au cours des 6 semaines postopératoires, un accident vasculaire cérébral transitoire (AIT) est survenu chez 10 patients ; aucun accident cérébral constitué ni embolie artérielle périphérique ou accident hémorragique n’est survenu dans cette série. La survenue d’un AIT a été beaucoup plus fréquente en l’absence de traitement antithrombotique (5/26 patients, 19 %) qu’en présence d’un traitement par AVK et/ou aspirine (5/225, 2 %), la différence étant très significative (odds ratio = 9,0 : 2,5-24, p < 0,0001), y compris après ajustement sur l’âge, la taille de l’oreillette gauche, la fraction d’éjection VG ou la présence d’une fibrillation auriculaire. Au total, cette étude montre le lien entre la survenue d’un AIT et l’absence de traitement antithrombotique dans les 6 semaines après plastie mitrale ; ce résultat important mériterait d’être confirmé par une étude randomisée.   Prothèses valvulaires et rétrécissement aortique   Pronostic à long terme après remplacement valvulaire chez les adultes jeunes A. Kulik et al (abstract 2552) Faut-il privilégier l’implantation de bioprothèses chez les sujets jeunes ? Cette question extrêmement sérieuse et controversée est posée avec insistance par plusieurs équipes (dont celle de la prestigieuse Cleveland Clinic) au vu d’études rétrospectives comme la suivante. Cinq cents patients âgés de 18 à 50 ans, opérés de remplacement valvulaire aortique et/ou mitral entre 1976 et 2002, ont été suivis en moyenne pendant 7 ans, afin d’évaluer la survie, la qualité de vie et le taux de complications en fonction du type de prothèse (mécanique ou biologique). Les taux de survie à 5, 10 et 15 ans sont précisés dans le tableau 1. Les facteurs indépendants de mortalité à long terme pour le remplacement valvulaire aortique sont l’atteinte coronaire associée (RR : 4,8 ± 2,3), le sexe féminin (RR : 2,4 ± 1,0) et la dysfonction VG préopératoire (RR : 2,1 ± 0,6). En position mitrale, les facteurs prédictifs indépendants de mortalité à long terme sont la fibrillation auriculaire et la classe fonctionnelle NYHA préopératoires (RR : 2,7 ± 1,1 et RR : 2,6 ± 0,9 respectivement). En cas d’implantation initiale d’une bioprothèse, le taux de réinterventions à 15 ans est plus élevé en position mitrale (70,5 ± 10,8 %) qu’aortique (25,9 ± 12,0 %). Les taux de mortalité en cas de réintervention sont respectivement de 6 et 10 % en position aortique ou mitrale. La survie à 15 ans est équivalente entre les bioprothèses et les prothèses mécaniques, indépendamment de la valve opérée. De plus, le taux cumulé à 10 ans d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) emboliques est de 5,7 ± 2,4 % en position aortique et 14,7 ± 4,4 % en position mitrale, la mise en place d’une valve mécanique étant, bien sûr, un facteur de risque indépendant d’AVC (RR : 2,2 ± 0,9 ; p = 0,04). Pour finir, le taux d’incapacités professionnelles a été plus élevé en cas de prothèse mécanique, indépendamment de la localisation (RR : 2,5 ± 0,8 ; p = 0,005). Ces résultats très provoquants méritent d’être confirmés par une étude multicentrique prospective randomisée de grande ampleur.   La réintervention elle-même augmente-t-elle le risque opératoire en chirurgie aortique ? P. Davierwala et al (abstract 2558) Dans le même ordre d’idée que l’étude précédente, cette série analyse le devenir de 2 673 patients opérés sur la valve aortique au Toronto General Hospital d’Otawa (Canada) entre 1990 et 2002. Les patients étaient exclus en cas de chirurgie mitrale ou tricuspide associée. L’ensemble du groupe étudié comporte 2 375 remplacements valvulaires de novo et 298 réinterventions, dont 216 remplacements aortiques et 82 interventions type Bentall. La mortalité opératoire de ces trois groupes a été respectivement de 2,3, 4,6 et 2,4 %. Les facteurs prédictifs indépendants de la mortalité opératoire étaient une atteinte polyvasculaire (odds ratio [OR] : 3,6), une endocardite active (OR : 2,9), classe NYHA > II (OR : 2,3) et la nécessité d’un patch d’élargissement de l’anneau aortique (OR : 2,1). La réintervention en elle-même n’augmente pas le risque opératoire de manière indépendante. Au vu de ces résultats, les auteurs concluent que la nécessité de réintervention à moyen ou long terme ne doit pas être un argument définitif en faveur d’une valve mécanique lors du choix initial de la prothèse. Cette étude est à prendre avec les mêmes réserves que la précédente, compte tenu de son caractère rétrospectif et non randomisé.   Bioprothèses aortiques : étude randomisée comparant les valves stentless vs valves avec armature Étude ASSERT, DP. DE Arenaza et al (abstract 2556) Les bioprothèses sans armature (stentless) sont censées avoir un meilleur profil hémodynamique lié à une plus large surface fonctionnelle. Cette étude randomisée a comparé deux bioprothèses du même fabricant (Medtronic), Mosaïc (avec armature) et Freestyle (stentless), chez 190 patients opérés de rétrécissement aortique (âge moyen : 70 ± 9 ans, 50 % d’hommes, diamètre de l’anneau aortique ≤ 25 mm). Les résultats montrent un temps de CEC plus long pour l’insertion d’une stentless (127 vs 89 min, p < 0,001) et une mortalité opératoire identique (3 %). Malgré une surface fonctionnelle légèrement augmentée et un pic de vitesse transvalvulaire plus faible, il n’y a pas eu de différence significative de réduction de masse ventriculaire gauche, classe NYHA ou test de 6 minutes de marche entre les deux prothèses (tableau 2). On ne sait pas si les différences hémodynamiques peuvent amener une réduction plus importante de la masse VG à plus long terme. Au total, ces résultats n’encouragent pas à privilégier une prothèse stentless pour les tailles de 19 à 25 mm, compte tenu de la plus grande difficulté technique (temps de CEC plus long) sans véritable différence fonctionnelle à 6 mois.

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