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Complication

Publié le 31 mai 2015Lecture 5 min

Faut-il contrôler systématiquement les stimulateurs après usage d’un bistouri électrique ?

X. COPIE, Centre Cardiologique du Nord

La réponse à cette question ne peut pas se trouver dans des essais aux méthodes éprouvées. Elle est le fruit de l’expérience partagée d’experts ou de votre propre expérience. Les recommandations doivent mettre en balance la tentation du toujours plus sécuritaire au détriment de l’applicabilité et l’excès de confiance qui peut faire courir des risques aux patients. 

Constatant des recommandations peu homogènes de la part des constructeurs de stimulateurs cardiaques ou des différentes sociétés savantes, un panel d’experts réunis sous l’égide de la Heart Rhythm Society (HRS) et de l’American Society of Anesthesiologists (ASA) a publié des recommandations en 2011(1). Elles ont l’intérêt d’être simples et applicables même si elles restent dictées par une grande prudence. Contrôler un stimulateur cardiaque après usage du bistouri électrique Ce qu’il faut savoir La possibilité d’interférences électromagnétiques s’est accrue avec l’utilisation d’outils comme le bistouri électrique, la radiofréquence, la radiothérapie, la convulsivothérapie, etc. Dans le même temps, les constructeurs ont amélioré la protection des stimulateurs. En numérisant la transmission du signal de programmation, les constructeurs ont éliminé le risque de reprogrammation fantôme. Les bistouris électriques bipolaires ne provoquent pas d’interférences électromagnétiques sauf s’ils sont appliqués directement sur le stimulateur cardiaque. Mais ils ne permettent que l’électrocoagulation et pas la dissection. Leur utilisation est généralement limitée à la microchirurgie et à l’ophtalmologie. La plaque indifférente du bistouri électrique unipolaire doit être placée sous la cuisse et non dans le dos pour limiter le risque d’interférences avec le stimulateur cardiaque. Les applications de bistouri électrique à quelques centimètres du stimulateur ou des sondes sont déconseillées. L’utilisation du bistouri électrique audessous de l’ombilic est à moindre risque d’interférences électromagnétiques. Avant une chirurgie programmée, il faut s’assurer que le stimulateur cardiaque ait été contrôlé depuis moins d’un an, avec un compte rendu précisant le rythme sous-jacent, les seuils de stimulation, et une longévité résiduelle supérieure à 3 mois au moment de l’intervention. Une reprogrammation temporaire en mode asynchrone (VOO ou DOO) le temps de l’intervention est parfois préconisée mais impose une surveillance continue du rythme cardiaque. Que disent les recommandations ? Après l’intervention, l’équipe d’anesthésie doit enregistrer un électrocardiogramme. Un contrôle du stimulateur cardiaque peut s’avérer urgent en cas d’anomalie de l’ECG. La règle générale est d’effectuer un contrôle du stimulateur cardiaque dans le mois qui suit l’intervention utilisant un bistouri électrique unipolaire. Dans certains cas particuliers un contrôle avant de quitter l’Unité de surveillance continue est nécessaire : Les stimulateurs cardiaques qui ont été programmés spécifiquement pour l’intervention notamment en mode asynchrone (VOO, DOO), doivent être reprogrammés dès que possible après la fin de l’intervention et nécessairement avant d’interrompre la surveillance continue. Les patients ayant eu une chirurgie cardiaque, une chirurgie vasculaire majeure, ou une chirurgie thoracique doivent avoir un contrôle précoce de leur stimulateur cardiaque. Les patients ayant eu des événements peropératoires comme un arrêt cardiaque ou ayant eu besoin d’un choc électrique externe doivent aussi avoir un contrôle précoce du stimulateur. Les patients opérés en urgence au-dessus de l’ombilic. Enfin, les patients ayant des difficultés logistiques pour se rendre au centre de contrôle de stimulateur dans le mois qui suit la chirurgie doivent être contrôlés avant la sortie. Quelques commentaires sur les recommandations Ces recommandations sont construites autour de craintes qui relèvent parfois plus du risque médico-légal que du risque de mal soigner le patient. Une équipe de prise en charge de la prothèse cardiaque électronique implantable comprenant le médecin, l’infirmière et le technicien est souvent évoquée. Pour nous, il s’agirait du rythmologue isolé portant son programmateur à bout de bras d’un étage (d’un bâtiment ?) à l’autre, et pourquoi pas d’un établissement à l’autre, toutes les structures chirurgicales ne disposant pas d’un rythmologue. La surveillance de l’opéré porteur d’un stimulateur cardiaque pose des problèmes similaires à la réalisation d’IRM avec les stimulateurs cardiaques compatibles. À vouloir appliquer à la lettre les recommandations, on limite l’accès à la chirurgie (comme à l’IRM) des porteurs de stimulateur. Les recommandations préopératoires semblent raisonnables et applicables en chirurgie programmée pour un patient ambulatoire. Les règles peropératoires sont aussi classiques et peuvent être facilement respectées. C’est en postopératoire que les choses se compliquent. À mon sens, on devrait fonder la pratique sur l’interprétation d’un ECG avec un test à l’aimant, ECG qui doit pouvoir être lu par l’anesthésiste-réanimateur. Si cet ECG ne montre pas de bradycardie, pas de défaut de stimulation, pas de défaut de détection et une fréquence à l’aimant similaire à l’examen préopératoire, alors le risque de défaut du stimulateur cardiaque est extrêmement faible et ne justifie pas de contrôle urgent. Dans le cas contraire, un contrôle sera demandé. Un contrôle de routine pourra être effectué quand le patient est à nouveau ambulatoire, dans les 3 mois suivant la chirurgie. Rendre asynchrone le stimulateur cardiaque (par reprogrammation ou application d’un aimant) pour toute chirurgie sus-ombilicale utilisant un bistouri électrique m’apparaît une recommandation excessive. Cela permet d’éviter les inhibitions dues aux interférences électromagnétiques, mais peut être arythmogène. Je préfère conseiller des applications brèves et discontinues du bistouri électrique. Le risque d’oublier de reprogrammer le stimulateur cardiaque après l’intervention est grand et, une nouvelle fois, tous les sites chirurgicaux ne disposent pas d’une équipe rythmologique. Enfin, pour terminer, une petite histoire personnelle. Je contrôle des stimulateurs cardiaques depuis 1994 (plus de 20 ans…) et je n’ai vu qu’une seule anomalie durable après usage d’un bistouri électrique. Le patient avait eu une cardiomyoplastie. Après le prélèvement du grand dorsal au bistouri électrique, en arrière du stimulateur cardiaque, on constatait un passage en IRE (indicateur de remplacement électif). Le stimulateur cardiaque était âgé et n’avait pas été contrôlé avant la chirurgie. Le passage en IRE avait peut-être précédé la chirurgie. Les autres anomalies, relativement rares, étaient toujours liées à des déplacements de sondes récemment implantées, risque connu et détecté par l’ECG. Conclusion  Contrôlez soigneusement les stimulateurs cardiaques en pré-opératoire. Rappelez les règles de bon usage du bistouri électrique et continuez à enseigner aux équipes d’anesthésie la lecture des ECG des porteurs de stimulateurs. Restez disponibles si on vous demande un contrôle rapproché après une chirurgie.  Générateur pour bistouri électrique. La plaque indifférente unipolaire doit être placée sous la cuisse pour limiter le risque d’interférence. 

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