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Complication

Publié le 28 fév 2014Lecture 5 min

Comment éviter et traiter une stimulation phrénique par la sonde ventriculaire gauche

G. MOUBARAK, A. BOUZEMAN, S. CAZEAU, Hôpital Saint-Joseph, Paris

La thérapie de resynchronisation cardiaque (CRT) requiert la mise en place dans une branche veineuse coronaire d’une sonde destinée à stimuler le ventricule gauche (VG) par sa face épicardique. Cette stimulation VG peut être responsable d’une stimulation phrénique (SP) indésirable, dont nous nous proposons de décrire la fréquence, les déterminants, les conséquences et les différentes possibilités de prise en charge.

Fréquence et conséquences La fréquence rapportée de la SP est très variable, allant de 2 à 37 % selon les séries. Ces différences sont liées à la localisation anatomique des veines dans lesquelles les sondes ont été positionnées, au type de sonde et de prothèse utilisé et à l’application des opérateurs à rechercher et prévenir la SP. La SP se rencontre beaucoup plus fréquemment dans les veines latérales et postérieures qu’antérieures (risque multiplié par 4,1 et 2,9 respectivement(1)), et dans les portions apicales plutôt que basales des veines. Cela s’explique en raison du trajet anatomique du nerf phrénique gauche qui, en allant du plexus cervical au diaphragme, passe près de la veine marginale gauche dans 79 % des cas(2). La capture phrénique dépendra de considérations anatomiques (distance entre la cathode et le nerf(3)) ainsi que de l’intensité du courant généré (amplitude et durée de la stimulation). L’espacement interélectrodes des sondes semble aussi avoir un rôle, des espacements plus petits (1 ou 2 mm comparativement à l’espacement classique de 20 mm) entraînant moins de SP(3,4). Les conséquences de la SP vont de la simple gêne à l’abandon de la CRT. La SP n’est toutefois réellement pertinente cliniquement que pour 56 % des patients la ressentant(5) : c’est le cas surtout quand la différence entre le seuil phrénique et le seuil de stimulation VG est inférieure à 2 V(5). Étant donné que les territoires les plus à risque sont ceux où la chance de réponse à la CRT est la plus grande, le repositionnement de la sonde VG peut avoir pour conséquence la perte de l’efficacité de la CRT. Au maximum, en l’absence de solution thérapeutique, la SP peut conduire à abandonner la CRT (4-5 % des patients dans les séries les plus anciennes, 2 % avec les appareils modernes(5,6)). Comment éviter la stimulation phrénique ? La présence d’une SP est habituellement recherchée au moment de l’implantation en stimulant à 10 V pour une amplitude d’impulsion de 0,5 ms. Cette recherche en position allongée ne détecte toutefois que 59 % des SP rencontrées ensuite(5). Ce manque de sensibilité est lié au fait que dans les autres cas la SP ne se voit qu’en position assise ou en décubitus latéral gauche, ce qui est impossible à réaliser au bloc opératoire. Les microdéplacements de sonde peuvent aussi entraîner secondairement l’apparition d’une SP. Un premier moyen d’éviter la SP serait de placer d’emblée la sonde VG dans une veine autre que latérale ou postérieure, mais au risque d’une moins bonne probabilité de réponse, et ne constitue donc pas une option de première intention. En revanche, il est recommandé d’éviter les portions trop apicales, pourvoyeuses de SP et de mauvaise réponse à la CRT, en tenant compte du fait que des positions trop basales sont plus à risque de déplacement de sonde. En cas de SP constatée en peropératoire, 2 solutions existent : • essayer différents vecteurs de stimulation en peropératoire pour tenter d’en déceler un n’entraînant pas de SP ; • « mapper » tout le trajet de la veine (avec la sonde elle-même ou sur un guide porteur spécifique(7)) pour déterminer les portions où on n’observe pas de SP. Si les sondes unipolaires, entraînant deux fois plus de SP que les sondes bipolaires(1), ne sont plus utilisées, les nouvelles sondes multipolaires sont très intéressantes. Elles pourraient permettre le maintien de la sonde en un site responsable de SP, faute de site alternatif, et de tenter un « repositionnement électronique » en postopératoire. Comment traiter la stimulation phrénique ? Différents moyens simples basés sur la programmation de l’appareil permettent de résoudre beaucoup de cas de SP : • diminution de l’amplitude du courant de sortie, à condition de disposer d’une marge de sécurité suffisante, si possible au minimum 1 V au-dessus du seuil de stimulation VG et idéalement 1,5 V(8) ; • détermination automatique par l’appareil du seuil VG, avec programmation de l’amplitude de sortie juste au-dessus du seuil mesuré(9). Cela est particulièrement utile quand la différence entre les seuils phrénique et VG est très faible ; • augmentation de la durée d’impulsion jusqu’à 1,5 ms. La chronaxie du cœur étant plus élevée que la chronaxie du nerf, un allongement de la durée d’impulsion va permettre de diminuer le seuil de stimulation VG plus que le seuil de stimulation phrénique, donc de pouvoir programmer des amplitudes de stimulation plus basses, en dessous du seuil phrénique(10,11) ; • repositionnement électronique avec les sondes bipolaires : les appareils modernes offrent la possibilité de programmer jusqu’à 6 vecteurs de stimulation en prenant pour cathode les électrodes proximale ou distale de la sonde VG (configurations bipolaires vraies ou étendues). La modification du vecteur de stimulation VG a permis de résoudre 77 à 94 % des cas de SP dans diverses études récentes(12-14) ; • apport des sondes quadripolaires : la sonde Quartet® de St. Jude Medical permet d’avoir à disposition 10 vecteurs de stimulation avec de nombreuses possibilités de s’affranchir de la SP. Celle-ci a pu être éliminée dans pratiquement tous les cas comparativement aux possibilités offertes par des sondes bipolaires(15,16). La multiplication des vecteurs proposés permet également d’obtenir une meilleure réponse hémodynamique aiguë avec certains vecteurs « nouveaux »(17,18). Si ces mesures s’avèrent insuffisantes, des solutions invasives existent et doivent être bien réfléchies (la gêne ressentie par le patient est-elle vraiment importante ? ne peut-il pas s’en accommoder ?). Elles consistent principalement en une reprise pour repositionnement de la sonde VG, dans la même veine ou une autre veine, en fonction des possibilités anatomiques et des caractéristiques de stimulation. Une alternative récemment décrite est l’isolation chirurgicale du nerf phrénique en le séparant de la sonde VG par un patch péricardique mis en place par minithoracotomie antérieure gauche(19) ou vidéothoracoscopie(20). Conclusion La SP est fréquente, mais est de plus en plus facilement traitée par des moyens non invasifs. Dans une série récente, avec les moyens modernes, elle a pu être résolue par reprogrammation électronique dans 88 % des cas et seulement 1,6 % des patients ont requis une réintervention(1).  On peut espérer que ce taux de réintervention va encore diminuer avec les sondes multipolaires. Figure. Position de la sonde ventriculaire gauche en péropératoire, responsable d'une stimulation phrénique avec nécessité de repositionnement sur un autre site.

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