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Publié le 30 sep 2012Lecture 5 min
Stratégies d’anticoagulation et traitements en rythmologie
Si l’on excepte les patients à faible risque thromboembolique (TE), virtuellement tous les patients ayant une fibrillation atriale (FA), qu’elle soit paroxystique, persistante ou permanente, devraient recevoir un traitement antithrombotique, de préférence un anticoagulant, dès lors que leur score de risque CHA2DS2-VASC est ≥ 1. La gestion du traitement anticoagulant à l’occasion d’un geste chirurgical, d’une procédure d’ablation ou d’une cardioversion est complexe et toujours débattue. L’arrivée des nouveaux anticoagulants change-t-elle la donne ?
Classiquement, le traitement par antivitamines K (AVK) doit être interrompu 5 jours avant un acte chirurgical programmé, lequel est effectué sous héparinothérapie, et repris le soir ou le lendemain. La substitution périprocédurale (bridge) par héparine entraîne une majoration du risque hémorragique comparativement à l’absence d’héparinothérapie périprocédurale. Selon une métaanalyse récente incluant plus de 27 000 patients ayant subi une procédure d’ablation, la poursuite des AVK diminue le risque TE, sans sur-risque hémorragique comparativement au bridge par héparine. Si une tamponnade survient, elle n’est ni plus sévère, ni plus difficile à traiter sous anticoagulants.
Que sait-on de l’ablation de FA sous dabigatran ?
Cet inhibiteur direct de la thrombine (demi-vie de 13 h en moyenne) est éliminé par voie rénale ; sa demi-vie est prolongée en cas d’altération de la fonction rénale, d’où la nécessité d’adapter la posologie, d’autant qu’il n’y a pas de test standard évaluant son effet sur la coagulation ni encore d’antidote disponible. Il est recommandé d’interrompre le dabigatran au moins 24 h avant une procédure chirurgicale, en modulant ce délai selon la fonction rénale (tableau). Selon les études, les protocoles sont toutefois différents.
Une analyse rétrospective de l’étude RE-LY a évalué le risque TE et hémorragique chez 123 patients mis sous dabigatran 22 h après l’ablation. Parmi ces patients, 45,5 % étaient auparavant sous warfarine, 27,6 % sous dabigatran (interrompu 36 h avant), 21,1 % sous aspirine et 5,7 % sans traitement. Aucun événement TE n’est survenu sous dabigatran et il n’a pas été observé de surrisque hémorragique(1). Ces résultats contrastent avec l’analyse rétrospective d’un registre multicentrique ayant évalué les risques sous dabigatran versus warfarine en continu. Le dabigatran était interrompu le matin de la procédure (réalisée sous HNF) et repris 3 heures après(2). Il a été trouvé davantage de complications TE et d’hémorragies sous dabigatran mais aucun décès ni hémorragie intracrânienne. Deux facteurs prédictifs de risque TE et hémorragique ont été retrouvés en analyse multivariée, le dabigatran et l’âge > 75 ans. Pour R.A. Winkle, ces résultats pourraient s’expliquer par une potentialisation de l’effet de l’héparine par le dabigatran et une anticoagulation insuffisante en postintervention.
Deux autres études récentes comparant dabigatran vs warfarine concluent à une absence de risque TE et hémorragique sous dabigatran, interrompu le matin ou la veille au soir(3,4).
Que sait-on de la cardioversion sous dabigatran ?
La stratégie optimale de traitement anticoagulant entourant la cardioversion reste mal déterminée. Sur la foi de petites études, il est recommandé de débuter le traitement par AVK au moins 3 semaines avant et de le poursuivre 4 semaines après. La règle des 48 heures stipule que le risque embolique est très faible si la FA date de < 2 j (< 1 % de risque TE), mais il n’existe pas d’étude prospective qui valide cette règle. Dans le travail de M.M. Gallagher et al.(5), le risque TE associé à la cardioversion (réalisée sous couvert des AVK pré- et postprocédure) était équivalent que la FA date de > 2 j ou < 2 j.
Les recommandations ESC 2010 précisent que le traitement anticoagulant doit être débuté après la cardioversion et poursuivi ad vitam aeternam chez les patients à risque TE ; il n’est pas recommandé chez la patients n’ayant pas de facteurs de risque.
Une analyse rétrospective de la cohorte de M.M. Gallagher montre que l’INR devrait être mesuré chaque semaine avant cardioversion pendant au moins 3 semaines, car le risque embolique dépend du niveau d’anticoagulation.
Par ailleurs, le bénéfice d’une cardioversion précoce paraît relativement faible sur la base de l’étude ACUTE(6), cette stratégie ne se différenciant pas statistiquement d’une approche plus conventionnelle en termes de risque TE et hémorragique ou de retour en rythme sinusal. Cette stratégie précoce est proposée aujourd’hui comme une alternative acceptable pour l’ESC. Chez un patient en FA depuis > 48 h et dont l’état hémodynamique est instable, une cardioversion peut être réalisée sous héparine et le traitement par anticoagulant oral sera débuté après.
Pour évaluer la place du dabigatran dans la stratégie d’anticoagulation autour de la cardioversion, nous disposons d’une analyse post-hoc de l’étude RE-LY, durant laquelle 1 983 cardioversions ont été réalisées chez 1 270 patients : 647 sous dabigatran 110 mg x 2, 672 sous dabigatran 150 mg x 2 et 664 sous warfarine(7). Une échographie transœsophagienne a été réalisée 2 fois plus souvent chez les malades des groupes dabigatran. Il n’a pas été observé de différence significative concernant les événements hémorragiques et TE (très peu nombreux, moins sous dabigatran 150 mg x 2, autant sous dabigatran 110 mg x 2 et warfarine, mais il y avait davantage de thrombus auriculaires gauches dans le groupe dabigatran 110 mg x 2 et une tendance à un sur-risque hémorragique lié à la prise concomitante d’antiplaquettaires dans ce groupe). Une étude prospective visant à confirmer le bénéfice/risque dans cette indication est difficilement envisageable car elle nécessiterait d’inclure plus de 14 000 à 18 000 patients.
Les nouvelles recommandations de l’ESC précisent que l’on peut envisager une cardioversion chez un patient traité par dabigatran, à condition de débuter le traitement 3 semaines avant la procédure, à doses thérapeutiques, et de le poursuivre au moins 4 semaines après, et chez des patients compliants car il n’existe pas de moyen facile à mettre en œuvre pour vérifier le niveau d’anticoagulation, comme avec les AVK. Chez les patients à haut risque, le traitement par dabigatran doit être poursuivi au long cours. Les recommandations ACCP 2012 sont très semblables.
Faut-il choisir entre traitement anticoagulant et antiarythmique ?
Des précautions doivent être respectées en fonction de l’anticoagulant choisi en raison des risques d’interactions médicamenteuses. Concernant le dabigatran, Il n’y a pas de risque avec les produits métabolisés par le cytochrome P450, mais les inhibiteurs de la glycoprotéine Pgp augmentent l’exposition au dabigatran, les inducteurs de Pgp la diminuent. Dans une stratégie de contrôle du rythme chez les patients en FA, le choix du traitement antiarythmique en association au dabigatran doit exclure la dronédarone. Une surveillance étroite est recommandée en cas de co-administration de dabigatran avec l’amiodarone, la quinidine et le vérapamil.
Symposium des laboratoires Boehringer Ingelheim au congrès ISCAT 2012. Stratégies d’anticoagulation et traitements en rythmologie, avec la participation de J.-Y. Le Heuzey, M. Haïssaguerre, N. Saoudi, P. Mabo et M. Drici.
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