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Polémique

Publié le 20 mar 2020Lecture 4 min

Peut-on implanter des CRT-P en ambulatoire ?

Jean-Louis PASQUIÉ, Montpellier

Le développement de l’activité ambulatoire a pour objectif de faire face à deux problématiques principales : la nécessité de désengorger les structures hospitalières et l’optimisation des contraintes économiques. Dans le cadre de la politique de santé française, le développement de la chirurgie ambulatoire est devenu un objectif de santé publique, avec une politique tarifaire plus incitative qu’auparavant et un encouragement à développer l’ambulatoire dans les établissements de soins n’en faisant pas encore, ainsi qu’à envisager d’effectuer dans ce cadre des procédures plus lourdes et plus complexes.

Près de 18 000 défibrillateurs et 90 000 stimulateurs cardiaques ont été implantés en 2018 en France. Il est licite d’envisager d’effectuer une partie de ces procédures en ambulatoire, certes en priorité pour les actes les plus simples, mais aussi peut-être pour les prothèses de resynchronisation cardiaque (CRT). Les données agrégées de 2014 en France font état d’un taux de procédures réalisées en ambulatoire de 1,9 % pour les primo-implantations de stimulateur, de 11,5 % des changements de boîtier et de 4,3 % des primo-implantations de défibrillateurs, ce qui est encore très peu. Il s’agit pourtant d’une dynamique déjà ancienne. En effet, dès la fin des années 1980, les premières études sur la faisabilité des procédures de primo-implantation en ambulatoire apparaissaient, ainsi que les premières controverses, par la même occasion(1-5). Il a ainsi été prouvé qu’une mobilisation précoce des patients, dès 4 heures en post-opératoire, n’augmente pas le taux d’hématome ni de déplacement de sonde précoce en post-implantation(6-7). La faisabilité des implantations de stimulateurs cardiaques en ambulatoire et son intérêt financier dans le système médico-économique anglais ont été démontrées dès 2010. De la même façon, la faisabilité des primo-implantations en ambulatoire de défibrillateurs en prévention primaire sur une population à faible risque a été étudiée par plusieurs auteurs(8-11). Concernant la resynchronisation, très peu d’études existent (figure 1). Figure 1. Cliché radiologique post-opératoire d’un CRTP biventriculaire pur. Les idées — anciennes — sont réservées sur l’ambulatoire dans ce cadre, du fait de temps de procédure plus longs et d’interventions plus à risque sur des patients possiblement plus fragiles. Récemment Atherton et coll.(12) se sont intéressés à la resynchronisation en ambulatoire. Ils démontrent sur une population de 229 patients dans un centre tertiaire anglais qu’implanter un CRT-P ou CRT-D en ambulatoire est faisable et sûr avec un taux de complications de 9,7 %, identique à l’hospitalisation conventionnelle et sans plus de réhospitalisations précoces. En complément, cela a abouti à des économies de santé (économie calculée pour les patients de l’étude de 61 200 livres anglaises). Une autre étude anglaise(13) s’est intéressée à la resynchronisation et a montré que sur 797 primoimplantations de CRT de mai 2014 à mai 2016, 101 se sont faites en ambulatoire (52 stimulateurs, 28 défibrillateurs, 16 resynchronisateurs et 5 défibrillateurs sous-cutanés) avec des taux de complications identiques à ceux de l’hospitalisation complète, une économie totale significative et une satisfaction très élevée des patients sur le fait de rentrer à domicile le soir même. La voie d’abord est également un paramètre à prendre en compte, et il semble préférable de favoriser une voie d’abord céphalique. Il est important de réaliser une sélection des patients qui sont éligibles à une intervention ambulatoire, et ce d’autant plus qu’on s’intéresse à des procédures complexes comme la resynchronisation. En effet, il apparaît que certains patients ne sont probablement pas de bons candidats à des procédures ambulatoires : il s’agit de patients dont le poids est < 50 kg, de ceux ayant des pathologies chroniques associées et des cas de réintervention sur des sondes. Les patients âgés ou présentant un niveau de dépendance modérée ne semblent pas plus à risque, sous réserve d’un encadrement familial adapté. La gestion du traitement anticoagulant éventuel est un autre problème, l’idéal étant de pouvoir l’interrompre momentanément. Enfin, ces procédures ambulatoires doivent être réalisées dans des centres expérimentés ayant un grand volume d’interventions. Le taux de complication est en effet corrélé au volume de procédures réalisées par le centre et au niveau d’expérience de l’opérateur. De telles procédures ambulatoires doivent être effectuées dans un centre expert, avec une structure et une équipe paramédicale dédiées à l’activité ambulatoire. On peut aussi souligner l’intérêt de la télécardiologie dans la surveillance précoce afin de détecter par exemple une anomalie de paramètre(s) de sonde faisant suspecter un déplacement de celle-ci. L’ambulatoire implique une chaîne d’opérateurs très précise : « faire autant en moins de temps et d’espace ». Afin d’optimiser la fonctionnalité d’un service d’unité médicale d’ambulatoire, des règles d’organisation strictes sont nécessaires avec une vraie protocolisation des séjours. L’ambulatoire est actuellement sous-utilisé en France pour les implantations de stimulateurs cardiaques et pourrait être beaucoup plus répandu. La resynchronisation ambulatoire est possible dans des centres expérimentés avec une unité dédiée.

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