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Mise au point

Publié le 08 mar 2023Lecture 6 min

Les arythmies des tétralogies de Fallot

Hubert DELASNERIE, Clément KARSENTY, Philippe MAURY, Nicolas COMBES, Toulouse

Cet article fait suite aux recommandations publiées par l’AHA fin 2022(1). Le pronostic de la tétralogie de Fallot a été nettement amélioré par les progrès des techniques chirurgicales, mais les arythmies restent à l’âge adulte une source de morbi-mortalité importante. Leur principal mécanisme est une macro-réentrée liée aux obstacles cicatriciels et aux zones de conductions lentes, favorisées par la chirurgie, les altérations hémodynamiques et les antécédents de cyanose prolongées. Nous allons décrire les spécificités des arythmies chez les tétralogies de Fallot corrigées.

Les arythmies atriales (AA)   Les AA augmentent le risque de décès et d’hospitalisation par insuffisance cardiaque. Leur prévalence est liée à l’âge, pour atteindre 20 % de toutes les arythmies soutenues confondues. Le plus souvent, il s’agit soit d’un flutter classique dépendant de l’isthme cavotricuspide, soit d’une réentrée intra-atriale liée aux cicatrices d’atriotomie. Les autres facteurs favorisants sont la surcharge volumique des cavités droites avec augmentation de la taille de l’oreillette (OD) et la présence d’une fuite au moins modérée. Pour la fibrillation atriale (FA), les facteurs retrouvés sont l’âge (dès 40 ans) et plus classiquement la FEVG, la taille de l’OG, l’HTA et le nombre de chirurgies. Près de 40 % des patients vont développer plusieurs arythmies, parfois associées à une dysfonction sinusale, pouvant nécessiter une implantation de stimulateur voire de défibrillateur. Sur le plan thérapeutique, l’ablation est maintenant proposée en première intention sur toutes les arythmies macro-réentrantes. La cartographie 3D (C3D) permettra de valider les lignes de bloc avec un objectif de non-inductibilité. En l’absence de lésion résiduelle significative et dans des centres spécialisés, le taux de succès à moyen terme sera bon (90 à 95 % de succès) avec un taux très faible de complication(2). En cas de FA symptomatique, une isolation électrique des veines pulmonaires sera proposée avec un taux de récidive supérieur à la population générale du fait d’un substrat probablement plus complexe. Le traitement pharmacologique sera limité par les altérations hémodynamiques et le jeune âge. On privilégie le sotalol, en gardant l’amiodarone en dernier recours. L’ablation chirurgicale ne sera retenue qu’en cas de geste hémodynamique combiné par une intervention de Cox-Maze droit ± gauche réalisée par un chirurgien expert. Pour l’anticoagulation, faisant partie des cardiopathies congénitales complexes, l’indication sera large indépendamment du score de CHA2DS2VASc qui stratifie mal le risque cardioembolique chez ces patients. L’utilisation des AOD montre de bons profils de tolérance et d’efficacité et peut être retenue en première intention.   Les arythmies ventriculaires (AV)   Leur incidence est difficile à estimer, mais elles représentent la principale cause de mort subite, liée majoritairement à des TV monomorphes souvent rapides et mal tolérées. Là encore, le mécanisme est une réentrée via un des isthmes dans le VD directement liés au type de correction chirurgicale (figure 1). L’isthme 1 et 3 sont les plus souvent retrouvés. Les TV polymorphes ou FV (20 %) sont plutôt liées à une mauvaise hémodynamique globale(3). Figure 1. Isthmes anatomiques pouvant favoriser les circuits de TV.   La prise en charge rythmologique   Elle sera indissociable de la prise en charge hémodynamique avec correction si nécessaire de lésions résiduelles. Il a été individualisé des facteurs de risque d’arythmies ventriculaires : • Anamnestiques : l’âge tardif à la réparation chirurgicale; la présence d’une ventriculotomie et d’une chirurgie avant 1980(4) ; une coronaropathie associée ; • Clinique : le statut fonctionnel (NYHA > I) ; • ECG : des QRS > 180 ms(5), mais peu sensible ; la fragmentation des QRS (3 déflections par QRS sur 2 dérivations consécutives) ; la dispersion du QT > 70 ms ; la présence de tachycardie supraventriculaire et TVNS ; • Hémodynamiques : la dysfonction VG ; dilatation et dysfonction VD, la déformation longitudinale globale, la désynchronisation et le rehaussement tardif à l’IRM.   La stimulation ventriculaire programmée (SVP) Elle permettra d’affiner le risque chez les patients présentant plusieurs facteurs de risque non invasif. Des études sont en cours pour évaluer son intérêt avant valvulation pulmonaire percutanée ou chirurgicale. En effet, la prothèse peut rendre un isthme (notamment l’isthme 3) inaccessible à une ablation en cas de tachycardie ventriculaire récidivante. Les protocoles de SVP sont adaptés, une stimulation à couplage fixe de 8 stimuli et jusqu’à 4 extrastimuli dont le couplage sera réduit jusqu’à 180 ms sur deux sites dont au moins la CCVD septale. Elle pourra être sensibilisée par l’isuprel si besoin (souvent adrénergique). La positivité est définie par un épisode de plus de 30 secondes ou ayant nécessité une cardioversion électrique pour instabilité hémodynamique. L’utilisation de la C3D peut permettre d’identifier les isthmes potentiels en cas de vitesses de conductions basses (< 0,5 m/s)(6). Quelques rares patients ont un autre substrat favorisant comme l’ischémie peropératoire ou la fibrose postcardiotomie en dehors de la l’infundibulum. Le taux de positivité de la SVP est de 25 %, sur une population hétérogène atteignant jusqu’à 50 % en prérevalvulation. Lors du suivi les patients inductibles présenteront une majorité de TV mais peu de MS. Pour une TV monomorphe induite, le risque relatif de TV ou mort subite sera de 3,8 contre 4,7 pour une polymorphe(7).   Le traitement des arythmies ventriculaires (figure 2) Figure 2. Proposition d’algorithme de prise en charge en fonction des situations pour les indications de SVP et de DAI.   • Antiarythmiques Le choix découle directement des habitudes de prise en charge des TV chez l’adulte. Un traitement bêtabloquant sera le plus souvent préféré et l’amiodarone ne sera retenue qu’en cas d’impasse thérapeutique chez ces jeunes patients. • DAI En prévention primaire, le faible taux de décès (0,2 %/an) ne justifie en général que rarement une stratification invasive du risque ou l’implantation prophylactique d’un DAI et les recommandations actuelles de l’ESC préconisent une évaluation multiparamétrique en centre expert, complétée au besoin par une exploration électrophysiologique. En prévention secondaire, les patients auront un taux élevé de thérapies appropriées sans qu’il prévienne le risque de récidive. En prévention primaire, par contre, ils présenteront un taux de complication particulièrement important (jusqu’à 43 % à 7 ans pour l’endo et l’épicardique)(8). Le défibrillateur sous-cutané ne sera lui aussi pas si simple d’utilisation, avec jusqu’à 30 % de patients non éligibles et sans possibilité de thérapie antitachycardique souvent très efficace sur des TV monomorphes, au risque d’une augmentation du nombre de chocs. • Ablation des TV L’ablation par radiofréquence est un traitement efficace des TV récidivantes et de prévention des CEI(9). Elle peut être une alternative au défibrillateur dans certains cas sélectionnés. Elle sera réalisée en centre expert en cardiopathie congénitale. Une ablation percutanée sera le plus souvent réalisée avec système de C3D en ciblant toutes les arythmies inductibles si possible (souvent mal tolérées) et en validant la non-inductibilité et la persistance des blocs sur les lignes réalisées, pour un taux de succès global de 90 %. Il n’y a pas eu de complication majeure rapportée lors de ces interventions. Dans 28 % des cas le bloc ne sera pas obtenu : liée à l’hypertrophie du VD ou au matériel prothétique déjà en place. En cas d’échec ou de chirurgie hémodynamique programmée, un complément d’ablation localisé per opératoire sera très efficace. On proposera de répéter la SVP à distance dans tous les cas pour s’assurer de l’efficacité.

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