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Mise au point

Publié le 30 sep 2014Lecture 6 min

Mort subite du sportif - Les 9 leçons du Registre national Français

X. JOUVEN, E. MARIJON, Centre d’expertise Mort subite, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris

Jusqu’à récemment, il n’existait pas de données générales sur la mort subite du sportif dans la communauté — c’est-à-dire incluant les sportifs occasionnels (typiquement le « jogger du dimanche »). Toute l’information dont nous disposions provenait des études effectuées chez le jeune sportif de haut niveau, ou certaines activités sportives spécifiques telles que le marathon.

C’est la raison pour laquelle le Centre d’expertise Mort subite (CEMS) a initié un registre français en avril 2005, mené en population générale (60 départements, 35 millions d’habitants) chez les 10-75 ans, et poursuivi pendant 5 années consécutives. Il s’agissait d’une vaste étude collaborative entre le CEMS, l’Inserm, le Samu de France, mais également l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP), visant à décrire les caractéristiques des sujets, les circonstances de survenue ainsi que le pronostic de ces événements tragiques. Le financement a été possible grâce à la Société française de cardiologie, la Fédération française de cardiologie, ainsi que l’Inserm.   L’objectif était de collecter un maximum de cas de morts subites au cours d’une activité sportive. Étant donné la difficulté d’atteindre l’exhaustivité dans les 60 départements, nous avons mis en place un double système de détection : un formulaire papier rempli sur place par les équipes de Samu, mais également une recherche automatique, via Internet par mots clés, dans plus de 250 journaux locaux et régionaux. Ce dernier système visait à identifier les cas non spontanément transmis par les Samu, pour récupérer les informations médicales dans un second temps. Nous avons collecté un total de 820 cas. Par différents modèles de calcul, considérant notre défaut d’exhaustivité manifeste, nous avons évalué à 800-1 000 le nombre de cas survenant par an en France. Les grands résultats déjà issus de ce registre peuvent être brièvement schématisés en 9 points. Point 1 (figure 1)   Figure 1. Nombre de morts subites pendant le sport (vert : athlètes de compétition ; bleu : autres sportifs). La mort subite du jeune athlète de compétition (en vert) ne concerne pas plus de 6 % du total des morts subites du sportif – elle concernait pourtant près de 100 % des publications jusqu’à présent ! Point 2 L’incidence de la mort subite pendant une activité sportive chez les jeunes (< 35 ans) athlètes de compétition est d’environ 10 par million et par an, soit 4 fois plus élevée que les sportifs occasionnels du même âge. Cependant, ces athlètes font environ 15 à 20 fois plus de sport que les seconds, suggérant effectivement que le risque cumulé du sportif de compétition est élevé, essentiellement du fait d’un « temps d’exposition » plus important. Le risque ajusté pour une heure de sport pratiquée apparaît largement inférieur chez l’athlète, rejoignant l’idée que la pratique sportive régulière est bénéfique, diminuant à plus long terme la mortalité cardiovasculaire, incluant la mort subite. Point 3 Le plus souvent, la cause de décès n’est pas identifiée (75 % des cas), en particulier dans la population pratiquant une activité sportive de loisir. Ce manque d’information est essentiellement lié au fait que deux tiers des sujets décèdent sur place, et que l’autopsie n’est que très rarement pratiquée en France (< 5 %). Parmi les causes identifiées, la maladie coronaire reste prépondérante, représentant 75 à 80 % des pathologies identifiées, les cardiomyopathies familiales et cardiopathies congénitales 10 à 15 %, et les canalopathies et fibrillations ventriculaires idiopathiques 5 à 10 %. Point 4 (figure 2)   Figure 2. Risque de mort subite selon le sexe (femmes : rouge ; hommes : bleu). Au-delà des différences de participation sportive, le risque de mort subite de la femme pendant le sport apparaît extrêmement faible par rapport à celui de l’homme (jusqu’à 30 fois plus faible dans la tranche d’âge 45-54 ans). Dans plus de 80 % des cas en effet, la mort subite du sportif concerne l’homme d’âge moyen (40-50 ans), et les femmes ne représentent que 5 % de l’ensemble des cas. Point 5 D’après ces données françaises, le risque de mort subite serait différent en fonction du sport pratiqué : jusqu’à 6 fois plus faible chez l’homme effectuant une activité de natation comparée à l’homme effectuant du cyclisme. Dire dans quelle mesure ces différences sont directement liées au sport pratiqué, ou en rapport avec d’éventuels facteurs confondants, nécessite d’autres études spécifiques. Point 6 (figure 3)   Figure 3. Taux de survie à la sortie de l’hôpital, selon le département. Le taux de survie à la sortie de l’hôpital est en moyenne de 16 %, supérieur à ce que l’on peut observer lorsque la mort subite survient en dehors d’un contexte sportif (# 7 % en France). Nous avons mis en évidence des disparités départementales majeures en termes de survie à la sortie de l’hôpital (de 0 à 47 %), les deux grands gagnants étant les départements du Nord et de Côte-d’Or. Point 7 (figure 4)   Figure 4. Comparaison de 4 groupes (définis selon le taux de survie à la sortie de l’hôpital), lors de l’intervention sur le lieu de l’accident jusqu’à la phase hospitalière. L’analyse au travers des 4 groupes de survie (< 10 %, 10-20, 20-40, > 40 %) ne montre pas de différence concernant la période hospitalière et les temps d’intervention des premiers secours sur le lieu de l’accident. Par ailleurs, les circonstances de survenue sont très similaires, notamment avec la présence de témoins dans plus de 90 % des cas. À l’inverse, l’action entreprise par le témoin – l’initiation du massage cardiaque – diffère de façon majeure entre les 4 groupes, et est associée avec une proportion de rythme choquable plus importante. Il est intéressant de noter qu’aucune différence significative n’est mise en évidence concernant le temps de réaction (appel premiers secours) et l’usage du défibrillateur. En effet, 90 % des témoins présents initient un massage cardiaque à Lille ou à Montbard (versus 10-20 % dans la majorité des départements français). Point 8 La relativement bonne survie est essentiellement le reflet de ce qui se passe au sein des enceintes sportives (notamment stades) : 22 % de survie, contre 7 % lorsque l’arrêt cardiaque survient pendant le sport hors enceinte sportive. Ces différences de survie ne sont pas tant liées aux caractéristiques des sujets, mais à l’environnement immédiat lors de l’arrêt, notamment l’action du témoin. Point 9 (figure 5)   Figure 5. La survie est associée à la formation de la population locale aux gestes qui sauvent et au déploiement des défibrillateurs externes. Toujours en étudiant les différences entre les 4 groupes de survie, nous observons que la formation de la population aux gestes qui sauvent, mais également le déploiement des défibrillateurs, sont associés à la survie. Cependant, dans notre série moins de 1 % des arrêts cardiaques bénéficient d’une défibrillation avant l’arrivée des secours, soulevant un potentiel effet indirect du défibrillateur (sa présence serait utile même en l’absence d’usage de l’appareil). D’ailleurs, le déploiement des défibrillateurs bien que très significativement associé à la survie en analyse univariée, ne l’est plus une fois que celle-ci est ajustée sur l’éducation de la population générale (OR : 1,08 ; IC 95 % : 0,78- 1,49). Conclusion Beaucoup de données sont encore en cours d’analyse, mais ce premier registre en population générale a permis d’initier, au sein de la communauté médicale internationale, un véritable élan d’intérêt pour le sportif « occasionnel ».  Reste à mieux comprendre quel coronarien d’âge moyen est plus à même de faire un arrêt cardiaque pendant un exercice physique, et définir les stratégies de prévention (au-delà de la visite de non-contre-indication pour la compétition) les plus pertinentes. Entre-temps, nous pouvons améliorer la prise en charge de l’arrêt cardiaque sur les stades pour offrir à l’ensemble des départements des taux de survie de plus de 40 %. L’expérience lilloise nous en démontré la faisabilité !

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