Mise au point
Publié le 30 sep 2011Lecture 6 min
La stimulation septale infundibulaire
A. DA COSTA, L. BISCH, A. GATE-MARTINET, A. NADROUSS, K. ISAAZ Service de cardiologie, Université Jean Monnet, Saint-Étienne
Au cours des ces dernières années, des efforts considérables ont été réalisés pour améliorer la synchronisation cardiaque chez des patients avec asynchronisme électrique et dysfonction ventriculaire gauche (VG) avec des preuves cliniques aujourd’hui bien établies. À l’inverse, si la stimulation ventriculaire droite apicale (SVDA) a montré un effet délétère à long terme dans des groupes de patients à risque, la stimulation septale infundibulaire (SSI) en est toujours au stade de recherche et de tentative de validation. Nous nous proposons de réaliser une revue de la littérature sur ce sujet controversé.
Pourquoi une alternative à la stimulation apicale ventriculaire droite ?
Conséquences physio-pathologiques de la SVDA
Le concept de prévention de la désynchronisation ventriculaire en évitant de stimuler le ventricule droit (VD) remonte au milieu des années 1990(1). Plusieurs études expérimentales avaient montré que le degré d’asynchronisme ventriculaire au cours de la stimulation VD dépendait de plusieurs propriétés physiologiques du myocarde avec une conduction plus lente, des phénomènes d’anisotropie, l’impossibilité de réactiver le système de Purkinje par le myocarde et des propriétés électriques différentes suivant les zones myocardiques(2-4). Par conséquent, le déplacement de l’influx électrique du VD vers le VG sera retardé d’au moins 50 à 70 ms avec un déplacement graduel du septum vers le mur postéro-inférieur qui est la dernière zone activée du VG(5). Ainsi, l’asynchronisme électrique va être responsable d’un asynchronisme de contraction myocardique à la fois inter- et intra-VG(6). Le « classique » septum paradoxal à l’échographie n’est en fait que la résultante de différentes forces exercées liées au mouvement entre le VD et le VG. Les conséquences structurales à long-terme sont maintenant connues avec la diminution de la fraction d’éjection (FE) et l’apparition fréquente d’une insuffisance mitrale(5,6).
Conséquences cliniques de la stimulation ventriculaire droite apicale (SVDA)
Plusieurs études ont montré que la stimulation VD avait un impact négatif sur la morbi-mortalité à long-terme en comparaison par exemple à la stimulation atriale préférentielle dans certaines indications comme la dysfonction sinusale(7-14) (tableau 1).
Chez les patients avec dysfonction sinusale dont la fonction VG est normale, le risque d’insuffisance cardiaque (IC) et de fibrillation atriale (FA) est significativement plus élevé lors de la SVDA, confirmant l’effet délétère de la SVDA à long-terme(7-14) (tableaux 2 et 3).
Malheureusement, la valeur seuil (% de SVDA) ayant un effet délétère n’est pas clairement établie, même s’il apparaît une tendance pour les patients avec troubles de conduction sous-jacents, coronaropathie et dysfonction VG modérée(15,16). Le risque de développement d’une dysfonction VG est estimé entre 9 % et 26 % dans les études disponibles(15,16). Ces chiffres contrastent avec le pourcentage d’asynchronisme ventriculaire noté dans les études qui est estimé à 50 %(16).
Quels sont les différents modes de stimulation possibles en alternative à la SVDA ?
Les alternatives à la stimulation VD apicale sont nombreuses et non réellement bien définies(17-26). Elles incluent la stimulation hissienne, le septum médian, la chambre de chasse du ventricule droit dans sa partie septale et enfin l’infundibulum pulmonaire(27,28). La zone de stimulation la plus étudiée est la chambre de chasse du VD dans sa partie septale (septale RVOT) en raison de la facilité d’implantation de sondes, de la stabilité des sondes à vis et de la reproductibilité de la méthode(27-31). Pour mieux appréhender les zones à stimuler au niveau d’une localisation que l’on peut dénommer chambre de chasse du VD (RVOT), il faut en connaître parfaitement l’anatomie (figure 1)(31). Cette zone est délimitée dans sa partie supérieure par la valve pulmonaire et dans sa partie inférieure par la valve tricuspide. La partie septale qui nous intéresse est située dans la partie inférieure et basse de cette zone, plus favorable à une stimulation physiologique. La partie inférieure et septale du RVOT est située juste en dessous d’une zone appelée crista supraventricularis et contient des trabéculations qui vont faciliter l’implantation d’une sonde de stimulation (figure 1)(31).
Sur le plan pratique, la zone à stimuler nécessite 3 vues essentielles en radioscopie (figure 2).
Sur le plan électrocardiographique, le bon positionnement de la sonde de stimulation au niveau septal sera caractérisé par un QRS plus fin par rapport aux autres zones du VD et surtout un aspect du vecteur en D1 négatif ou isoélectrique(31). La technique d’implantation a été bien décrite et nécessite l’utilisation de stylets préformés avec une angulation postérieure(31). La faisabilité est très bonne avec 97 % de sondes implantées dans cette zone septale infundibulaire. Les échecs sont retrouvés dans le sous-groupe de patients avec FA, dilatation importante des cavités droites, ou présence d’une insuffisance tricuspidienne de haut grade(31). Le risque de déplacement est le même que pour la SVDA.
Figure 1. Structure anatomique du cœur.
Figure 2. Axes essentiels en radioscopie. a : vue antéropostérieure pour placer la sonde entre RVOT et la partie moyenne du septum ; b : vue oblique antérieure gauche et/ou profil (c) où la position septale est caractérisée par une orientation postérieure de la sonde en direction de la colonne ; d : vue oblique antérieure droite pour éviter l’ostium du sinus coronaire. D’après Hillock RJ et al.(21).
Qu’en est-il des preuves scientifiques en faveur d’une stimulation septale systématique ?
Les études évaluant le bénéfice d’une SSI sont peu nombreuses et avec des échantillons de patients relativement faibles(23,31). Dans la métaanalyse de De Cock, seules deux études ont montré un bénéfice à long terme(23,31). Les sous-groupes bénéficiant le plus de cette SSI étaient les groupes avec un débit cardiaque plus bas pour lesquels le QRS s’affinait ou les patients avec FE basse et coronaropathie associée(23,31). De nombreuses limites ont été discutées dans cette métaanalyse, ce qui ne permet pas de trancher formellement en faveur d’un bénéfice de la SSI :
• absence de standardisation du site de stimulation (60 % des sondes seulement au niveau du septum infundibulaire) ;
• variation du critère de jugement dans ces études (FE isotopique ou échographique, DP/Dt ; débit cardiaque ;
• nombre de patients faible ;
• études prospectives et rétrospectives ;
• suivis insuffisants ;
• études monocentriques ;
• résultats discordants(16,31).
Le point déterminant dans ces études demeure le suivi car si l’on analyse les études avec un suivi de quelques mois, elles sont généralement négatives alors que les études avec des suivis au-delà de 12 mois montrent des effets positifs.
Une nouvelle métaanalyse récemment publiée a montré un effet favorable sur la FE pour les suivis > 12 mois et pour les patients avec FE ≤ 45 % mais sans bénéfice sur les paramètres de qualité de vie, les tests fonctionnels et sur la morbi-mortalité(31). Concernant les sondes de défibrillation, du fait de leur caractère plus rigide, il est supposé que le risque de perforation serait moins élevé si l’on réalise une SSI sans affecter les seuils de stimulation et de défibrillation comme cela a été prouvé(32,33). La stimulation du faisceau de His a fait l’objet de quelques travaux mais les résultats des études sont douteux car il n’y a pas de groupe contrôle et la faisabilité de la technique est basse (78 %)(34,35).
Conclusion
La SSI n’a pas à l’heure actuelle de preuves formelles de son bénéfice mais les données indirectes plaident en sa faveur par rapport à la SVDA. Des études randomisées sont en cours sur la base d’une définition exacte de la position de stimulation septale à obtenir en radioscopie. Trois études prospectives multicentriques randomisées ont débuté dont une a été stoppée pour un problème de faisabilité (Optimize RV Selective Site Pacing Clinical Trial). Deux études sont en cours évaluant la SSI par rapport à la SVDA, il s’agit de Protect Pace et de RASP(36).
Références sur demande à la rédaction : biblio@rythmologies.com
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