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Polémique

Publié le 31 mai 2014Lecture 8 min

DAI : les thérapies appropriées et inappropriées sont-elles moins fréquentes en 2014 ?

C. KOUAKAM, pôle cardiovasculaire et pulmonaire, CHRU de Lille

Si le bénéfice du défibrillateur automatique implantable (DAI) est bien admis dans les populations à risque, les complications, au premier rang desquelles les thérapies inappropriées, mais aussi les multiples chocs appropriés sont non négligeables. Une métaanalyse publiée au début des années 2000, avec des DAI d’anciennes générations, montrait une incidence de 20 à 25 % de thérapies inappropriées(1). Des études récentes publiées au début des années 2010, avec des DAI plus récents et en principe « plus performants », rapportent toujours une incidence de chocs importante (15 à 20 % inappropriés et 20 à 25 % appropriés)(2,3)

   Tout se passe comme si rien n’avait changé alors que beaucoup de choses ont changé. Les DAI actuels sont « plus intelligents », la prévention primaire représente dorénavant deux tiers des indications, et l’essor de la télécardiologie permet la détection précoce de tout problème relatif au suivi des DAI. En plus, des données cliniques de plus en plus concordantes démontrent qu’il est possible, en 2014, de réduire de manière importante l’incidence de thérapies non essentielles des DAI, inappropriées mais également appropriées(4).   En 2014, réduire de manière importante l’incidence de thérapies non essentielles des DAI, inappropriées mais également appropriées, est possible. De rapides innovations technologiques au service de la réduction des thérapies L’avènement des tous premiers algorithmes de discrimination en 1988(5), à peine 6 ans après la première implantation, a constitué une grande avancée dans le développement des DAI en permettant une prise en charge plus sensible et plus spécifique des patients avec multiples troubles du rythme(6). Le développement des DAI double-chambre en 1995 va permettre une discrimination encore plus précise par l’analyse de la relation auriculoventriculaire(7). Enfin, la possibilité dès le début des années 1990 de réduire de manière indolore les tachycardies ventriculaires (TV) par stimulation antitachycardique (SAT) va améliorer de manière considérable la qualité de vie des porteurs de DAI(8). Elle consiste à délivrer une série d’impulsions de stimulation synchronisées avec précision pour tenter d’interrompre une TV en mettant le circuit de réentrée en période réfractaire. Les avantages de la SAT sont non seulement d’ordre économique (augmentation de la durée de vie des boîtiers et diminution des consultations et des hospitalisations), mais surtout psychologique car il s’agit d’une thérapie moins agressive, souvent non ressentie par le patient et donc mieux tolérée que les chocs. Son efficacité pour la réduction des TV lentes mais également rapides est actuellement largement démontrée(8-10). Des facteurs de risque de thérapies appropriées et inappropriées bien identifiés Les chocs inappropriés Parmi les complications des DAI, les chocs inappropriés arrivent en tête en termes de fréquence et d’impact sur la qualité de vie (anxiété et dépression). Les troubles du rythme supraventriculaires (TSV) constituent la première cause, certaines études rapportant jusqu’à 30 % de chocs inappropriés sur de la fibrillation atriale (FA) en prévention primaire. Les antécédents de FA ou autre TSV, l’âge ≤ 70 ans, l’insuffisance cardiaque, l’absence d’utilisation de statines sont les principaux facteurs de risque de thérapies inappropriées sur de la TSV, et à un moindre degré l’insuffisance rénale(2). La défaillance des sondes Viennent ensuite les complications liées aux défaillances des sondes. En effet, le taux de défaillance des sondes est estimé à 10-15 % au cours de la durée de vie d’un boîtier, et peut atteindre jusqu’à 40 % au bout de 8 ans(11). Chacun des composants d’une sonde (isolant, conducteur ou connecteur) peut être fragilisé à long mais aussi à court terme (exemple des sondes Sprint Fidelis® de Medtronic ou Riata® de St. Jude Médical), par différentes contraintes imprimées à des endroits variés. Certains patients en sont à leur 2e voire 3e remplacement de boîtier, et ce problème de sonde, actuel talon d’Achille du système de défibrillation, se posera avec de plus en plus d’acuité dans les années à venir. Des conséquences économiques et psychologiques Enfin, la multiplication des traitements appropriés (SAT et/ou chocs) n’est pas sans conséquences économiques (multiples consultations et hospitalisations), et psychologiques. L’incidence des orages rythmiques (≥ 3 TV/24 h) peut atteindre jusqu’à 40 %, et ses principaux facteurs de risque sont des antécédents de TV, une FEVG basse et l’insuffisance rénale(12), mais aussi l’absence de traitement bêtabloquant et de statines, et une histoire récente d’insuffisance cardiaque(13).   De quelles preuves robustes disposons-nous en 2014 pour prévenir au mieux le risque de thérapies non essentielles des DAI ? Si la survenue d’un choc approprié ou non est acceptée après l’implantation d’un DAI en prévention secondaire, cela l’est moins en prévention primaire chez des patients par définition « vierges » de toute arythmie ventriculaire et parfois supraventriculaire. La qualité de la programmation du DAI par le rythmologue est donc particulièrement importante pour limiter le risque de traitement non essentiel. La prise en charge du cardiologue traitant est tout aussi importante dans le suivi de la cardiopathie car de nombreux paramètres cliniques influent sur l’incidence des arythmies. Pour être performante, toute stratégie de réduction des traitements des DAI doit s’articuler autour de 4 axes principaux (figure 1).   Figure 1. Stratégie de prise en charge que l’on peut proposer en 2014 pour réduire les thérapies non nécessaires, appropriées ou non, chez des patients implantés d’un DAI.    La qualité de la programmation du DAI par le rythmologue et la prise en charge du cardiologue traitant sont particulièrement importantes.   L’optimisation du traitement de l’insuffisance cardiaque pour diminuer l’incidence des thérapies appropriées et inappropriées En effet, les propriétés antiarythmiques des bêtabloquants ont été bien démontrées chez des patients implantés d’un DAI. Non seulement ils diminuent l’incidence des troubles du rythme ventriculaires avec une efficacité d’autant plus importante que leur dose est élevée(14), mais en plus la réduction du tonus sympathique améliore le taux de succès de la SAT(15). Ils favorisent en outre la diminution des chocs inappropriés(16). L’utilisation des statines a également montré un effet bénéfique sur l’incidence des troubles du rythme ventriculaires(17), y compris chez des patients avec cardiomyopathies non ischémiques(18). Il faut en outre optimiser le traitement freinateur nodal, notamment chez les patients en FA permanente. L’optimisation des réglages du DAI Il s’agit, d’une part, de minimiser les risques de thérapies inappropriées sans altérer la sensibilité du DAI et, d’autre part, de privilégier les traitements les moins agressifs. Le réglage doit au maximum être personnalisé en tenant compte de l’histoire rythmique du patient. Les algorithmes de discrimination doivent tous être activés (sauf cas particulier)(4), y compris ceux dédiés aux fonctions de surveillance des sondes que certains constructeurs proposent dans les DAI récents(19). La SAT doit être programmée y compris dans les zones de TV rapides (figure 2) et de FV (SAT pendant ou avant la charge)(10). Enfin, la durée de détection doit être allongée au-delà des pratiques habituelles et ce, pour limiter le risque de thérapies inappropriées mais aussi appropriées(20-24). Certaines arythmies ventriculaires peuvent en effet s’arrêter spontanément sans intervention du DAI si la durée de détection n’est pas très courte. Les résultats initiaux des études PREPARE(20) et RELEVANT(21) avaient montré que lorsque la durée de détection est allongée, plus de la moitié des épisodes détectés en zone de TV se régularisent spontanément car leur durée est en général ≤ à 29 cycles. Ces résultats ont été confirmés par les récentes publications de 3 grands essais randomisés MADIT-RIT(22), ADVANCE III(23) et PROVIDE(24) qui ont comparé plusieurs configurations de durée de détection « conventionnelle » ou « prolongée » (tableau). Les résultats de MADIT-RIT sont sans appel avec une réduction de 74 % et 62 % des thérapies inappropriées et appropriées dans les groupes avec détection « prolongée », ce sans sur-risque de syncope. La mortalité totale est significativement réduite et la qualité de vie des patients considérablement améliorée. Les résultats d’ADVANCE III et PROVIDE sont concordants, avec une réduction d’un quart des thérapies appropriées et d’un peu plus de la moitié des traitements inappropriés dans le groupe avec détection allongée. Une métaanalyse de 6 études regroupant 7 687 patients retrouve en plus une réduction de 30 % de la mortalité dans le groupe « détection allongée », sans augmentation du risque de syncope. La conclusion de ces études est sans appel sur la nécessité de programmer des durées de détection prolongées, surtout en prévention primaire(4).   Figure 2. Exemple de TV rapide à 260 bpm régularisée par stimulation antitachycardique permettant ainsi d’éviter la délivrance d’un choc non nécessaire, bien qu’approprié.     L’optimisation de la prise en charge rythmologique Elle se fait en ayant recours en fonction du contexte clinique au traitement antiarythmique(25), et/ou à l’ablation par radiofréquence chez des patients avec de fréquents épisodes de TV, en cas d’orage rythmique(26) ou d’épisodes de TSV responsables de chocs inappropriés(27). L’ablation est également indiquée dans les TV polymorphes ou fibrillations ventriculaires initiées par une extrasystole pouvant être ciblée afin de supprimer durablement l’orage rythmique. Cette stratégie hybride est même recommandée par certains à titre prophylactique(28), mais cela peut paraître assez agressif en première intention. L’optimisation du suivi par télécardiologie La télécardiologie, grâce à la détection encore plus précoce de tout problème survenant pendant le suivi de patients, améliore la prise en charge. La télésurveillance des DAI est un outil performant pour dépister précocement les défaillances de sonde, les arythmies supraventriculaire et ventriculaire, grâce à un système d’alertes plus ou moins spécifique. L’étude multicentrique française ECOST(29,30) a montré que cette télésurveillance quotidienne permet de réduire de 52 % le taux de chocs inappropriés, de 72 % les hospitalisations liées à ces chocs, et de 56 % l’incidence des chocs appropriés grâce à la détection précoce des orages rythmiques. Conclusion Les thérapies appropriées et inappropriées des DAI sont-elles moins fréquentes en 2014 ? La réponse est sans doute oui, grâce à un traitement médical optimal et à une programmation up-to-date.  Il faut également miser sur l’apport de la télécardiologie et les bénéfices de l’ablation par radiofréquence.

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